La capacité de Vidéotron à offrir des prix plus concurrentiels à l’extérieur du Québec dépend des tarifs donnant accès aux réseaux des grands opérateurs, or les pourparlers avec ces derniers sont ardus, selon Pierre Karl Péladeau.

« Les négociations demeurent toujours difficiles avec Bell et Telus qui multiplient depuis des années les délais pour freiner la concurrence », a dit le grand patron de Québecor jeudi à l’occasion de l’assemblée annuelle des actionnaires de l’entreprise qu’il dirige.

Pierre Karl Péladeau est allé jusqu’à parler de « stratégies dilatoires » de la part de Bell et de Telus.

Appelée à réagir, la porte-parole de Bell a déclaré que les affirmations de Pierre Karl Péladeau sont sans fondement. « Par respect pour les parties concernées, nous ne discutons pas publiquement de l’état des négociations », précise Caroline Audet.

La récente acquisition de Freedom Mobile par Vidéotron – une transaction évaluée à 3 milliards de dollars – permet à l’entreprise québécoise une percée en télécommunications dans les marchés de la Colombie-Britannique et de l’Alberta.

Enjeu de concurrence

Dans le but d’accroître la concurrence en matière de services cellulaires au pays, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a présenté en début de semaine les règles finales entourant le partage des réseaux de Bell, Rogers, Telus et SaskTel, une initiative visant à permettre un accès aux fournisseurs régionaux à titre d’exploitants de réseaux mobiles virtuels.

Avec un accès aux réseaux des grands, les concurrents régionaux pourront agir en revendeurs en obtenant le droit d’utiliser le réseau d’une entreprise hôte en vue d’offrir des services cellulaires dans des endroits qu’ils ne servent pas au pays en ce moment.

Parvenir à des accords commerciaux raisonnables – c’est-à-dire permettant la rentabilité – avec les grands opérateurs est « incontournable », affirme Pierre Karl Péladeau.

L’établissement des tarifs à payer pour utiliser les réseaux n’est pas, dit-il, le seul enjeu des négociations.

« Les politiques du CRTC ne nous permettent pas de commenter les négociations, mais nous pouvons confirmer qu’elles sont en cours », indique simplement à La Presse la porte-parole de Telus, Jacinthe Beaulieu.

Si les négociations n’aboutissent pas rapidement à des accords commerciaux, il y aura un processus d’arbitrage et le CRTC sera appelé à trancher, dit Pierre Karl Péladeau. Compte tenu de l’importance qu’accordent les autorités à la concurrence, le fardeau est du côté des titulaires, selon lui.

Le CRTC avait refusé en février une demande d’arbitrage de Vidéotron entourant une offre finale visant à établir les tarifs d’accès aux installations de Bell Mobilité. Pour expliquer son refus, le CRTC disait s’attendre à ce que les parties aient activement participé à des négociations commerciales de bonne foi avant de présenter une demande d’arbitrage.

La signature rapide d’accords commerciaux permettrait à Vidéotron d’utiliser des réseaux existants hors Québec le temps que l’entreprise puisse construire ses propres infrastructures comme elle l’a fait au Québec.

La construction du réseau de Vidéotron au Québec a coûté plusieurs milliards de dollars. Vidéotron s’est engagée auprès des autorités à bâtir un réseau hors Québec et a sept ans pour le faire.

« Pour s’assurer d’une permanence et d’une pérennité de la concurrence, ça va prendre un modèle économique rentable. Ce sont des éléments que nous allons continuer de faire valoir devant les autorités. C’est important de rentabiliser nos activités, mais aussi et surtout, de faire face à nos obligations de construction. Ce sont quand même des montants extrêmement importants qui ont été dépensés pour obtenir des licences de spectre et il y en aura d’autres bientôt », dit Pierre Karl Péladeau.

Avec l’espoir que des accords soient en place d’ici le 7 août, la décision présentée cette semaine par le CRTC ouvre la voie aux acteurs régionaux existants dans le domaine du sans-fil, en particulier Québecor et éventuellement Cogeco Communications, pour commencer à déployer ou augmenter leur couverture cellulaire au cours de la deuxième moitié de l’année, affirme l’analyste Drew McReynolds, chez RBC.

Hausse des revenus

Québecor a augmenté ses revenus de façon conforme aux attentes au cours des trois premiers mois de l’année. Ils se sont élevés à 1,12 milliard, en hausse de 2,5 % sur un an.

Le bénéfice d’exploitation ajusté a aussi progressé pour atteindre 443 millions. Les analystes attendaient toutefois 460 millions. L’écart défavorable est attribué aux mauvais résultats divulgués cette semaine par la filiale Groupe TVA.

Vidéotron a ajouté 26 200 abonnés nets à ses services de téléphonie cellulaire durant les trois premiers mois de 2023 et 8800 abonnés à l’internet au Québec. Dans les deux cas, il s’agit de chiffres supérieurs aux attentes.

Avec la clôture de l’acquisition de Freedom le mois dernier, l’attention se déplace vers l’intégration de cet actif. Les futurs résultats financiers de Québecor permettront de suivre la contribution et l’évolution de l’ex-filiale sans fil de Shaw.

À la suite des acquisitions de Freedom et du fournisseur indépendant de services de télécommunications VMedia, Vidéotron entend offrir prochainement des forfaits multiservices incluant le sans-fil, l’internet et la télévision.

Cogeco déterminé à utiliser le cadre réglementaire

La direction de Cogeco se dit déterminée à utiliser le cadre réglementaire du CRTC présenté cette semaine pour les exploitants de réseaux mobiles virtuels afin d’offrir plus de choix et d’options de services mobiles abordables aux consommateurs canadiens. « Cette décision finale est une étape positive vers la mise en œuvre de ce cadre », indique le porte-parole de Cogeco, Youann Blouin. « Cela dit, son succès dépend également de la capacité des opérateurs régionaux de services mobiles et des nouveaux entrants à négocier des tarifs qui sont raisonnables pour l’accès aux réseaux des opérateurs nationaux. » À cet égard, il se dit heureux de voir que le CRTC a déclaré que les ententes commerciales pour les accès doivent être mis en place dans les 90 jours suivant la décision du CRTC, et que Cogeco envisagera d’utiliser « tous les outils à sa disposition » si ce délai n’est pas respecté.