(Ottawa ) Le Parti conservateur presse le gouvernement Trudeau de renvoyer en comité parlementaire le projet de loi C-11, qui vise à moderniser la Loi sur la radiodiffusion, afin d’examiner la demande de Québec d’y inclure un mécanisme de consultation obligatoire de la province pour s’assurer que le CRTC protège la spécificité culturelle québécoise.

La Presse a révélé lundi que le ministre de la Culture et des Communications du Québec, Mathieu Lacombe, a envoyé une lettre de trois pages à ce sujet au ministre du Patrimoine Pablo Rodriguez au moment où les élus à Ottawa entreprennent essentiellement les dernières étapes de l’étude du projet de loi C-11.

Dans cette lettre datée du 4 février, le ministre Lacombe a soutenu qu’il existe de graves lacunes dans la présente mouture du projet de loi. Au premier rang, l’absence d’un mécanisme de consultation formel du gouvernement du Québec avant que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) n’adopte les règlements touchant les plateformes numériques.

« Il est essentiel, tant dans le projet de loi C-11 que lors de sa mise en œuvre par le CRTC, que la spécificité culturelle du Québec et la réalité propre au marché de langue française soient adéquatement considérées. Je réitère à ce titre notre exigence qu’un mécanisme de consultation obligatoire et officiel du gouvernement du Québec soit prévu dans la Loi à cet effet », a écrit le ministre Lacombe.

En plus de moderniser la Loi sur la radiodiffusion, le projet de loi C-11 vise à mettre à jour les règles de diffusion du Canada pour intégrer la présence sur le marché des géants de la diffusion en ligne tels que YouTube, Netflix et Spotify. Cette réforme les obligerait à contribuer au contenu canadien et à le rendre accessible aux utilisateurs au pays – sous peine de lourdes sanctions.

Aux Communes, mardi, le député conservateur Pierre Paul-Hus et son collègue Gérard Deltell ont tour à tour interpellé le ministre Rodriguez à ce sujet, l’exhortant à étudier « la demande légitime » du Québec.

« Le gouvernement du Québec presse le gouvernement libéral d’insérer dans le projet de loi C-11 un mécanisme de consultation obligatoire du Québec pour assurer la protection de la culture québécoise. […] Est-ce que le premier ministre et le Bloc sont d’accord avec le ministre Lacombe concernant la culture québécoise et que le gouvernement doit envoyer le projet de loi en comité parlementaire ? », a demandé le député Pierre Paul-Hus.

« Nous collaborons extrêmement bien avec le gouvernement du Québec sur le dossier de la culture et sur bien d’autres dossiers par ailleurs. Le Bloc québécois, le NPD et le Parti libéral comprennent l’importance de la culture. Ils comprennent l’importance de demander aux services de diffusion en continu, comme Netflix et Disney, qu’on aime beaucoup, de contribuer à la culture canadienne », a répondu le ministre du Patrimoine.

« Il y a un parti qui a décidé d’abandonner le secteur de la culture, qui a décidé d’abandonner nos acteurs, nos créateurs, nos producteurs et nos directeurs. Il a décidé un moment d’abandonner tous ceux qui produisent ce qu’il y a de mieux au monde. Ce parti, c’est les conservateurs », a-t-il ajouté.

« Comment un député du Québec, un ministre du Québec refuse-t-il d’écouter les demandes du gouvernement du Québec ? Je comprends que le projet de loi C-11 est un projet centralisateur qui donne plus de pouvoir au fédéral à Ottawa. Cela se passe avec la complicité du Bloc québécois, que je devrais maintenant appeler le bloc centralisateur », a pesté le député Gérard Deltell.

M. Rodriguez a accusé le Parti conservateur de vouloir à nouveau retarder l’adoption du projet de loi. Il a indiqué qu’il va rencontrer le ministre Lacombe en fin de semaine.

À Québec, pendant ce temps, l’Assemblée nationale a adopté une motion unanime exigeant la création de ce mécanisme de consultation. À défaut de quoi, le Québec « continuera d’appliquer, dans ses champs de compétence, les lois démocratiquement votées à l’Assemblée nationale » et « utilisera tous les outils à sa disposition afin de continuer à protéger sa langue, sa culture et son identité. »

Dans sa lettre, le ministre Lacombe a soutenu que le Québec « doit toujours avoir son mot à dire avant que des instructions soient données au CRTC pour orienter son action en vertu de cette loi lorsque ses interventions sont susceptibles de toucher des entreprises offrant des services au Québec ou d’avoir un impact sur le marché québécois. Nous estimons primordial d’avoir un droit de regard sur ces instructions, le Québec étant le foyer de la langue française et de la culture francophone en Amérique », a-t-il argué.

Le ministre Lacombe a aussi exprimé son inquiétude au sujet de la portée d’un amendement au projet de loi adopté par le Sénat. Selon lui, cet amendement ne permet pas de s’assurer que les entreprises en ligne soient assujetties aux lois du Québec en ce qui a trait au statut de l’artiste. Cet amendement doit absolument être clarifié.