Le nouvel Insectarium de Montréal accumule les prix d’architecture et les certifications environnementales, mais ses magnifiques murs vitrés font surchauffer ses petits et grands occupants, a appris La Presse.

Ce qu’il faut savoir

  • Le nouvel Insectarium de Montréal, en forme de serre, a été inauguré en 2022.
  • Ses murs vitrés créent un problème important de gestion de la chaleur.
  • Plus de 200 000 $ ont dû être investis jusqu’à maintenant pour contrer le problème.
  • L’entrepreneur et les professionnels réclament près de 9 millions en extras.

Alors que le bâtiment a été inauguré l’an dernier, les travailleurs se plaignent de chaleur suffocante dans certains secteurs et l’institution doit injecter des centaines de milliers de dollars pour tenter d’y faire baisser la température.

« Lorsque la température extérieure est supérieure à 28 ℃, les serres de production et de quarantaine sont en surchauffe », ont indiqué les fonctionnaires dans des documents d’appel d’offres. « Avec le positionnement du soleil, les températures intérieures ressenties […] montent très rapidement. »

L’Insectarium de Montréal fait partie d’Espace pour la vie, l’ensemble muséal qui inclut aussi le Biodôme et le Jardin botanique, et appartient à la Ville de Montréal.

« L’Insectarium est trop chaud pour travailler et visiter. Ce n’est pas tolérable », a déploré Jean-Pierre Lauzon, président du syndicat des cols bleus de Montréal, qui compte plusieurs membres travaillant dans ce bâtiment.

Quand il fait trop chaud, tu te déshydrates. On ne pouvait plus travailler à l’intérieur, les employés se plaignaient de la chaleur.

Jean-Pierre Lauzon, président du syndicat des cols bleus de Montréal

La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a ouvert un dossier sur la situation.

« Il y a des citoyens aussi qui se sont plaints de la chaleur », a ajouté le syndicaliste.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Installations de l’Insectarium ou se trouvent des papillons en liberté

Unités de climatisation et pellicules

Le bâtiment, en forme de serre, a pourtant reçu la prestigieuse certification écologique LEED Or la semaine dernière, qui soulignait « l’optimisation de la ventilation naturelle dans les serres » et ses « nombreuses caractéristiques écoénergétiques ». Le projet a aussi remporté, le printemps dernier, le Grand Prix d’excellence de l’Ordre des architectes.

Mais le splendide bâtiment est maintenant affublé d’accessoires qui n’étaient pas prévus aux plans des architectes : de grosses unités de climatisation ont été louées et installées pour la belle saison, comme ce fut le cas l’été dernier.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

De grosses unités de climatisation ont été louées et installées pour la belle saison, comme ce fut le cas l’été dernier.

Une firme spécialisée a été chargée de trouver une solution à long terme.

Des pellicules seront aussi posées sur certaines des vitres afin de « réduire l’impact de la chaleur de 45 % dans les serres de production et de quarantaine », a indiqué la porte-parole Anne Bourgoin. « Le tout va permettre d’ajouter plus de confort et une meilleure circulation de l’air frais et répondra d’autant mieux aux normes de LEED Canada. »

Coût total, pour l’instant : 214 000 $.

« Mauvaise gestion sur le chantier »

Le projet de nouvel Insectarium a été choisi en 2014 à l’issue d’un concours international d’architecture. C’est le consortium formé par l’architecte berlinois Kuehn Malvezzi ainsi que les cabinets québécois Pelletier De Fontenay et Jodoin Lamarre Pratte qui a été sélectionné.

Nicolas Ranger, architecte au sein de ce dernier bureau, a souligné en entrevue avec La Presse que la Ville de Montréal avait été tenue informée de l’évolution du projet « à chaque étape » et qu’elle n’avait pas demandé de climatisation dans le secteur de production.

L’équipe de conception de l’Insectarium est bien au courant du problème de chaleur et travaille activement à le solutionner, a ajouté l’architecte.

L’inauguration de l’Insectarium a eu lieu en 2022, plutôt qu’en 2019 tel qu’initialement prévu. Le projet est passé d’un budget de 23 millions en 2015 à près de 29 millions en 2017, puis à 36 millions en 2019, puis encore à 38 millions lors de son inauguration l’an dernier.

Et ce n’est peut-être pas la fin de cette inflation vertigineuse. Dans un autre document d’appel d’offres, les fonctionnaires municipaux révèlent avoir reçu « une demande d’honoraires supplémentaires des professionnels » pour 585 000 $, ainsi qu’une « demande de compensation de l’entrepreneur général » au montant de 8,1 millions.

« Le chantier de l’Insectarium a subi des retards prolongeant le chantier d’un an supplémentaire en raison de la COVID-19, la coordination interdisciplinaire, l’émission de nombreuses directives et la mauvaise gestion sur le chantier », expliquent les fonctionnaires.

Ces informations ont été rendues publiques parce que la Ville de Montréal a confié à une firme spécialisée le mandat d’évaluer toutes ces demandes de paiements supplémentaires. Il lui en coûtera 70 000 $.