Plus de trois ans après le début de la pandémie de COVID-19, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé la fin de l’urgence de santé publique de portée internationale vendredi. Un « soupir de soulagement » qui n’étonne pas les experts consultés par La Presse.

« Tout le monde peut pousser un grand soupir de soulagement, c’est quand même une très bonne annonce », a réagi le virologue Benoit Barbeau, professeur au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

« Je ne suis pas surpris, c’était attendu », a affirmé Alain Lamarre, professeur et chercheur spécialisé en immunologie, virologie et cancer à l’Institut national de la recherche scientifique.

« Je crois que c’est un développement logique », a aussi indiqué André Veillette, chercheur de l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) et professeur du département de médecine de l’Université de Montréal.

La fin d’un chapitre

« C’est avec un grand espoir que je déclare la fin de l’urgence sanitaire mondiale », a annoncé le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, en conférence de presse à Genève vendredi.

M. Ghebreyesus a ainsi clos le chapitre qu’il avait lui-même ouvert en déclarant, le 30 janvier 2020, le plus haut niveau d’alerte sanitaire en droit international.

« Pour monsieur et madame Tout-le-Monde, ça ne changera pas grand-chose puisqu’il n’y a pratiquement plus aucune mesure limitant leur quotidien qui soit encore en place. C’est davantage sur le plan de la surveillance », note M. Lamarre.

La fin de l’alerte de l’OMS ne signifie pas que la COVID-19 a disparu. Le coronavirus continue à tuer en moyenne cinq Québécois par jour depuis le début de 2023. Et on dénombre encore 1027 patients hospitalisés avec la COVID-19, dont 18 aux soins intensifs. Près de la moitié (47 %) des admissions COVID enregistrées depuis deux semaines sont principalement dues à l’infection, selon les données de l’Institut national de santé publique du Québec.

Toutefois, avec le retour du temps doux, la propagation du coronavirus semble en net ralentissement. Le signal de la COVID-19 dans les eaux usées des quatre principales villes de la province est en forte baisse depuis le début d’avril, après être demeuré élevé tout l’hiver.

Le ministre de la Santé du Canada, Jean-Yves Duclos, a souligné en point de presse que la COVID-19 entraînait toujours des décès et des hospitalisations au pays, bien qu’en moins grand nombre qu’auparavant.

« Il y a les effets de la COVID longue qui sont à la fois peu connus encore et très significatifs », a-t-il ajouté depuis Ottawa.

Un an après les sous-variants

« On voit vraiment qu’il y a un horizon beaucoup plus optimiste par rapport à pareille date en 2022, et avant », souligne M. Barbeau.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Benoit Barbeau, professeur du département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal

« Alors qu’on pouvait s’attendre à une hausse à l’hiver, peut-être même à l’automne [2022], on a été relativement épargnés ou, du moins, ça s’est maintenu, tant sur le plan international qu’au Canada ou au Québec. »

Il y a à peine un an, le 4 mai 2022, le DG de l’OMS s’inquiétait des sous-variants d’Omicron BA.4 et BA.5, responsables d’une « augmentation du nombre de cas notifiés dans les Amériques et en Afrique ». Les mutations tenaient les systèmes de santé en haleine, et ne semblaient pas vouloir leur laisser de répit. Que s’est-il donc passé ?

« Le virus a évolué dans une direction classique : une plus grande transmissibilité, mais une bien moins grande virulence. Et l’immunité de la population fait en sorte que le virus ne trouve plus d’hôtes qui n’ont jamais vu le virus ou qui n’ont jamais été vaccinés », explique M. Lamarre.

« En 2022, ce qui a vraiment aidé, c’est qu’on a eu une vaccination qui s’est quand même maintenue, mais aussi un nombre de Québécois infectés par le virus, si bien qu’on s’est retrouvés avec une immunité hybride », confirme M. Barbeau.

« Ç’a été un élément clé dans notre capacité de réduire les risques d’infection avec symptômes graves dans l’ensemble de la population », dit-il en citant également les vaccins « un peu mieux adaptés », le développement d’antiviraux et une meilleure prise en charge de la transmission.

« La COVID-19 a laissé, et continue à laisser, de profondes cicatrices », a toutefois rappelé le DG de l’OMS, en parlant des millions de personnes « qui continuent à vivre les effets débilitants des affections post-COVID-19 ».

« Je n’hésiterai pas à convoquer une autre réunion du comité d’urgence si la COVID-19 met de nouveau notre monde en péril », a-t-il prévenu vendredi.

« Il est prudent de se garder une porte de secours, mais les probabilités que ça arrive sont faibles », estime M. Lamarre.

L’heure est davantage aux bilans.

« Des pertes de vies étaient évitables », a souligné Tedros Adhanom Ghebreyesus à Genève, en dénonçant « un manque de coordination, d’équité et de solidarité » qui ont nui à la lutte contre la pandémie.

« La bonne nouvelle, c’est que tous les efforts qu’on a fournis n’ont pas été en vain », relève M. Barbeau, en rappelant le développement de vaccins « en un temps record » et de certains antiviraux efficaces.

« Et avec les lacunes qu’on a vécues, on sait où agir pour être mieux préparés à ce qui pourrait nous arriver – dans un horizon le plus lointain possible, mais qu’il faut quand même considérer comme une possibilité. »

L’histoire jusqu’ici

30 janvier 2020

Le « nouveau coronavirus 2019 » constitue une urgence de santé publique de portée internationale, tranche l’OMS. La Chine a alors déclaré un peu plus de 9000 cas confirmés ou suspects, mais dans le reste du monde, on n’en a encore recensé que 83.

13 mars 2020

Le Québec déclare l’état d’urgence sanitaire, qui sera suivi d’une série de fermetures et de mesures dans les jours suivants. Le 18 mars, un premier décès imputable à la COVID-19 est enregistré dans la province, entraînant une nouvelle série de restrictions.

14 décembre 2020

Les premiers vaccins contre la COVID-19 sont administrés au Québec, à des aînés et à des travailleurs en CHSLD.

Avec l’Associated Press