L’industrie de la mode fait de la protection de l’environnement un puissant argument de vente. Mais ces vêtements dits plus verts le sont-ils vraiment ? Comment faire un choix vraiment éclairé ? Portrait de ce casse-tête pour les consommateurs… et pistes de solution. Un dossier de Valérie Simard et d’Émilie Côté

Plus durable, mais à quel point ?

« Durable », « écoresponsable », « denim de demain », ces mots-clés associés à l’environnement sont désormais indissociables des offensives marketing de l’industrie de la mode. Nous avons fait analyser le contenu d’infolettres et jeté un œil aux étiquettes des vêtements de plusieurs enseignes pour savoir si la mode durable l’est autant qu’elle le dit.

« Quand chic rime avec écologique », dixit Simons, alors que Frank And Oak a un « lab de denim responsable ». RW&CO. offre aussi une « collection de morceaux tendance et responsables ».

Les grandes marques de mode embrassent le marketing vert. Sur les réseaux sociaux, elles font en grande pompe la promotion de vêtements dits écoresponsables.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Vêtement vendu par Simons contenant du polyester recyclé

« Il y a une tendance lourde pour la protection de l’environnement. Personne n’est contre la vertu, mais durable, ça veut dire quoi ? », lance Benoit Duguay, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM et auteur de quatre livres sur la consommation responsable.

« Le mot “durabilité” ne veut plus dire grand-chose », a convenu à La Presse Dustin Jones, dirigeant du fonds américain UCG, qui s’est porté acquéreur de Frank And Oak en 2020. Lundi dernier, journalistes et influenceurs étaient invités dans un restaurant du centre-ville de Montréal pour découvrir la nouvelle collection de cette marque née à Montréal et « en apprendre plus sur [ses] innovations en matière de mode durable », tel que l’annonçait le communiqué de presse.

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Dustin Jones, dirigeant du fonds américain UCG, propriétaire de Frank And Oak, lors de sa participation lundi dernier au dévoilement de la nouvelle collection de l'entreprise à Montréal

Pour vérifier la teneur des allégations vertes faites par les grandes marques de mode, nous avons analysé, avec l’aide de deux expertes en mode durable, le contenu des infolettres envoyées au cours des cinq derniers mois par H&M, Simons, Frank And Oak, Zara, Gap et Garage à leurs abonnés.

Chez les trois premières, les allégations environnementales sont plus fréquentes. « Des pièces en coton bio qui se soucient (vraiment) de vous et de la planète », annonce Frank And Oak. « Composée de tendances indispensables et classiques en denim, notre collection Conscious a été réalisée avec davantage de respect pour la planète », clame le géant suédois H&M.

Coton biologique, polyester et nylon recyclés, lyocell (Tencel) et viscose EcoVero font partie des fibres régulièrement mises de l’avant par les marques. Des fibres qui ont certes un impact environnemental moins grand que leurs équivalents traditionnels, mais qui ne sont pas sans effet sur la planète.

« L’impact sur tout le cycle de vie du vêtement, qu’il soit fait de fibres biologiques ou recyclées, reste énorme », souligne Noémie Bastien-Beaudoin, étudiante au doctorat et membre de l’équipe de recherche du Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG). « Il faut garder en tête qu’on n’aura jamais un impact positif ou même nul en optant pour un vêtement qui est plus durable ou écologique. » Et en croyant acheter un produit respectueux de l’environnement, on peut être porté à consommer plus, met-elle en garde. Un effet dit « rebond », qui a été documenté.

  • Dans cette infolettre, le détaillant québécois Simons met de l’avant le polyester recyclé. Une « voie prometteuse », selon Noémie Bastien-Beaudoin, de l’équipe de recherche du CIRAIG, qui permet de réduire de 30 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux fibres vierges, mais qui ne tient pas compte de la question des microplastiques qui se retrouvent dans les cours d’eau après chaque lavage.

    CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE D’UNE INFOLETTRE DE SIMONS

    Dans cette infolettre, le détaillant québécois Simons met de l’avant le polyester recyclé. Une « voie prometteuse », selon Noémie Bastien-Beaudoin, de l’équipe de recherche du CIRAIG, qui permet de réduire de 30 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux fibres vierges, mais qui ne tient pas compte de la question des microplastiques qui se retrouvent dans les cours d’eau après chaque lavage.

  • Frank And Oak fait la promotion du coton bio dans cette infolettre. « Le coton biologique a clairement des avantages quant aux impacts sur la biodiversité avec l’élimination des engrais et des pesticides, fait observer Noémie Bastien-Beaudoin. Mais tout le reste du cycle de vie, lors de la transformation, qui est très énergivore, il n’y a pas vraiment de différence. C’est un gain qui reste modéré. »

    CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE D’UNE INFOLETTRE DE FRANK AND OAK

    Frank And Oak fait la promotion du coton bio dans cette infolettre. « Le coton biologique a clairement des avantages quant aux impacts sur la biodiversité avec l’élimination des engrais et des pesticides, fait observer Noémie Bastien-Beaudoin. Mais tout le reste du cycle de vie, lors de la transformation, qui est très énergivore, il n’y a pas vraiment de différence. C’est un gain qui reste modéré. »

  • Dans cette infolettre, Gap annonce une gamme de produits composés de Tencel ModalTM, marque déposée de l’entreprise autrichienne Lenzing. Il s’agit d’une fibre cellulosique provenant de la pulpe de bois dont le procédé de fabrication est plus écologique que celui de la viscose. Il consomme moins d’eau et d’énergie, explique l’autrice Léonie Daignault-Leclerc.

    CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE D’UNE INFOLETTRE DE GAP

    Dans cette infolettre, Gap annonce une gamme de produits composés de Tencel ModalTM, marque déposée de l’entreprise autrichienne Lenzing. Il s’agit d’une fibre cellulosique provenant de la pulpe de bois dont le procédé de fabrication est plus écologique que celui de la viscose. Il consomme moins d’eau et d’énergie, explique l’autrice Léonie Daignault-Leclerc.

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25 % de coton bio

« Le denim durable est arrivé », a annoncé Garage dans une infolettre envoyée lors du Jour de la Terre le 22 avril dernier. Sur son site, le détaillant explique que ces jeans sont produits à partir de coton biologique respectueux de l’environnement et d’eau recyclée. Or, seulement 25 % de coton bio entre dans leur composition. « Avec seulement 25 %, l’impact positif est minime », fait remarquer Noémie Bastien-Beaudoin.

Les analyses que nous avons menées à partir des infolettres et des collections dites écoresponsables de marques populaires ont permis de constater qu’il est fréquent que la fibre annoncée représente moins de la moitié de la composition d’un vêtement.

Le 28 août dernier, dans une infolettre, l’entreprise fondée à Montréal Frank And Oak a annoncé une blouse « faite de viscose ECOVERO LENZING », un textile issu de forêts durables certifiées et dont la transformation a un moins grand impact environnemental que la viscose ordinaire. Or, en réalité, c’est 47 % de sa composition qui est tirée de cette fibre. L’autre tranche de 53 % est de la viscose ordinaire.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE FRANK AND OAK

Cette blouse de Frank And Oak n’est composée que de 47 % de viscose EcoVero, fibre considérée comme étant plus écoresponsable. Le reste est de la viscose ordinaire.

« La viscose nécessite un procédé qui est chimique et qui émet beaucoup de gaz à effet de serre », remarque Léonie Daignault-Leclerc, fondatrice de la marque Gaia & Dubos et autrice du livre Pour une garde-robe responsable.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Léonie Daignault-Leclerc, autrice

« Nous pouvons et nous allons faire mieux, a précisé Dustin Jones, qui a dévoilé lundi dernier la première collection de Frank And Oak sous sa direction. C’est important pour nous. »

« On ne peut pas tout changer d’un coup. Nous sommes en grande réflexion », a ajouté Melissa Alessi, directrice du développement durable et du développement de produits chez Frank And Oak.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Melissa Alessi, directrice du développement durable et du développement de produits
chez Frank And Oak

Conscious, Vision et cie

Les collections se voulant plus écoresponsables lancées par plusieurs marques et détaillants comme H&M (Conscious), Simons (Vision) et Zara (Join Life) comptent aussi de nombreux articles n’étant pas entièrement faits de textiles à impact réduit. Chez Simons, seulement 15 des 30 premiers produits annoncés sur la page web de la collection Vision (femmes), le 17 septembre dernier, comptaient plus de 50 % de matières dites durables. Parmi les autres, une robe composée entièrement de nylon, un tissu synthétique dérivé du pétrole.

Geneviève Bussière, vice-présidente aux importations chez Simons, explique qu’il y a quatre critères pour qu’un produit soit dans Vision : appui à une cause, potentiel de seconde vie, produit réutilisable et 50 % de fibres durables. « On cherche à aller vers le 100 %. Toute notre équipe travaille là-dessus. C’est une démarche. » Si la robe en nylon se retrouve dans Vision, c’est qu’elle est liée à l’appui d’une cause.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE SIMONS

Si une robe 100 % nylon se retrouve dans la collection Vision de Simons, c’est parce qu’une partie des ventes est remise à des organismes, explique Geneviève Bussière, vice-présidente aux importations chez Simons.

Il y a 10 ans, Peter Simons a embauché une firme de Londres pour revoir complètement la chaîne d’approvisionnement de Simons partout dans le monde. C’est dans cette foulée que Vision a vu le jour.

« Il y a encore beaucoup de travail devant nous », convient Peter Simons, en entrevue avec La Presse. Avant la pandémie, le président-directeur général de Simons était très intéressé par la circularité et le recyclage de tissus. Il avait des projets en ce sens. Or, la COVID-19 a mis son entreprise « en mode survie ». S’il dit avoir bon espoir d’atteindre les objectifs de Vision en 2025, ce sera une étape à la fois, plaide-t-il. Mais il ne pourrait pas vendre que des vêtements en fibres recyclées ou 100 % écoresponsables demain matin. « Nous avons des centaines de fournisseurs », souligne-t-il.

Lisez Lisezles engagements environnementaux de Simons

Depuis un an, Simons vend aussi des articles de seconde main de marques de luxe. « Simons prend un virage intéressant », souligne par ailleurs Fabien Durif, de l’Observation de la consommation responsable.

H&M, qui a refusé de nous accorder une entrevue, précise sur la page d’accueil de sa collection Conscious que « chaque pièce contient au moins 50 % de matières plus durables, comme le coton bio ou le polyester recyclé. La seule exception concerne le coton recyclé qui ne peut en contenir que 20 % pour des contraintes de qualité ».

À l’avis de Noémie Bastien-Beaudoin, qui travaille à un guide afin d’éclairer les consommateurs sur les meilleurs choix en matière de mode durable, c’est insuffisant. « Selon moi, ça devrait être 100 %. Il y a beaucoup de confusion dans les messages vu que les termes “durables” et “écoresponsables” ne sont pas réglementés. Les entreprises ont fait un effort et elles veulent le communiquer, mais ça devient très mélangeant pour le consommateur. »

PHOTO FOURNIE PAR NOÉMIE BASTIEN-BEAUDOIN

Noémie Bastien-Beaudoin, étudiante au doctorat et membre de l’équipe de recherche du Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG)

« Il y a certaines matières pour lesquelles je comprendrais qu’elles ne puissent pas atteindre 100 %, dans le cas de la laine recyclée ou du coton recyclé, parce qu’elles vont perdre en qualité sinon, ce qui n’est pas mieux, nuance Léonie Daignault-Leclerc. Autrement, il n’y a aucune raison pour laquelle une marque ne pourrait pas mettre 100 % de polyester recyclé ou 100 % de coton bio. »

« L’écoblanchiment est monnaie courante »

En juin dernier, la Changing Markets Foundation, organisme établi aux Pays-Bas qui travaille à promouvoir et à trouver des solutions aux défis environnementaux, a publié une analyse des allégations vertes faites par 12 grandes marques de mode et détaillants, dont Asos, Forever 21, Gucci, H&M et Zara.

Pour ce faire, 4028 produits des collections printemps-été 2021 de ces marques, vendus en ligne, ont été analysés, en regard de l’ébauche de directives publiée cette année par la Competition AMD Markets Authority (CMA) du Royaume-Uni, l’équivalent du Bureau de la concurrence au Canada, afin de mieux encadrer le marketing vert.

« Notre recherche a révélé que l’écoblanchiment est monnaie courante : la majorité des marques ont fait des allégations de durabilité, et 39 % des produits étudiés étaient assortis d’une allégation écologique », indique le rapport. De ces allégations, 60 % se sont révélées fausses. Parmi ces produits présentés à tort comme écoresponsables, on trouve ceux composés d’un mélange de plusieurs fibres qui les rendent impossibles à recycler ou d’autres composés à 100 % de polyester sans aucune mention de fibre recyclée.

Consultez l'étude de la CMA

L’organisme, qui estime que le recours aux tissus synthétiques recyclés est une « fausse solution » en raison de son impact moindre sur la réduction de la pollution plastique, déplore également la forte présence de fibres synthétiques à l’intérieur des collections dites écoresponsables.

Il montre du doigt la gamme Conscious de H&M qui, selon son analyse, contient un plus grand pourcentage de fibres synthétiques que sa collection ordinaire (72 % contre 61 %).

Dans une déclaration écrite transmise à La Presse, H&M reconnaît que l’étude attire l’attention sur les défis importants auxquels fait face l’industrie, mais rejette le portrait que l’on dresse d’elle. « Le coton est en fait la matière la plus fréquemment utilisée pour nos produits, suivi par les matières synthétiques à environ 27 %, indique H&M. Cela dit, nous sommes d’accord avec le rapport selon lequel le polyester recyclé à partir de bouteilles en plastique à usage unique ne devrait pas être la solution à long terme pour l’industrie. Cependant, avec les solutions technologiques actuelles disponibles, nous pensons qu’il s’agit d’une option plus durable par rapport à l’utilisation de ressources vierges fossiles. »

L’écoblanchiment est souvent insidieux et surutilisé, note Fabien Durif, professeur au département de marketing de l’ESG-UQAM et directeur de l’Observatoire de la consommation responsable. Mais selon lui, il ne faut pas croire que les entreprises sont si « machiavéliques » en voulant carrément induire leurs clients en erreur. « C’est souvent de l’impact social plus que de l’engagement environnemental », fait-il observer.

L’écoblanchiment fait partie des préoccupations du Réseau international de contrôle et de protection des consommateurs (ICPEN), organisation internationale regroupant les autorités de protection des consommateurs de plus de 65 pays et dont le Bureau de la concurrence du Canada a assumé la présidence pendant un an jusqu’en juin dernier. L’ICPEN aussi a mené une étude en novembre 2020 qui consistait à scruter 500 sites web faisant la promotion de produits et de services dans différents secteurs, dont la mode.

Constat : 4 sites sur 10 semblaient utiliser des tactiques qui pouvaient être considérées comme trompeuses, ce qui pouvait enfreindre le droit des consommateurs.

Josephine Palumbo, sous-commissaire à la Direction des pratiques commerciales trompeuses du Bureau de la concurrence du Canada (et présidente sortante de l’ICPEN), souligne qu’au Canada, la Loi sur la concurrence et la Loi sur l’étiquetage des textiles interdisent les déclarations fausses et trompeuses, y compris les « allégations environnementales non fondées ». Les contrevenants s’exposent à des amendes, voire à une peine d’emprisonnement. Au Québec, la Loi sur la protection du consommateur interdit aussi les déclarations fausses et trompeuses. Mais, dans tous les cas, les lois ne vont pas jusqu’à préciser de définitions pour certaines allégations, comme « durable » ou « écoresponsable », des qualificatifs dont le sens n’est d’ailleurs pas clairement défini.

Selon Josephine Palumbo, l’enjeu est mondial. « Il est important que les gouvernements travaillent ensemble pour combattre l’écoblanchiment fait par les marques internationales de mode. […] L’économie numérique nous montre que nous ne pouvons pas faire face à ces problèmes en étant limités par les frontières. »

Or, au-delà de la réglementation, selon de nombreuses personnes interviewées dans le cadre de ce dossier, c’est le modèle même de la mode rapide (fast fashion) qui doit changer.

« Ça coûte cher d’acheter de la cochonnerie quand il faut la remplacer souvent », dit Benoit Duguay, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.

Changer les choses

Faire des choix éclairés et responsables en achetant un nouveau vêtement ? C’est possible. Or, c’est un défi pour ceux qui produisent les articles de les offrir à un prix accessible. La solution ? L’éducation et le partage de connaissances.

« Payer plus et en acheter moins. Je le sais que c’est difficile. Le vêtement est un moyen d’expression. Une expression de comment on se sent, de notre statut, de ce qu’on veut communiquer à l’autre et de nos valeurs.

« Mais il faut renverser la vapeur », affirme Marianne-Coquelicot Mercier, conseillère en économie circulaire pour l’industrie du textile.

La fast fashion a habitué beaucoup de gens à acheter des vêtements moins chers et de moins bonne qualité mais en grande quantité.

Mais en 2013, l’effondrement au Bangladesh d’un édifice abritant plusieurs manufactures de vêtements – dont ceux de Joe Fresh – a conscientisé les gens quant aux conséquences néfastes de la mode rapide sur l’environnement et le droit des travailleurs.

PHOTO TIRÉE DE WIKIMEDIA COMMONS

Effondrement du Rana Plaza, au Bangladesh,
en avril 2013

Moins de 10 ans plus tard, il est plus facile pour les consommateurs de faire des choix éclairés. Or, l’écoresponsabilité est parfois davantage un outil de marketing qu’une valeur d’entreprise.

« Il faut s’éduquer et avoir un regard critique sur ce que nous présentent les marques », plaide Marianne-Coquelicot Mercier.

L’exemple de C’est beau

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

C’est beau, fondé par Raphaël Ricard, vend des vêtements « du quotidien » faits dans une manufacture québécoise syndiquée à partir de matières biologiques et recyclées.

« Fatigués du greenwashing des grandes entreprises, on a repensé le modèle de fabrication locale pour que ce soit simple de se procurer des vêtements abordables et vraiment responsables », peut-on lire sur le site web de la boutique en ligne C’est beau.

Le fondateur de C’est beau, Raphaël Ricard, a souvent été déçu comme consommateur. Tellement que comme entrepreneur, il ne mise plus essentiellement sur un marketing écoresponsable. « Cela n’a plus de valeur, car les gens sont bombardés de pubs de produits durables, expose-t-il. Beaucoup d’entreprises jouent sur les mots et c’est dur de distinguer le vrai du faux. »

Le greenwashing et la fast fashion sont interreliés.

Raphaël Ricard, fondateur de C’est beau

Sur le site web de C’est beau, il est par ailleurs précisé que les vêtements sont locaux à 95 %. Ils sont faits dans une manufacture québécoise syndiquée à partir de matières biologiques et recyclées, mais le coton ne pousse pas au Canada. Pour combler la dernière tranche de 5 % qui manque, C’est beau voudrait remplacer le coton par une fibre cultivée au Québec, soit le chanvre.

Pour arriver à vendre un t-shirt à 24 $, Raphaël Ricard a dû faire des recherches sur le terrain et établir des contacts. « J’ai vu toute la complexité de faire un vêtement local à un prix accessible. »

  • Le t-shirt Henri, de l’entreprise québécoise C’est beau

    PHOTO TIRÉE DU SITE DE C’EST BEAU

    Le t-shirt Henri, de l’entreprise québécoise C’est beau

  • Le t-shirt Henri, de l’entreprise québécoise C’est beau

    PHOTO TIRÉE DU SITE DE C'EST BEAU

    Le t-shirt Henri, de l’entreprise québécoise C’est beau

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Il y a plusieurs étapes, souligne-t-il : la conception des patrons, le choix des tissus, la découpe, l’assemblage, la décoration, etc.

L’entrepreneur a constaté que pour les gens, le prix le plus bas continue de faire loi. « Cinquante dollars pour un t-shirt, ça ne marchait pas, même pour mon propre portefeuille. »

Raphaël Ricard souligne que la profitabilité est plus facile depuis que C’est beau fabrique des vêtements d’entreprise (pour Boréal, Ubisoft, Lightspeed, Louis-Jean Cormier).

La transparence de C’est beau démontre qu’un marketing peut être authentique. « Il n’y a rien de mauvais dans le marketing. C’est certain que nous, on vend des t-shirts et qu’on veut en vendre plus. Le point, c’est comment on vend des t-shirts », explique Raphaël Ricard.

Fait au Québec

Marianne-Coquelicot Mercier se fait rassurante pour l’avenir. « La mode québécoise est sur une belle lancée. L’ingéniosité, la créativité, le vouloir… tout est là ! »

La conseillère en économie circulaire pour l’industrie textile cite des entreprises dont les actions suivent les valeurs comme atelier b, Indyeva, Les belles bobettes, Rose Buddha et la Mercerie Roger.

Comme Raphaël Ricard, Marianne-Coquelicot Mercier a été désillusionnée par le milieu traditionnel de la mode. Après un DEC en mode, elle a travaillé pour un designer dans le quartier Chabanel. Elle a été désenchantée au point de retourner aux études en design industriel. « J’ai alors découvert la pensée cycle de vie. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Marianne-Coquelicot Mercier, conseillère en économie circulaire pour l’industrie textile, porte un jean réparé par Kinsu. La créatrice de la marque Kinsu (qui se décrit comme une upcycleuse de denim), Ariane Brunet-Juteau, signe aussi le stylisme de la photo.

Aujourd’hui consultante indépendante en circularité des textiles, Marianne-Coquelicot Mercier a à cœur l’éducation des gens par rapport aux tissus. « C’est un atout pour savoir si un vêtement va durer longtemps. »

En gros ? On reste loin du polyester et de la viscose (à moins que le tissu soit recyclé, bien que cela demeure irrécupérable). On mise sur du coton recyclé (mieux que le coton biologique). Mais il faut savoir que si un tissu peut être composé à 100 % de fibres synthétiques recyclées, c’est impossible pour le coton.

« J’aime bien dire à mes clients : “Soyez diversifiés dans le choix de vos fibres […]. Allez vers le lin, le chanvre, le lyocell, la ramie…” »

Elle rappelle à quel point il y a eu de la désinformation autour de la fibre de bambou… qui n’a rien de naturel. « C’est de la cellulose de bambou transformée en viscose ! »

Les choses changent

En octobre, Marianne-Coquelicot Mercier assistera à un évènement organisé par Concertation Montréal en collaboration avec la Grappe métropolitaine de la mode. Anne-Marie Laflamme, designer et cofondatrice d’atelier b, prendra aussi part à la conférence intitulée En mode circularité – Solutions pour une relance verte du secteur.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Anne-Marie Laflamme et Catherine Méthivier, fondatrices d’atelier b

La durabilité, la qualité et le minimalisme sont les valeurs avec lesquelles atelier b a vu naissance en 2009. Les vêtements confectionnés à Montréal sont garantis. Avec son nouveau projet d’économie circulaire, atelier b est même devenue la première marque de vêtements canadienne ayant une production zéro déchet.

« Notre travail d’éducation n’est plus le même qu’il y a 12 ans. Nos clients ne s’en laissent pas passer », dit Anne-Marie Laflamme.

Pour changer les mentalités à plus grande échelle, Raphaël Ricard, de C’est beau, prône un discours modéré et non radical. « Il faut faire attention pour ne pas être trop moralisateur. Si on veut de réels changements, ce n’est pas en disant qu’il faut arrêter complètement de consommer. »