(Québec) La ville de Québec a un problème de qualité de l’air qui engendre l’asthme chez des enfants et des problèmes cardiaques chez les adultes, mais la Santé publique régionale a une ordonnance : diminuer la capacité routière dans un secteur sensible de la capitale.

Cette recommandation survient alors que le gouvernement Legault promet de construire un tunnel autoroutier entre Lévis et Québec. Le troisième lien doit d’ailleurs sortir près d’un secteur de la ville particulièrement touché par les problèmes de qualité de l’air et déverser entre 40 000 et 50 000 voitures par jour.

« Les décisions d’aménagement et de transport qu’on prend maintenant doivent être compatibles avec un avenir décarboné et propre », a dit lundi en conférence de presse le directeur de santé publique pour la Capitale-Nationale, le DAndré Dontigny.

La Santé publique régionale a dévoilé un rapport très attendu sur la qualité de l’air dans la Basse-Ville de Québec. Elle conclut que le nickel est moins dangereux pour la population locale que les émissions de particules fines.

« Les concentrations de particules fines sont comparables entre Québec et Montréal même si Québec est une plus petite ville », déplore le DPhilippe Robert, médecin en santé publique.

Ces particules fines se retrouvent partout à Québec. Il y en a même davantage dans le secteur Champigny de Sainte-Foy qu’en Basse-Ville. Or, ces particules proviennent essentiellement du chauffage au bois et du transport.

La Santé publique fait donc neuf recommandations parmi lesquelles la réduction de la capacité routière dans le secteur Limoilou–Vanier–Basse-Ville et la promotion des transports collectifs et actifs.

« Il faut favoriser le transport actif, une ville avec davantage de piétons et de vélos », a dit le DDontigny.

Le directeur régional de santé publique n’a pas voulu se prononcer directement sur le projet de troisième lien. Il promet de le faire lorsqu’il sera soumis au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).

« Mais on vous donne ici les paramètres sur lesquels on va se baser pour apprécier quelque projet que ce soit, y compris un projet de troisième lien », dit-il. Si le projet de tunnel engendre « plus de volume dans des endroits où on souhaite moins de volume, on aura à l’apprécier sur cette base-là ».

Or, le tunnel que veut construire le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) doit sortir près d’ExpoCité, dans un secteur où la qualité de l’air est reconnue mauvaise.

La Santé publique régionale note que l’électrification des transports doit améliorer la qualité de l’air. Mais les véhicules électriques émettent aussi des particules fines, soumet le DPhilippe Robert, bien que les études ne s’entendent pas encore sur la quantité.

« En milieu urbain, plusieurs experts disent que simplement électrifier n’est pas une solution optimale du point de vue collectif. On n’a pas les mêmes bénéfices que les transports actifs pour la santé publique. Même avec les transports collectifs, les études montrent que les gens vont marcher, être debout, moins sédentaires que lorsqu’on est assis dans une auto », ajoute le médecin.

Le député solidaire de Jean-Lesage, Sol Zanetti, estime d’ailleurs que cette recommandation de la Santé publique « est un clou de plus dans le cercueil du troisième lien ».

« L’enjeu de la qualité de l’air à Québec est un autre argument pour abandonner une fois pour toutes le projet de troisième lien », estime quant à lui le député péquiste Joël Arseneau, porte-parole de son parti en matière d’environnement.

Le maire de Québec a été plus prudent. Bruno Marchand croit que « le gouvernement devra démontrer, s’il va de l’avant avec son projet, en quoi il ne contribue pas à une détérioration de la qualité de l’air ».

M. Marchand estime d’ailleurs que les recommandations de la Santé publique vont dans le sens de son programme électoral en faveur des piétons et des cyclistes.

Pas unique à Limoilou

Le rapport dévoilé lundi portait avant tout sur la qualité de l’air dans Limoilou–Vanier–Basse-Ville, situé près des activités du port de Québec. Mais la Santé publique estime que l’exposition des citoyens au nickel engendre des risques « très faibles » et causerait « moins d’un cas de cancer sur 70 ans » dans la population locale.

En revanche, les particules fines engendrent 20 cas d’asthme chez les enfants du secteur chaque année et 33 décès prématurés par maladie cardiaque ischémique.

Les mesures faites par la Santé publique montrent que la Haute-Ville n’est pas épargnée par les particules fines. Il y en a même davantage dans le secteur Champigny, et des concentrations importantes ont aussi été notées près du collège Saint-Charles-Garnier.

Dans toutes les stations d’échantillonnage de Québec, les concentrations en particules fines dépassaient la norme de l’Organisation mondiale de la santé.

« Ce n’est pas une situation spécifique [à Limoilou]. Moi, je n’aurais pas d’hésitation, j’irais y vivre », a dit le DPhilippe Robert.

Selon lui, la qualité de l’air à Québec doit être améliorée, mais est semblable à celle de plusieurs milieux urbanisés. « Mais les milieux denses urbains ont plusieurs caractéristiques qu’on souhaite, qui sont favorables à la santé », dit-il, comme la capacité à marcher ou faire du vélo pour se déplacer.

Les neuf recommandations de la Santé publique

  • Accélérer la transition vers la mobilité durable et réduire la capacité routière et la circulation traversant le secteur Limoilou–Vanier–Basse-Ville (LVBV) ;
  • Adopter une réglementation bonifiée sur le chauffage au bois dans les municipalités de la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ) et mieux sensibiliser ;
  • Augmenter les efforts de verdissement et de déminéralisation à Québec ;
  • Développer des plans d’action pour réduire les émissions des transports lourds, maritimes et ferroviaires, notamment grâce à l’électrification ;
  • Intensifier la réduction des émissions polluantes des secteurs industriel, commercial et institutionnel ;
  • Poursuivre les efforts d’atténuation des poussières émises par les travaux de construction, la circulation routière et les activités industrielles ou portuaires ;
  • Mettre en place de nouvelles mesures d’atténuation à la source pour éviter les épisodes de forte concentration journalière en nickel afin de minimalement respecter la norme québécoise en vigueur (70 ng/m3 sur 24 heures) ;
  • Considérer la mise en place d’un mécanisme de gouvernance à l’échelle de la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ) pour coordonner les actions sur la qualité de l’air ;
  • Adopter des cibles intermédiaires afin de tendre, à long terme, vers les lignes directrices édictées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).