L’écriture de la biographie de Renée Claude, à l’automne 2019, a mis sur mon chemin le musicien et compositeur Michel Robidoux, mort dimanche à l’âge de 78 ans. Il m’avait reçu chez lui, à la campagne, sur sa terrasse qui donnait sur un petit lac. Sa blonde Nicole veillait à son bien-être.

Il était très faible. Mais il avait quand même tenu à me rencontrer pour me parler de cette artiste qu’il avait tant aimée. Il a été généreux. Les souvenirs venaient facilement. Je l’ai écouté pendant deux heures. Une vie entière a défilé sous mes yeux.

Pour beaucoup de gens, le nom de Michel Robidoux a peu de résonance. Pourtant, cet artiste, fils du chanteur Fernand Robidoux et de Jeanne Couët, alias Zézette, fait partie de ces géants de l’ombre sans lesquels la culture québécoise n’aurait pas les mêmes assises aujourd’hui.

Alors que se profilent à l’horizon les années 1970, sans doute la décennie la plus fertile de l’histoire de notre musique, Michel Robidoux prend part à la folle aventure de L’Osstidcho, avec Robert Charlebois, Louise Forestier, Yvon Deschamps et Mouffe.

Charlebois ne passe évidemment pas à côté de ce talent remarquable. Pas fou, le Garou ! Il en fait son guitariste sur le disque Charlebois-Forestier rebaptisé Lindberg. L’enfant terrible de la chanson québécoise remettra cela quelques années plus tard en confiant à Robidoux la musique de Je rêve à Rio.

Puis, c’est la rencontre avec Jean-Pierre Ferland. L’anecdote est connue : à son retour d’Europe, le créateur de Feuilles de gui va voir L’Osstidcho et fond en larmes dans les bras de Guy Latraverse en lui confiant qu’il se sent dépassé par cette jeunesse fonceuse.

Mais Ferland saura donner un coup de talon au fond de la piscine. Et vers qui se tournera-t-il pour embarquer dans le train ? Vers celui que tout le monde s’arrache alors. Michel Robidoux signe les musiques des chansons Le petit roi, Quand on aime on a toujours 20 ans, Sing Sing et l’incomparable Le chat du café des artistes, qui ont fait de Jaune l’un des plus grands disques de la francophonie.

À cette même époque, le talent d’un jeune auteur explose. Alors qu’il élabore Tiens toé ben j’arrive… avec Diane Dufresne et François Cousineau, Luc Plamondon se lance également dans la création d’un disque pour Renée Claude. Cette dernière veut un son nouveau. Pour cette interprète, Michel Robidoux compose les musiques du disque Je reprends mon souffle, dont Le bonheur, La bagomane, Tu m’as laissé tomber du 7e ciel et J’étais partie pour ne plus revenir. Cette aventure a lieu au studio que Bill Gagnon, grand ami de Robidoux, possède à Ville-Émard.

Malgré ses innombrables qualités, ce disque n’est toutefois pas un grand succès commercial.

Renée Claude, Michel Robidoux et Luc Plamondon prennent leur revanche un an plus tard avec un nouveau disque sur lequel ils plaquent Ce soir je fais l’amour avec toi.

Ce texte, qui fait dire à la chanteuse qu’elle a envie de faire l’amour et qu’elle prend soin de mettre son chat chez le voisin d’en haut afin que ce dernier ne vienne pas griffer le dos de son amant, sur la musique délicieusement country de Robidoux, est une véritable bombe !

Les premières notes à la guitare de cette chanson sont légendaires. « On disait de moi que j’étais le roi des intros », m’a confié le compositeur lors de notre rencontre.

Le « son Robidoux » se retrouve dans un nombre impressionnant de disques et de spectacles, ceux de Clémence DesRochers (Le vol rose du flamant), Pierre Létourneau, Nanette Workman, Claude Dubois, Diane Dufresne et plusieurs autres. Les artistes savent que la présence de ce musicien élève leurs chansons.

Michel Robidoux, c’est aussi celui qui a signé les arrangements de deux chansons de Leonard Cohen sur l’album I’m Your Man. En 2017, mon ex-collègue Alain de Repentigny a rencontré le guitariste. Ils ont parlé de cette rencontre.

« Il m’appelle pour me demander si ça m’intéresse. Un fou dans une poche ! Je suis allé chez lui, et ça a cliqué. On a fait trois chansons et il en a retenu deux : I’m Your Man et Everybody Knows. »

Michel Robidoux avait le génie de pouvoir faire des musiques réfléchies tout en créant d’énormes succès commerciaux. Il réussissait cela tout en conservant son ADN.

Ceux qui font partie de la génération X (et leurs parents) connaissent Michel Robidoux sans le savoir. Il est le maître d’œuvre (avec Pierre F. Brault) de plusieurs chansons que les personnages de Passe-Partout (première mouture) ont chantées.

Il ne se gênait d’ailleurs pas pour raconter que plusieurs des célèbres comptines ont été écrites sous l’influence de « substances illégales ».

En 2017, Michel Robidoux a lancé Robidoux Premier, un disque où plusieurs artistes (Catherine Major, Pierre Flynn, Alex Nevsky, Bïa, Daniel Bélanger, Marie-Noël Claveau, etc.) reprennent quelques-unes de ses chansons. Pierre Lapointe et Ariane Moffatt s’offrent la part du lion avec Le chat du café des artistes. Je vous en conjure, écoutez ce disque. Et écoutez les versions originales.

Vous allez saisir l’étendue de l’immense talent que fut ce musicien parti en toute discrétion.