Il faut l’admettre, pour créer des entreprises gigantesques, les Américains ont le tour. C’est frappant lorsqu’on regarde le palmarès des 250 plus importants détaillants de la planète, selon le chiffre d’affaires.

Depuis une quinzaine d’années, j’attends toujours avec impatience la publication du Global Powers of Retailing, un document préparé par le cabinet comptable Deloitte. On y découvre quels sont les mastodontes de la vente au détail dans le monde, et ceux dont la croissance est la plus rapide.

Ce que j’aime le plus, c’est de comparer les nouveaux tableaux avec ceux d’il y a 10 ou 15 ans. L’exercice permet de découvrir quelles sont les habitudes de consommation aux États-Unis et ailleurs sur la planète. Et quels détaillants ont été plus futés que les autres.

Zéro suspense encore cette année : le premier rang est évidemment occupé par Walmart.

Je me suis toujours demandé si j’allais vivre assez vieille pour voir l’empire de Sam Walton en être délogé un jour. Imaginez : ses revenus ont atteint 524 milliards US à son dernier exercice* (650 milliards CAN).

C’est 3,3 fois plus que le détaillant qui occupe le deuxième rang : Amazon, avec « seulement » 158 milliards US (196 milliards CAN) !

En regardant les données des autres colonnes, toutefois, je devrais sans doute avoir davantage confiance en Jeff Bezos pour me surprendre.

D’abord, l’entreprise a gagné un rang dans le top 10. C’est la seule à avoir réussi cet exploit de bouger de place au sein de ce club sélect, exploit qu’elle répète chaque année depuis son entrée dans le top 10 en 2015.

Et devinez quel détaillant a été détrôné de la deuxième marche du podium ? Costco. Presque 6 milliards US les séparent. Entreprise chouchou des Québécois, Costco a ainsi perdu la place qu’elle occupait depuis six ans.

Ensuite, la croissance des revenus d’Amazon est particulièrement révélatrice. Du côté de Walmart, elle s’est établie à 1,9 %, tandis qu’elle a atteint 13 % du côté d’Amazon. Tout un écart. Si ces rythmes se maintiennent, ce ne sera qu’une question de temps avant qu’Amazon déloge Walmart.

Enfin, Amazon dépasse aussi Walmart en matière de profitabilité, ce qui lui donne plus de marge de manœuvre pour investir dans sa croissance future.

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D’ailleurs, avez-vous vu la dernière trouvaille d’Amazon pour diversifier ses activités ? L’entreprise a annoncé qu’elle s’apprêtait à ouvrir, à Londres, un salon de coiffure. Avec de vraies personnes qui coupent les cheveux, mais un paquet de technologies pour vendre le shampoing et les brosses.

PHOTO FOURNIE PAR AMAZON

Amazon a annoncé qu’elle s’apprêtait à ouvrir, à Londres, un salon de coiffure. Avec de vraies personnes qui coupent les cheveux, mais un paquet de technologies pour vendre le shampoing et les brosses.

« Il n’y a littéralement aucun aspect de nos vies qu’Amazon ne cible pas. Si quelqu’un pense encore qu’Amazon est un détaillant, il est en retard dans les nouvelles [traduction libre] », a commenté sur LinkedIn Doug Stephens, expert connu des tendances en vente au détail et auteur à succès.

C’est avec de telles stratégies inattendues — rappelez-vous l’acquisition des supermarchés bios Whole Foods Markets en 2017 —, un site web efficace et une logistique aussi sophistiquée que redoutable qu’Amazon a su avancer vers le sommet.

Dire qu’il y a 20 ans, Amazon était à la 157e position du classement de Deloitte…

Il y a 10 ans ? Au 35e rang, avec des ventes de 24,5 milliards US. Celles de Loblaw (Provigo/Maxi), en incluant toutes ses activités, étaient alors supérieures (27 milliards US).

Les temps ont bien changé.

En tout, six détaillants canadiens font partie du classement : Loblaw, Empire (IGA), Metro, Alimentation Couche-Tard, Canadian Tire et Save-On-Foods.

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Les détaillants américains dominent clairement le classement avec 7 des 10 premières positions.

Dans le top 250, on en retrouve 74. Autrement dit, 30 % des plus importants détaillants du monde ont leur siège social dans un seul pays. Cependant, la domination des Américains s’effrite lentement ; il y a 10 ans, le classement comptait 84 enseignes établies aux États-Unis.

Les nouveaux venus proviennent surtout de l’Asie. Et dans le palmarès des 10 détaillants connaissant la plus forte croissance depuis cinq ans, la première place est occupée par Couang, un Uber Eats sud-coréen. La deuxième place revient à une chaîne de supermarchés de l’Inde, Reliance Retail.

Revenons aux États-Unis, patrie de Target. Car voir ce nom si haut dans la liste internationale — au 11rang — est presque déroutant. Comment une entreprise ayant tant de succès a-t-elle pu subir l’échec le plus navrant de l’histoire de la vente au détail au Canada ? Une telle somme d’erreurs me semble encore absurde.

Mais cela démontre à quel point ce n’est pas si simple d’obtenir la faveur de consommateurs toujours plus exigeants. Faire partie année après année de ce classement est en soi un exploit.

*Pour comparer les détaillants, Deloitte utilise les données de leur dernier exercice financier clos avant le 30 juin 2020

Consultez l’étude de Deloitte (en anglais)