Ottawa veut se débarrasser de l’autoroute Bonaventure, révèle une note de breffage fédérale obtenue par La Presse par l’entremise de Loi sur l’accès à l’information. Le document brosse aussi un portrait critique du bilan de l’administration Plante quant au développement de logements sociaux et abordables.

« Comme vous le savez, le gouvernement fédéral est intéressé à se départir de l’autoroute Bonaventure » : c’est le message qu’Infrastructure Canada suggérait d’adresser au directeur général de la Ville de Montréal, lors d’une rencontre tenue en septembre dernier. « La société des Ponts Jacques-Cartier et Champlain Incorporée (PJCCI) et mes représentants entreront en contact avec la Ville de Montréal dans les prochains mois pour continuer la discussion à ce sujet. »

Le document note que le budget fédéral de 2021 faisait mention de l’intention d’Ottawa d’explorer la possibilité de céder cette infrastructure.

Le ministre fédéral des Transports et lieutenant de Justin Trudeau au Québec, Pablo Rodriguez, n’en a toutefois pas soufflé mot en décembre dernier, en annonçant la transformation d’un tronçon de l’artère en boulevard urbain, pour 300 millions. Actuellement, « c’est laid, c’est d’une autre époque », avait expliqué M. Rodriguez en vantant le parc linéaire qui pourrait être aménagé le long du fleuve. Le projet ne touche toutefois pas la partie surélevée de l’autoroute, entre le canal de Lachine et le pont Victoria.

PJCCI a dirigé La Presse vers Infrastructure Canada. Le Ministère n’a pas répondu à notre demande d’information.

Le cabinet de Valérie Plante a fait valoir qu’il ne souhaitait pas que la volonté d’Ottawa de céder l’autoroute puisse avoir des répercussions sur l’« audacieux projet de transformation de l’autoroute Bonaventure en boulevard urbain, visant à la ramener dans le XXIe siècle », auquel Montréal participe. « Il s’agit d’un accord bénéfique pour toutes les parties impliquées ; un accord que l’on souhaite évidemment garder entier. »

L’autoroute Bonaventure a été construite par Ottawa en 1966, juste à temps pour l’Expo l’année suivante. Elle a été en partie construite sur des terrains gagnés sur le fleuve en servant pendant des décennies de dépotoir.

Critique sur l’habitation

Par ailleurs, la même note de breffage d’Infrastructure Canada brosse un portrait des divers enjeux prioritaires à Montréal, afin que les hauts fonctionnaires fédéraux en soient informés.

Le document est particulièrement critique du bilan du règlement montréalais pour une métropole mixte, adopté en 2021, qui force les promoteurs à inclure 20 % de logement social, 20 % de logement abordable et 20 % de logement familial dans chaque projet.

« Depuis l’adoption du règlement, 150 nouveaux projets de développeurs privés ont créé 7100 logements. De ceux-là, aucun n’était du logement abordable », relève le document. « La très grande majorité des promoteurs ont choisi de payer une pénalité plutôt que de créer des logements abordables », mais « les 24,5 millions qui ont été amassés en pénalités sont considérés par des experts en logement comme insuffisants pour financer ne serait-ce qu’un seul projet ».

Le document continue : « l’expérience montréalaise pourrait démontrer la nécessité d’investir davantage dans l’aide aux organismes qui font du logement hors marché et dans le logement social, plutôt que de demander aux promoteurs privés de construire du logement abordable ».

Infrastructure Canada n’a pas répondu au message de La Presse.

« La note indique […] l’importance de financer directement du logement social et abordable hors marché, et c’est exactement la voie que poursuit la Ville de Montréal », a fait valoir le cabinet de la mairesse de Montréal, par l’entremise de l’attaché de presse Simon Charron. Il a noté que le fonds financé par les pénalités avait augmenté depuis la rédaction de cette note et que sept terrains avaient été cédés à la Ville.

« Nous avons proposé des ajustements pour adapter le règlement pour une métropole mixte à la réalité économique actuelle, a-t-il continué. La Ville s’adapte et les autres partenaires doivent aussi emboîter le pas en finançant les projets de logements sociaux et abordables. »

Avec William Leclerc, La Presse