(Washington) Après un historique accord à l’amiable de 787,5 millions de dollars annoncé mardi, de nouveaux soucis judiciaires se profilent à l’horizon pour Fox News : une experte en désinformation, victime d’un torrent de menaces en ligne, souhaite engager des poursuites contre la chaîne préférée des conservateurs aux États-Unis.

« C’était un peu comme si on m’enterrait vivante », a déclaré à propos de cette campagne de harcèlement Nina Jankowicz, qui a conseillé des États étrangers et écrit deux livres sur la désinformation, lors d’un entretien avec l’AFP.

L’an dernier, l’experte a été nommée à la tête du nouvellement créé Conseil de gouvernance sur la désinformation, un organe officiel américain chargé de combattre les contre-vérités pouvant être considérées comme des menaces à la sécurité intérieure.

Mais dès ses débuts, le projet a été cloué au pilori de tous les côtés : les conservateurs l’ont qualifié de « ministère de la Vérité », référence à l’ouvrage 1984 de George Orwell, tandis que les associations de libertés civiles l’ont vu comme un vecteur de censure étatique, au moment où divers pays à travers le monde utilisent des lois anti-« fake news » pour réprimer leurs critiques.

Seulement quelques semaines après la création du Conseil, Nina Jankowicz a démissionné et l’organisation, affiliée au département de la Sécurité intérieure, a été dissoute en quelques mois.

Avalanche de menaces

L’experte de 34 ans n’est pour autant pas sortie du viseur des présentateurs de Fox News qui l’ont qualifiée d’« adepte de théories du complot » et d’« idiote utile » de l’administration Biden qui « concocte de la désinformation ».

Avec sa démission, une avalanche de menaces de mort et de viol s’est abattue sur elle, explique Nina Jankowicz, qui exprime sa déception envers l’État, qui n’a pas su la protéger.

Elle insiste cependant pour dire qu’une grande partie du problème provient de Fox News, qu’elle accuse de tirer un profit pécuniaire de la désinformation.

Et l’experte, qui espère déposer plainte le mois prochain contre la chaîne, n’est pas la seule dans ce cas.

Fox News, joyau de l’empire médiatique du magnat Rupert Murdoch, s’est résolue mardi à payer 787,5 millions de dollars pour mettre fin aux poursuites de Dominion Voting Systems.  

Cette entreprise de machines de vote électronique accusait la chaîne d’avoir proféré des mensonges à l’antenne en marge de la présidentielle de 2020, affirmant que l’entreprise avait truqué les résultats en faveur de Joe Biden face à Donald Trump.

En amont d’un procès contre Dominion qui n’aura finalement pas lieu, une quantité impressionnante d’échanges avait été rapportée par les médias américains, montrant que de hauts responsables de Fox News étaient prêts à répandre des contre-vérités sur l’élection par peur de perdre leur audimat en faveur de chaînes concurrentes, jugées potentiellement plus fidèles à Donald Trump.

« Abreuvé » de mensonges

Selon Nina Jankowicz, l’accord est « une victoire pour la vérité ».

« Mais cela ne résout pas le problème auquel des individus comme moi font face, à savoir qu’obtenir justice pour les mensonges proférés à notre propos est cher et inaccessible si vous n’êtes pas soutenu par un fonds d’investissement », estime-t-elle.

« Qu’est-ce qui empêche Fox et d’autres de s’en prendre à des cibles “ faciles ” s’il n’y a pas d’effet dissuasif ? », s’interroge l’experte, aujourd’hui vice-présidente de l’ONG Center for information resilience.

Sa campagne de levée de fonds en ligne, visant à engager des poursuites contre le groupe, a récolté jusqu’ici la moitié de son objectif de 100 000 dollars.

« Fox News a irrémédiablement changé ma vie quand ils ont abreuvé leurs dizaines de millions de spectateurs de mensonges à mon égard », souligne Nina Jankowicz dans une vidéo accompagnant sa page de levée de fonds.

Des présentateurs de Fox News s’étaient notamment moqués d’elle à l’antenne en diffusant une de ses vidéos TikTok de 2021, dans laquelle elle adapte une chanson de Mary Poppins pour parler de désinformation.

L’un des commentateurs de la chaîne la décrit alors comme « cinglée ».

« Des dizaines de milliers de personnes m’ont harcelée en ligne, des centaines m’ont violemment menacée », déplore l’experte.

Fox News, sollicitée par l’AFP, n’a pas souhaité faire de commentaire.

Sa plainte devrait s’ajouter aux autres tourments judiciaires de la chaîne. Celle-ci fait également face à une plainte en diffamation de Smartmatic, une autre entreprise de services de vote électronique, qui réclame 2,7 milliards de dollars.