(Québec) Des personnalités du monde politique, du milieu des affaires, des arts et des intellectuels s’unissent dans la lutte contre l’« intimidation médiatique ». Ils lancent un collectif baptisé Liberté d’oppression. Leur cause : dénoncer « la montée des propos haineux, de l’intimidation et de la désinformation dans certains médias du Québec ».

Ce nouveau collectif a été présenté vendredi en point de presse par la députée de Québec solidaire Catherine Dorion et le député du Parti libéral du Canada Joël Lightbound. Les deux politiciens étaient accompagnés de Boufeldja Benabdallah, cofondateur du Centre culturel islamique de Québec, et de Michel Juneau-Katsuya, expert en sécurité nationale.

« Ils ne sont qu’une petite minorité à se livrer à l’intimidation, à l’insulte facile, à la haine, à la fabrication de boucs émissaires et à la désinformation, mais ils arrivent à faire des ravages », a affirmé d’entrée de jeu Mme Dorion.

Les représentants du collectif ont refusé de nommer les animateurs et les chroniqueurs qui pratiquent selon eux l’« intimidation médiatique ». S’ils l’avaient fait, disent-ils, ils les auraient incités à détourner leur message pour que l’exercice se termine en « tirage de bouette ».

Appel à l’action

Dans une déclaration de principe, le collectif écrit : « Que ce soit par la désinformation, […] en affirmant sciemment comme des évidences des choses fausses ou inexactes, en créant des amalgames mensongers et diffamatoires, en usant de propos injurieux et/ou discriminatoires, [certains médias] participent à la dégradation de la discussion collective des Québécois. »

Cette déclaration a été signée par une trentaine de personnalités, dont l’humoriste Jay Du Temple, l’autrice-compositrice-interprète Safia Nolin, le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, le maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin. Le collectif incite les Québécois à signer leur déclaration et à encourager les médias d’information « qui choisissent de ne pas verser dans ces comportements ».

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Joël Lightbound, député libéral de Louis-Hébert

Joël Lightbound reconnaît que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) « manque d’outils » pour encadrer les médias qui mettent en ondes les propos qu’il dénonce.

« Quand on regarde l’arsenal d’outils dont dispose le CRTC, c’est un peu la réprimande [ou] l’arme nucléaire, qui est de retirer une licence. Il y a peut-être un manque d’outils ou une gradation qui pourrait être améliorée », a reconnu le député du gouvernement Trudeau.

Sortir du « trash »

L’ex-animateur de radio Stéphane Gendron est l’un des signataires de la déclaration. Il reconnaît avoir connu des années de gloire dans « l’industrie du commentateux », alors qu’il s’est « enfoncé dans le trash ». Aujourd’hui, il n’ose pas écouter certains segments de ses anciennes émissions avec ses enfants.

« Ce n’est pas une blessure que je traîne. Ce n’est pas une tache à mon dossier. J’assume [mon passé]. Mais c’est une cicatrice », a affirmé M. Gendron en entrevue avec La Presse.

Quand tu as un micro, c’est pour que les gens puissent se faire une tête. Il faut qu’ils comprennent de quoi tu parles. Tu ne peux pas parler de tout, distribuer tes blâmes et tes solutions alternatives. Ce n’est pas vrai.

Stéphane Gendron

Selon l’expert en sécurité nationale Michel Juneau-Katsuya, les médias « qui ne font que donner des opinions en disant [être] des radios d’opinion » sont le « cul-de-sac [des] débats ».

Et lorsque les débats dégénèrent et que des médias mettent en ondes ce que certains considèrent comme de la diffamation ou des propos haineux, « il faudrait peut-être que certains procureurs de la Couronne se poussent une colonne vertébrale », a-t-il ajouté en point de presse.

Des exemples

Dans un communiqué distribué aux journalistes, le collectif Liberté d’oppression donne des exemples de propos qu’il qualifie de « haineux » et qui ont été publiés ou diffusés par des médias du Québec.

« On se fait mener par des anarchistes féministes extrémistes. Elles sont crinquées parce qu’elles ont eu leur fameux congrès féminazies la semaine passée », cite le collectif sans donner la source.

Un autre exemple : « On n’est pas faits pour vivre ensemble [avec les musulmans]. C’est-tu assez clair ? »

« Moi, ma définition d’un idiot, c’est quelqu’un qui fait du bicycle en hiver. […] Aujourd’hui, quelqu’un en bicycle, frappez-le, soulagez-le, faites quelque chose », poursuit-on.

Alain Saulnier, ex-directeur général de l’information de Radio-Canada et professeur de journalisme à l’Université de Montréal, rappelle que « l’engagement le plus profond des journalistes est de propager les faits et de défendre la vérité ».

L’initiative du collectif, qu’il appuie, n’est pas un appel à la censure, a-t-il dit. « C’est de dénoncer les mensonges et la désinformation. »

Le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, Michaël Nguyen, déplore tout de même que le collectif n’ait pas cité clairement les médias visés.

« Si le collectif vise des personnes en particulier, qu’il le dise. Ça va aider à cerner le problème », a-t-il affirmé.