Le paradoxe du REM ne peut pas être plus flagrant que cette semaine.

D’un côté, on nous dit qu’il faudrait dépenser 36 milliards pour un REM 2.0 afin de favoriser le développement de l’est de Montréal. On nous dévoile cette facture astronomique sans avoir étudié les modes de transport alternatifs qui pourraient présenter un meilleur rapport coût/bénéfice. Et surtout, sans nous offrir une vision claire du développement urbain – construction de logements, création d’entreprises – qui est pourtant la clé de voûte de l’investissement.

On aurait voulu tuer le projet dans l’œuf qu’on n’aurait pas mieux fait.

Pendant ce temps dans l’ouest de l’île, on laisse 26 résidants de Pierrefonds faire dérailler un projet de construction de 111 logements… juste à côté d’une gare où le nouveau REM va bientôt s’arrêter.

Lisez l’article « Regard sur l’immobilier : un autre cas de “Pas dans ma cour” »

C’est du sabotage qui mène le développement de Montréal dans un cul-de-sac.

À quoi bon dérouler des REM partout dans l’île, à grands coups de milliards, si on laisse ensuite les communautés mettre des bâtons dans les roues de ceux qui veulent développer les quartiers ?

Un peu de vision ! Un peu de courage politique ! Le développement du transport collectif structurant va de pair avec la densification urbaine.

En ce moment, il est trop facile pour une poignée de résidants de bloquer des projets qui nécessitent un changement de zonage, en brandissant la menace d’un référendum, comme on l’a vu à Pierrefonds et à de nombreux autres endroits.

Dans Griffintown, la situation est particulièrement criante. Dans la rue Eleanor, par exemple, un projet de quelque 100 logements a été renversé en 2022, à l’issue d’un référendum où 78 personnes ont voté contre.

Consultez l’article du journal Métro sur le projet rejeté dans Griffintown

Mais la plupart du temps, le projet avorte dès qu’un nombre suffisant de résidants signent le registre exigeant un référendum qui n’a jamais lieu parce que les villes et les promoteurs ne veulent pas s’embarquer dans un processus long et coûteux.

Souvent, on se retrouve dans des situations aberrantes, où un nombre très restreint de citoyens qui vivent à proximité ont droit de vie ou de mort sur des projets d’ampleur.

Le printemps dernier, il aurait fallu seulement 16 signatures pour obtenir un référendum auquel à peine 62 personnes auraient été appelées à se prononcer sur un projet de plus d’un millier de logements à L’Île-des-Sœurs, à proximité du REM. Finalement, seulement 10 résidants ont signé le registre. Mais il s’en est fallu de peu !

Consultez l’article du média Nouvelles d’Ici sur le référendum à L’Île-des-Sœurs

Cela prouve que le processus est beaucoup moins démocratique qu’il en a l’air.

Si les référendums peuvent servir de garde-fous lorsqu’une ville est trop complaisante avec un promoteur, ils peuvent trop aisément être détournés par des individus qui placent leurs propres intérêts devant le bien commun.

Le classique : les résidants se plaignent qu’un nouveau projet entraînera trop de circulation dans leur quartier. Or, ils perdent de vue qu’en rejetant la densification, on provoquera un étalement urbain qui causera beaucoup plus de circulation… mais pas chez eux.

Si on veut vraiment lutter contre les changements climatiques, il faut réfléchir de façon collective, pas individuelle. Si on veut résoudre la crise du logement, il faut mettre fin au « pas dans ma cour » qui empêche la jeune génération de s’installer sur l’île.

De la Colombie-Britannique à la Nouvelle-Zélande en passant par le Vermont, de nombreux gouvernements ont changé leurs lois pour favoriser la densification.

Au Québec, l’adoption récente du projet de loi 16 va permettre d’éviter les référendums pour les projets à proximité du transport collectif structurant, mais seulement si on augmente la densité de moins que 50 % par rapport au zonage actuel (ex. : en passant de 2 étages à 3 étages).

C’est mieux que rien. Mais on est mûrs pour une réforme en profondeur du processus référendaire qui reste affreusement complexe.

Les projets immobiliers qui respectent une saine vision du développement urbain à proximité du transport collectif structurant ne devraient plus être soumis à des référendums.

Alors qu’on investit des milliards en transport collectif, on ne peut pas accorder un droit de veto à quelques résidants vivant à proximité, alors que le reste de la communauté – et ceux qui voudraient s’y établir – n’a pas un mot à dire.

Les villes doivent aussi faire leurs devoirs. Certaines comme Brossard ou Verdun sont plus proactives que d’autres, comme Pointe-Claire, dont les élus se sont rangés du côté des citoyens pour bloquer un projet tout près du REM.

Bien sûr, les abords du REM ne doivent pas être juste un terrain de jeu pour les promoteurs.

Mais au lieu de se braquer, les élus devraient faire preuve de courage politique et procéder à une planification détaillée reposant sur une vision d’ensemble qui tient compte du développement des parcs, des écoles et des autres infrastructures publiques.

Cette vision claire, c’est l’élément essentiel qui doit accompagner le projet de transport structurant dans l’est de Montréal, où il y a plein de potentiel (terrains et bâtiments sous-utilisés), mais aussi beaucoup de contraintes (proximité du port avec les camions et le rail, terrains contaminés, etc.).

On a besoin de solutions pour relever les défis. D’un plan clair pour propulser le projet de transport structurant dans l’Est.

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