La Coalition avenir Québec est désespérante en matière de logement social.

La ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a confié lundi à notre collègue Maxime Bergeron que Québec mettra fin au programme AccèsLogis, qui construit la quasi-totalité des logements sociaux depuis le début des années 2000.

La ministre y est aussi allée d’une attaque en règle contre AccèsLogis et les groupes qui accompagnent les coops d’habitation/OBNL/offices d’habitation. Elle compare AccèsLogis à « un free-for-all, où tout le monde dépose [son projet], ça prendra le temps que ça prendra, et ça coûtera le prix que ça coûtera ».1

Si le gouvernement du Québec cherche un coupable pour expliquer le peu de logements sociaux construits depuis une décennie, il n’a qu’à se regarder dans le miroir au lieu de lancer des accusations gratuites.

Si 15 000 logements sociaux ont été « bloqués » pendant des années, c’est parce que le gouvernement du Québec, sous Jean Charest et Philippe Couillard, a arrêté de calculer l’inflation sur les subventions d’AccèsLogis à partir de 2009. Cette idée ridicule a fait dérailler le programme.

Dans les années 2000, AccèsLogis couvrait au départ 50 % des coûts de construction des logements sociaux. La ville (15 %) et l’hypothèque sur les futurs loyers (35 %) couvraient le reste.

Maintenant, la subvention de Québec ne couvre que 32 % des coûts réels de construction. Résultat : il manque d’argent pour boucler le financement, et les projets ne démarrent pas. (Oui, le problème est aussi bête que ça.)

Depuis 2018, le gouvernement Legault a ajouté 907 millions supplémentaires pour faire « débloquer » 9036 unités sous-financées d’AccèsLogis : 5457 unités ont été construites, 3579 sont en construction. Mais 6652 des 15 000 unités sont toujours bloquées.

Il leur manque en moyenne 18 % de leur financement, et la caisse d’AccèsLogis est vide. La ministre Duranceau dit vouloir octroyer du financement supplémentaire pour « une bonne partie » de ces logements. Ce serait la moindre des choses.

Le gouvernement Legault va donc remplacer AccèsLogis par son nouveau Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ), créé en 2022.

AccèsLogis devait être modernisé et grandement simplifié. On est d’accord avec l’objectif de raccourcir les délais de construction, de réduire la bureaucratie, même d’ouvrir la porte aux promoteurs privés.

Le problème du PHAQ, c’est qu’il comporte trop de lacunes importantes.

Premièrement, le PHAQ est d’abord et avant tout un programme de logement abordable pour la première partie de la classe moyenne, alors que AccèsLogis était un programme de logement social pour les plus démunis (50 % des unités d’AccèsLogis devaient être des logements sociaux ; il n’y a pas de ratio minimal dans le PHAQ). C’est comme si on déshabillait Pierre pour habiller Paul. Alors que Pierre est plus démuni que Paul !

Deuxièmement, il permet au secteur privé de construire des logements sociaux subventionnés et de les récupérer en abolissant leur vocation sociale après entre 10 à 35 ans. On n’est pas contre l’apport du privé. Mais pas à ces conditions.

Troisièmement, la subvention de Québec a été améliorée, mais elle est encore sous-estimée. En théorie, elle couvre 45 % du coût, en pratique c’est 35 %. Il manquera 10 % du financement. On atténue le problème sans le régler.

On n’est pas les seuls à avoir des doutes sur le PHAQ. L’Union des municipalités du Québec estime que « ce n’est pas mieux » qu’AccèsLogis avec ses défauts actuels.

Pressée, la ministre Duranceau veut retirer le financement à tout projet du PHAQ dont la construction ne démarre pas avant 12 mois.

On a hâte de voir comment elle va s’y prendre.

En juin 2022, le PHAQ a financé ses 1741 premières unités. Québec précisait que la construction de certains projets pourrait commencer dès l’automne 2022. Combien sont en construction actuellement ? Zéro. Ça part mal.

Les promoteurs de plusieurs projets ont dû attendre six mois… après Québec pour obtenir leur nombre de prestations de suppléments de loyer. Ça ne s’invente pas !

Quand il était financé adéquatement, AccèsLogis marchait bien : on construisait en moyenne 1900 unités par an entre 2005 et 2012. C’est mieux que le PHAQ, qui a financé 1741 logements à sa première année.

On aurait aimé que Québec améliore AccèsLogis au lieu de le jeter aux poubelles. Cela dit, c’est toujours possible d’améliorer un programme mal ficelé.

Ce qui est encore plus préoccupant, c’est que le gouvernement Legault sous-estime les besoins en logement social.

En se fiant sur les chiffres du ministère des Finances, François Legault estime que le Québec a besoin de 26 700 nouveaux logements sociaux et abordables d’ici 2026 : 14 700 logements sociaux et 12 000 logements abordables.

La semaine dernière, le premier ministre a ridiculisé la proposition de Québec solidaire de construire 50 000 logements sociaux en quatre ans. « C’est toute une blague », a-t-il dit.

Le problème avec l’analyse tranchée de M. Legault, c’est qu’il y a actuellement 37 149 ménages en attente d’un logement social au Québec.2

37 149, c’est plus proche de 50 000 que de 14 700.

1. Lisez la chronique « Logement abordable : des “centaines de millions” gelés à Québec »

2. La liste d’attente n’est pas une mesure parfaite (ex. : les demandes à Montréal ne sont pas mises à jour chaque année car il y en a trop), mais c’est la meilleure indication qu’on a pour l’instant.

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