Faute d’un soutien conséquent de la Ville de Montréal, Métro Média menace de mettre à pied la moitié du personnel de sa salle de rédaction au cours des prochaines semaines.

Propriétaire des éditions numériques et papier du journal Métro et d’une vingtaine de journaux locaux dans l’île de Montréal et à Québec, l’entreprise ne réunit pas les revenus nécessaires pour rémunérer l’ensemble de son personnel, le temps que sa transition numérique soit complétée.

Métro Média emploie quelque 40 journalistes, dont une trentaine à Montréal et une dizaine à Québec.

« C’est la moitié de la salle de rédaction qui est à risque. Je n’ai jamais coupé dans la salle de rédaction depuis que je suis propriétaire de cette entreprise. C’est au cœur de ce qu’on fait », s’est exclamé le président-directeur général de Métro Média, Andrew Mulé.

« Aujourd’hui, on me force la main. Je n’ai plus les moyens de la soutenir seul. »

L’entreprise de presse avait déjà effectué quelques licenciements en janvier.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le président-directeur général de Métro Média, Andrew Mulé

« Ce sont des problèmes que l’on voyait venir depuis 18 mois, dit-il. Aujourd’hui, on en parle à voix haute, publiquement, parce que le manque de mobilisation et de leadership à la Ville de Montréal fait en sorte que la presse locale, défenseuse de la démocratie montréalaise, est au bord de la faillite. »

Nouveau règlement municipal

Ce cri du cœur est lancé quelques jours avant l’entrée en vigueur, le 17 mai, du règlement municipal qui restreint la distribution de circulaires et d’articles publicitaires aux citoyens qui en font expressément la demande.

Ce règlement, annoncé en avril 2022, a signé l’arrêt de mort des journaux de quartier imprimés, qui étaient distribués dans le sac de plastique honni.

« D’avril 2022 à novembre 2022, les revenus ont chuté de 51,27 % comparativement à 2019, indique Andrew Mulé. Le 17 mai prochain, on passe à un autre pourcentage. Ça va encore empirer, avec la perte totale de notre distribution en porte-à-porte. »

Métro Média reconnaît que cette révolution était nécessaire et inévitable, mais elle est survenue au milieu de son vaste chantier de transition numérique, dans laquelle elle a investi 3,5 millions de dollars.

Le prudent passage du papier vers les écrans, qui devait être financé par la publicité imprimée, a été bousculé par l’annonce de l’administration de Valérie Plante.

Mesure transitoire

Formé par la Ville de Montréal, un comité consultatif présidé par Andrew Mulé a recommandé trois avenues pour soutenir les journaux locaux.

La première, un appui ponctuel à la transition numérique, s’était concrétisée en octobre 2022 avec l’annonce d’un programme de 2 millions dollars, qui verse une subvention non remboursable de 85 000 $ aux journaux admissibles.

Cette mesure transitoire devait être relayée à plus long terme par deux volets permanents. Le comité demandait la publication des avis publics et appels d’offres municipaux dans les journaux locaux et recommandait la création d’un cahier d’informations municipales encarté dans ces journaux.

« Ils ont pris ça au sérieux et ils ont déployé une aide ponctuelle d’une façon importante, pour assurer qu’on puisse survivre le temps qu’il leur faut pour développer un programme permanent, pour nous permettre d’évoluer dans cette transition urgente, reconnaît Andrew Mulé. Malheureusement, depuis lors, rien n’a progressé. »

Il estime avoir rempli sa part du marché.

On a lancé l’écosystème pour faire rayonner des messages. On a une augmentation importante de notre chiffre numérique au cours des six derniers mois.

Andrew Mulé

En six mois, Métro Média a recruté 50 000 abonnés à son infolettre. Ses revenus de sources numériques croissent de 30 à 40 % par année depuis trois ans, estime le président de l’entreprise.

« On a dépensé 3,5 millions en transformation numérique, pour une PME, c’est beaucoup d’argent. On a tout mis, on a tout gagé, on a fait confiance à la Ville. Aujourd’hui, je me réveille avec beaucoup de promesses et pas d’action. »

« On se passe la puck »

Il déplore que l’administration municipale n’ait pas répondu concrètement aux démarches qu’il a entreprises depuis janvier.

« On se passe la puck constamment dans ce dossier et aujourd’hui, si je m’adresse au public, c’est parce que je n’ai plus le luxe d’attendre que quelqu’un prenne le ballon et montre du leadership pour arriver à la solution. La feuille de route a été donnée et elle est claire. »

De son côté, l’administration municipale reconnaît les défis de la presse locale.

« La Ville de Montréal a à cœur le soutien aux médias locaux, qu’elle soutient tant par l’achat d’espaces publicitaires qu’en les aidant pour la transition de leurs modèles d’affaires, notamment vers le numérique ; et ce, même si ce soutien est au-delà des compétences habituelles d’une municipalité », a fait savoir par courriel Catherine Cadotte, attachée de presse principale du cabinet de la mairesse et du comité exécutif.

« La Ville de Montréal et les arrondissements vont également continuer d’investir des centaines de milliers de dollars annuellement dans les médias locaux par l’achat d’espaces publicitaires, comme ils le font depuis plusieurs années, en plus de diffuser des nouvelles dans ces canaux. La Ville intègre maintenant systématiquement les journaux locaux dans ses stratégies de diffusion. »

La Ville rappelle que la ligne Affaires Montréal mise en place au printemps 2020 peut accompagner les parties prenantes dans cette transition.

Consultez la page de la ligne Affaires Montréal
En savoir plus
  • Métro Média
    Fondé en 2018 lors de l’acquisition du journal Métro : 1 quotidien montréalais, 15 hebdos dans la région de Montréal, 7 hebdos dans la région de la Capitale-Nationale
    Source : MÉTRO MÉDIA