Les « snowbirds » sont plus nombreux que jamais à vendre leurs propriétés en Floride. Si le contexte politique incite certains à quitter « l’État ensoleillé », d’autres sont découragés par le taux de change et la hausse des frais de condo.

Dans les groupes de « snowbirds » sur les réseaux sociaux, les annonces de mise en vente de maisons, de condos, de maisons mobiles et de terrains appartenant à des Québécois se multiplient.

Joint au téléphone, le courtier immobilier André Lauzier, de l’agence Coldwell Banker, n’en revient pas, lui qui travaille dans le sud de la Floride depuis 25 ans.

« Il y a vraiment une hausse pas à peu près ! », s’exclame-t-il. « C’est vraiment la panique totale ! », observe le courtier d’expérience, dont les bureaux sont situés à Hollywood.

En temps normal, si on a une dizaine d’inscriptions, c’est bon et le téléphone ne dérougit pas. Depuis début janvier, j’ai une personne par jour qui m’appelle et qui veut vendre. J’ai actuellement 29 inscriptions, ce n’est pas normal.

André Lauzier, courtier immobilier

La courtière immobilière Alexandra DuPont, de l’agence DuPont International Realty, observe le même phénomène avec ses 27 propriétés à vendre, dont la majorité appartient à des Canadiens. Ces dernières années, son agence travaillait avec une moyenne de 12 à 17 inscriptions.

« Personnellement, je n’ai jamais eu autant d’inscriptions », affirme la courtière immobilière qui travaille en Floride depuis 15 ans à Pompano, Lauderdale Lakes, Deerfield, Palm Beach, Boynton Beach et West Palm Beach.

« Il y a énormément de Canadiens qui mettent en vente leur propriété, et ce ne sont pas juste des gens de Montréal et de Québec. Il y en a de toutes les provinces. On a beaucoup de clients anglophones de l’Ontario. Le taux de change est très avantageux pour les vendeurs. »

Pourquoi les « snowbirds » quittent les États-Unis

Les lecteurs de La Presse qui ont écrit à Francis Vailles à la suite de sa chronique « Vent de boycottage des États-Unis » affirment que c’est à cause du nouveau président qu’ils vendent leur propriété.

« Je vais encore plus loin pour contester le manque de respect total de Trump pour le Canada, les Canadiens et particulièrement les snowbirds qui engraissent l’économie de la Floride », témoigne Jasmin Gosselin, qui possède une propriété en Floride depuis 2008, où il séjourne cinq mois par année. « Mon épouse et moi avons décidé de mettre en vente notre condo », écrit-il.

« Nous venons en Floride depuis environ 30 ans et c’est terminé pour nous. Nous avons mis notre terrain à vendre et nous ne serons pas les seuls », écrit de son côté une Québécoise qui souhaite qu’on taise son nom, car elle est connue dans sa communauté et entourée de républicains qui admirent Trump.

Terminé aussi pour André Perreault, « snowbird » depuis 17 ans avec sa conjointe. « C’est notre dernière saison hivernale en Floride. En décembre dernier, nous avons vendu notre maison au soleil de la Floride. Sans regret ni remords. […] Le dollar américain par rapport au dollar canadien nous assomme à chaque fois. Le nouveau climat politique de Trump et sa bande de cinglés nous fait peur, aussi, le changement climatique est bien présent ici », témoignent-ils.

Des résidants de Lévis, « snowbirds » depuis 2017, racontent qu’ils ont eu à prendre une grande décision au sujet de leur maison en Arizona, achetée en 2012 et entourée de magnifiques paysages. « Cette décision a été prise à la suite des élections américaines du 5 novembre, nous vendons notre maison cette année. […] Nous sommes tristes, mais nos principes et nos valeurs profondes nous empêchent de prolonger notre projet avec la situation projetée, le climat toxique et notre argent canadien qui pique du nez depuis la nomination de ce personnage hors du commun », expliquent Michelle Langlais et Mario Provençal.

Prix à la baisse

Le courtier immobilier André Lauzier confirme qu’il a dû baisser de 15 à 20 % les prix de ses inscriptions. « Depuis le jour de l’An, j’ai dû faire une quinzaine de descentes de prix. J’en ai descendu encore un aujourd’hui et deux hier. »

Il cite l’exemple d’un condo bien rénové au Hawaiian Gardens, situé à 30 minutes de Fort Lauderdale, qui se vendait auparavant 185 000 $ et dont le prix a chuté à 150 000 $.

Les acheteurs canadiens se font rares, remarque la courtière immobilière Alexandra DuPont, car la faiblesse du dollar canadien fait augmenter le coût de vie et les frais fixes comme l’internet et l’électricité.

Explosion des frais de condo

Il y a aussi l’augmentation du prix des assurances à cause des ouragans, les fonds de prévoyance des copropriétés maintenant obligatoires depuis le 1er janvier 2025 et l’explosion des frais de condo qui font fuir les Québécois et les Canadiens.

« Ce qui me frappe le plus, c’est que quand j’ai commencé en immobilier il y a 15 ans, la moyenne des frais de condo était de 320 $ à 380 $. Actuellement, pour les communautés de base, c’est rendu 600 $ à 700 $ par mois », remarque Alexandra DuPont, précisant que ces copropriétés n’ont ni le service de sécurité ni la salle d’entraînement.

« J’ai un client qui est situé sur le bord de la mer qui payait 1100 $ et doit maintenant payer 1900 $ », renchérit André Lauzier.

Les propriétaires qui payaient 900 $ de frais mensuels de condo et faisaient 300 $ de profits avec la location estiment maintenant qu’ils perdront de l’argent, illustre le courtier. Ils optent pour la vente.

Bien qu’un raz-de-marée de ventes déferle actuellement sur la Floride, André Lauzier, qui est passé à travers la chute des prix de 2008, croit que la situation se réajustera au cours des prochaines années.