Le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, est arrivé sur TikTok il y a quelques jours, mais depuis des années, à Rivière-du-Loup, un professeur de cégep a fait le pari qu’il faut aller là où sont les jeunes pour leur faire aimer le français

Pour augmenter ses chances de frencher, il faut bien connaître sa langue. C’est ce qu’avance Benoît Dumais, qui croit qu’il suffit d’un « sa va ? » envoyé par texto pour freiner un élan du cœur.

« Si j’étais célibataire, que je m’inscrivais sur une plateforme de rencontre et que quelqu’un m’écrivait comme ça, désolé, mais mon intérêt s’arrêterait », tranche l’enseignant au département de français, langue et littérature du cégep de Rivière-du-Loup.

Ainsi, sa plus récente campagne qui vise à sensibiliser les jeunes à l’importance de bien écrire le français a pour titre « Et si on décidait de frencher ? ».

PHOTO FOURNIE PAR BENOÎT DUMAIS

Benoît Dumais, professeur au département de français, langue et littérature du cégep de Rivière-du-Loup

« C’est pour faire sourire et montrer que, dans la vie de tous les jours, [une bonne connaissance du français] peut nous amener à avoir des occasions qu’on n’aurait pas autrement », explique en entrevue celui qui enseigne depuis 20 ans.

C’est en créant des mèmes pour se moquer gentiment des fautes les plus courantes que le prof a décidé d’attirer l’attention des jeunes auxquels il enseigne. Il a commencé tout juste avant le début de la pandémie, puis s’est en quelque sorte… emporté !

Je cherchais un moyen de faire la valorisation du français autrement et il fallait que j’investisse les réseaux sociaux.

Benoît Dumais, professeur au département de français, langue et littérature du cégep de Rivière-du-Loup

Depuis, M. Dumais multiplie la publication d’images humoristiques sur Instagram, où ils sont plus de 6000 à le suivre.

Le prof espère que l’une ou l’autre de ces 300 images resteront imprimées dans la tête des jeunes. Tout le monde travaille, ou tout le monde travaillent ? Écrit-on « dénudé » de sens ? Est-ce que ce sera « une grosse hiver » ?

Quant aux anglicismes (« j’suis down », « c’est nice »), Benoît Dumais souhaite « faire comprendre qu’il existe des équivalents en français qui sont plus beaux et peuvent amener plein de nuances ».

Faire du français « une fierté »

La piètre qualité du français chez les élèves a été au centre de tous les débats dans les dernières semaines. L’orthographe, la syntaxe, la grammaire, la conjugaison : est-ce que c’était « mieux avant », comme certains aiment le répéter ?

« Des étudiants faibles, il y en a, il y en aura toujours, mais je considère que mes étudiants forts aujourd’hui le sont plus que ceux que j’avais quand j’ai commencé, il y a 20 ans », répond M. Dumais. Certains, dit-il, font des rédactions de calibre universitaire.

Oui, certains élèves « passent à travers les craques du système et arrivent au cégep sans les acquis, mais quand on empêche les élèves de redoubler, je ne suis pas certain qu’on leur rend service », dit Benoît Dumais.

Reste que lorsqu’ils arrivent au collégial, un certain « écrémage » a été fait. « Ce sont des gens qui ont un intérêt envers les études », explique M. Dumais.

Pour donner aux jeunes le goût du français, il faut arrêter de leur dire « qu’ils sont mauvais », « qu’ils écrivent mal », un discours qu’on répète ad nauseam depuis des décennies, dit le prof.

« La fierté » de bien écrire et parler la langue, voilà où Benoît Dumais pense qu’il faut agir. En entrevue, le mot revient souvent dans sa bouche.

« C’est mon leitmotiv », admet-il.

  • Benoît Dumais crée des mèmes humoristiques sur Instagram pour faire la promotion de la langue française.

    IMAGE TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE BENOÎT DUMAIS, @SCRIBECEGEPRDL

    Benoît Dumais crée des mèmes humoristiques sur Instagram pour faire la promotion de la langue française.

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    Benoît Dumais crée des mèmes humoristiques sur Instagram pour faire la promotion de la langue française.

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    Benoît Dumais crée des mèmes humoristiques sur Instagram pour faire la promotion de la langue française.

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Benoît Dumais a écrit aux ministres Jean-François Roberge, Danielle McCann et, plus récemment, Bernard Drainville pour tenter de leur faire connaître ce qu’il fait et peut-être, aussi, les aider.

« Ils gagneraient à aller voir ceux qui sont dans le bain plutôt que d’écouter des sous-ministres ou des consultants qui font la même chose depuis plusieurs années », estime-t-il.

« Les campagnes de publicité à la télévision, ça va toucher ma mère », dit l’enseignant en riant.

En somme, « il faut adopter des manières plus modernes » de rejoindre les jeunes, croit Benoît Dumais, qui constate comme bien des parents qu’ils sont « toujours sur les réseaux sociaux ».

Que ferait-il, s’il était ministre de l’Éducation, pour améliorer le français des jeunes ?

« J’arrêterais de faire peur aux gens et je ferais des campagnes de valorisation qui touchent les élèves », dit M. Dumais.

Peut-être s’agit-il seulement de leur montrer qu’un « ça va ? » bien placé peut mener loin.