(Kramatorsk) Le président américain Joe Biden a pour la première fois accusé son homologue russe Vladimir Poutine de mener un « génocide » en Ukraine, mardi, jour où les autorités régionales du sud-est du pays ont évalué à au moins 20 000 morts le nombre de victimes à Marioupol depuis la fin février.

Ce que vous devez savoir

  • Le conflit a fait plus de 4,6 millions de réfugiés ;
  • Kyiv refuse une visite du président allemand ;
  • Le président Zelensky a dénoncé mardi « des centaines de cas de viol » constatés dans les zones précédemment occupées par l’armée russe ;
  • L’offensive russe se poursuit « calmement », selon Vladimir Poutine ;
  • « Poutine a décidé qu’il ne s’arrêterait pas », selon Macron ;
  • Joe Biden accuse Vladimir Poutine de mener un « génocide »
  • Une bataille de tunnels et de souterrains à Marioupol ;
  • Au moins 20 000 personnes sont mortes à Marioupol depuis la fin du mois de février ;
  • Une offensive russe dans l’est imminente ;
  • Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a réclamé lundi soir dans une allocution vidéo davantage d’armes auprès de ses alliés ;
  • Le Royaume-Uni tente de vérifier si des armes chimiques ont été utilisées par les forces russes à Marioupol ;
  • Plusieurs responsables de l’ONU ont réclamé lundi l’ouverture d’enquêtes sur les violences faites aux femmes ;
  • Le chancelier autrichien Karl Nehammer s’est dit « plutôt pessimiste » après sa rencontre avec Vladimir Poutine.
Consultez Mieux comprendre la guerre en Ukraine

Le mot était jusque-là employé par le président ukrainien Volodymyr Zelensky mais jamais par l’administration américaine : « Oui, j’ai appelé ça un génocide », a dit Joe Biden à des journalistes lors d’un déplacement dans l’Iowa, quelques heures après avoir évoqué ce terme lors d’un discours consacré à la lutte contre l’inflation.

« Il est de plus en plus clair que Poutine essaie simplement d’effacer l’idée même de pouvoir être un Ukrainien », a développé le président américain. Si « les avocats, au niveau international », trancheront sur la qualification de génocide, « pour moi, cela y ressemble bien », a-t-il assuré.

Affirmant que les « preuves s’accumulaient » concernant les « choses horribles qu’ont faites les Russes en Ukraine », le démocrate a prédit que le monde « en découvrirait encore davantage sur la dévastation ».

M. Zelensky a salué sur Twitter les « vrais mots d’un vrai leader », car « appeler les choses par leur nom est essentiel pour s’opposer au mal », tout en réclamant « en toute urgence plus d’armes lourdes ».

Concernant Marioupol, « nous pouvons dire qu’entre 20 et 22 000 personnes sont mortes » dans cette ville, a déclaré mardi Pavlo Kirilenko, le gouverneur ukrainien de la région de Donetsk, lors d’un entretien avec la chaîne de télévision américaine CNN.

Le gouverneur faisait état auparavant de 10 000 tués dans la ville assiégée, coupée du monde et bombardée depuis plus de 40 jours. Il a admis qu’il était en fait « difficile d’évoquer un nombre de victimes », la ville faisant l’objet d’un blocus.

Le gouverneur Kirilenko a par ailleurs indiqué, sur Telegram, que Marioupol est désormais en proie « jour et nuit » à « des combats de rue ». Il a cependant admis n’avoir « presque plus de contacts » avec la ville.

Selon le conseiller présidentiel ukrainien Mykhaïlo Podoliak, sur Twitter, « les soldats ukrainiens sont encerclés et bloqués » dans la ville où « 90 % des maisons » ont été détruites.

Prendre Marioupol permettrait aux Russes de consolider leurs gains territoriaux sur la bande côtière longeant la mer d’Azov en reliant la région du Donbass à la péninsule de Crimée, qu’ils ont annexée en 2014.

L’armée russe a affirmé avoir fait échouer lundi une tentative de percée d’une centaine de militaires ukrainiens avec des blindés qui se trouvaient dans une usine du nord de la ville.

« Agents chimiques »

L’existence de ce vaste complexe métallurgique transformé en bastion par les forces ukrainiennes de Marioupol, avec des kilomètres de souterrains, promet une bataille acharnée pour le contrôle total de Marioupol, voire le recours à des armes chimiques, envisagé par les séparatistes prorusses du Donbass.

Les États-Unis ont ainsi fait état mardi d’« informations crédibles » en ce sens.

Selon le secrétaire d’État Antony Blinken, « les forces russes pourraient utiliser différents agents antiémeutes, notamment des gaz lacrymogènes mélangés avec des agents chimiques » face aux « combattants et civils ukrainiens » à Marioupol.

L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) s’est elle aussi dite mardi « préoccupée » par ces informations, sur lesquelles le Royaume-Uni avait déjà mis en garde lundi.

« Nouvelles fosses communes »

Dans l’immédiat, les pertes civiles se révèlent au fil des jours dans d’autres zones du pays, avant même la grande bataille promise dans l’est pour le contrôle du Donbass.

Le gouverneur ukrainien de la région de Louhansk, a ainsi révélé mardi qu’environ 400 civils avaient été enterrés depuis le début de la guerre le 24 février dans la seule ville de Severodonetsk.

Les morgues dans les villes de la région « débordent de corps de civils morts », a ajouté Serguiï Gaïdaï sur Telegram.

Mardi, le président Zelensky a dénoncé « des centaines de cas de viol » constatés selon lui dans les zones précédemment occupées par l’armée russe après le début de l’invasion le 24 février, « y compris de jeunes filles mineures et de tout petits enfants »

« Presque quotidiennement, on retrouve de nouvelles fosses communes », a par ailleurs déclaré M. Zelensky, qui s’adressait au parlement lituanien par liaison vidéo. « On continue de retrouver des corps dans les égouts et les caves ».

Vladimir Poutine, dont le pays nie toute exaction en Ukraine, a qualifié mardi de « fake » (fausses) les informations accusant ses soldats d’avoir massacré des centaines de civils à Boutcha, localité de la banlieue nord-ouest de Kyiv, d’où ils se sont retirés fin mars après avoir échoué à encercler Kyiv.

L’AFP y avait vu le samedi 2 avril les corps sans vie d’au moins vingt hommes portant des vêtements civils gisant dans une rue de Boutcha. L’un des hommes avait les mains liées et les cadavres étaient éparpillés sur plusieurs centaines de mètres.

Autour de Kyiv, les corps de six personnes tuées par balles retrouvés dans un sous-sol dans la banlieue est, selon le Parquet général ukrainien, se sont ajoutés mardi aux centaines d’autres, retrouvés ces deux dernières semaines dans les environs de la capitale.

À Andriïvka, un village situé à 30 km à l’ouest de Kyiv qui était encore sur la ligne de front il y a quelques semaines, des journalistes de l’AFP ont assisté à l’exhumation des corps d’autres victimes, trois hommes en habits civils.

Parmi eux, celui de Iouri Kravtchennia. Selon sa femme, Olessia, il été abattu dans la rue juste après le début de l’invasion russe, alors qu’il se tenait mains en l’air. Alors que sa dépouille était sortie de terre, Olessia a hurlé de douleur et elle s’est effondrée. « Je ne peux pas continuer sans lui », a-t-elle dit.

Échéance du 9 mai

Dans l’est, frontalier de la Russie et où Moscou a fait de la conquête totale du Donbass son objectif prioritaire, Kyiv a annoncé s’attendre, à brève échéance, à une importante offensive.

« Selon nos informations, l’ennemi a presque terminé sa préparation pour un assaut sur l’est. L’attaque aura lieu très prochainement », a averti le porte-parole du ministère ukrainien de la Défense, Oleksandre Motouzianik.

Des civils continuaient de fuir les régions de Louhansk et Donetsk, d’où six trains d’évacuation devaient partir mardi selon l’administration régionale.

Des analystes estiment que Vladimir Poutine, embourbé face à la résistance acharnée des Ukrainiens, veut obtenir une victoire dans cette région avant le défilé militaire du 9 mai marquant sur la Place Rouge la victoire soviétique sur les nazis en 1945.

En visite mardi dans l’Extrême-Orient russe, M. Poutine a assuré que l’offensive de ses forces en Ukraine se poursuivait « en conformité avec le plan proposé dès le départ par l’état-major ».

Il a affirmé que si les négociations, désormais au point mort, ne débouchaient pas, c’est à cause des « incohérences » de la partie ukrainienne.  

Kyiv, de son côté, a confirmé que les négociations étaient « extrêmement difficiles » avec Moscou.

Vladimir Poutine a en fait « décidé qu’il ne s’arrêterait pas », a déclaré le président français Emmanuel Macron dans un entretien publié mardi, disant croire « assez peu à notre capacité collective à le mettre autour d’une table de négociation à court terme ».

Arrestation d’un proche de Poutine

Dans l’immédiat, M. Zelensky a proposé mardi soir à Moscou d’« échanger » le député et homme d’affaires ukrainien Viktor Medvedtchouk, proche du président Poutine, contre les Ukrainiens en captivité en Russie.

Les autorités ukrainiennes avaient plus tôt dans la journée annoncé l’arrestation de cet Ukrainien de 67 ans, assigné à résidence depuis mai 2021 après avoir été inculpé de « haute trahison » et de « tentative de pillage de ressources naturelles en Crimée », et en fuite depuis fin février.

Viktor Medvedtchouk, 12e fortune d’Ukraine en 2021 avec 620 millions de dollars selon le magazine Forbes, est connu pour ses liens avec Vladimir Poutine qui est, selon l’intéressé, le parrain de l’une de ses filles.

Plus de 4,6 millions de réfugiés ukrainiens ont fui leur pays depuis l’invasion ordonnée par Vladimir Poutine le 24 février, selon les derniers chiffres publiés mardi par le Haut commissariat aux réfugiés (HCR).

La guerre en Ukraine a déclenché une réaction en chaîne dans l’économie mondiale avec une hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires qui va aggraver pauvreté et faim, et alourdir le fardeau de l’endettement, a souligné mardi le président de la Banque mondiale.