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Comment BCE et Telus peuvent-elles continuer de verser des dividendes offrant un rendement supérieur à 6 % alors que les ratios de distribution dépassent 100 % ?

Pierre Dauphinais

Les dividendes élevés sont assurément recherchés et appréciés des investisseurs, particulièrement dans le contexte inflationniste actuel.

Certaines entreprises versent la totalité ou la quasi-totalité de leurs profits à leurs actionnaires, alors que d’autres n’en versent qu’une partie et injectent le reste dans leurs activités.

En télécommunications, les nécessaires programmes d’investissement dans les réseaux peuvent affecter « temporairement » le ratio de distribution du dividende. Une baisse des dépenses d’investissement donne lieu à une hausse des flux de trésorerie disponibles.

Le ratio de distribution du dividende se calcule généralement en fonction des profits générés ou des flux de trésorerie (qui, contrairement aux profits, ne sont pas affectés par des éléments non monétaires tel l’amortissement).

Distribuer à ses actionnaires des sommes dépassant les profits générés ou les flux de trésorerie disponibles est dangereux, dit le gestionnaire de portefeuille Marc L’Écuyer, de la firme Cote 100.

Dans le cas de Telus, Marc L’Écuyer fait remarquer que depuis le début de 2023, l’entreprise a augmenté son niveau d’endettement. « Pour la suite, elle peut aussi émettre des actions ou réduire ses dépenses en immobilisations », dit-il.

Si les mesures de réduction d’effectif annoncée vendredi entraînent une dilution temporaire du flux de trésorerie disponible cette année, Telus soutient que ces compressions favoriseront l’expansion des flux de trésorerie disponibles dans les années à venir, en plus de favoriser la progression du programme pluriannuel de croissance du dividende.

Valeur refuge

Telus et BCE ont des programmes de croissance du dividende bien établis depuis plusieurs années.

Certains investisseurs achètent des actions d’entreprises comme BCE et Telus pour le dividende. Pour eux, les entreprises de télécommunications sont une valeur refuge. L’action de Telus est néanmoins passée d’une trentaine de dollars il y a trois mois à 23 $ aujourd’hui. Le titre de BCE est de son côté passé de 65 $ en mai à 55 $ aujourd’hui.

La bonification de 7 % par Telus de son dividende trimestriel au printemps était la 24e augmentation depuis le lancement de son programme en mai 2011.

Telus soutient que les investissements soutenus dans son réseau à large bande renforcent sa confiance quant à la viabilité à long terme de son programme de croissance du dividende. Au moment d’annoncer la plus récente hausse de son dividende, Telus soulignait que la « réduction importante » des dépenses en immobilisations annuelles à compter de cette année devait entraîner une expansion importante et durable de ses flux de trésorerie disponibles.

BCE tente aussi de maintenir une croissance constante et durable de son dividende. Le rendement de 7 % du dividende de BCE – le niveau le plus élevé dans le secteur des télécommunications au pays – rend l’action assurément très alléchante.

Pour la 15e année de suite, BCE vient de bonifier son dividende de 5 % ou plus. L’augmentation annoncée en février porte le dividende annuel à 3,87 $ par action.

La direction soutient que c’est le reflet de la position financière stable de BCE et que l’objectif est d’assurer la croissance du dividende en maintenant un ratio de distribution à l’intérieur de la fourchette de 65 à 75 % des flux de trésorerie disponibles.

BCE s’attend toutefois à ce que le pourcentage de distribution en fonction de ses flux de trésorerie demeure au-dessus de son objectif de 65 à 75 % pendant la durée de son programme actuel d’investissement dans ses réseaux.

Pour l’exercice 2023, l’analyste Adam Shine, de la Financière Banque Nationale, prévoit que le bénéfice par action ajusté de BCE s’élèvera à 3,14 $ et que les flux de trésorerie seront de 3,48 $ par action.

Avec un dividende annuel de 3,87 $ par action, le ratio de distribution dépasse 100 %. Adam Shine s’attend cependant à ce que les flux de trésorerie par action de BCE augmentent à 4,04 $ en 2024. Mais il faudra voir comment évolueront le niveau de rentabilité de BCE et sa capacité à générer des flux de trésorerie, et tenir compte aussi d’une autre augmentation de 5 % du dividende qui doit suivre en 2024.

Certains diront que dans le contexte de transformation du secteur et de l’évolution de l’environnement réglementaire, concurrentiel et macroéconomique, réduire le dividende serait le geste responsable à faire pour augmenter la marge de manœuvre. Mais ne comptez pas trop là-dessus. Cela est une solution de dernier recours pour un dirigeant.

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