Les environs de la Terre sont si encombrés de déchets qu’on pourrait bientôt atteindre un point au-delà duquel le problème deviendra pratiquement insoluble. Une nouvelle façon de gérer le ciel est impérative. Les nations parviendront-elles à s’entendre à temps ?

Le grand dépotoir invisible

« Au-dessus de nous, que le ciel », chantait John Lennon dans Imagine, en 1971.

Cinquante ans plus tard, il y a autre chose qui flotte au-dessus de nos têtes : un dépotoir. Un dépotoir volant qui tourne à des dizaines de milliers de kilomètres-heure autour de la Terre, mettant en péril nos satellites, nos astronautes, nos modes de vie modernes.

Corps de fusée abandonnés. Satellites désuets. Déchets de toutes sortes qui s’entrechoquent et se brisent en plus petits morceaux : notre problème de pollution spatiale est tel que les précieux bénéfices que nous tirons de l’espace pourraient bientôt être menacés.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Ram Jahku, professeur à l’Institut de droit aérien 
et spatial de l’Université McGill

À mon avis, il deviendra très risqué d’aller dans l’espace d’ici 10 ou 20 ans. Et ça deviendra très coûteux, parce qu’il faudra protéger les satellites des débris. Dans 30, 40 ou 50 ans, la possibilité qu’on ne puisse plus rien faire en orbite est réelle.

Ram Jahku, professeur à l’Institut de droit aérien et spatial de l’Université McGill

« Si on continue à faire les choses comme nous les faisons aujourd’hui, j’estime que les basses orbites deviendront complètement inutilisables d’ici 50 ans », dit aussi John Crassidis, spécialiste des débris spatiaux et professeur au département de génie mécanique et aérospatial de l’Université d’État de New York à Buffalo.

Transactions bancaires, appels téléphoniques, GPS, télévision : aujourd’hui, tout cela fonctionne au moins en partie grâce aux satellites. Ceux-ci nous fournissent aussi des prévisions météo. Ils documentent les émissions de gaz à effet de serre, surveillent les incendies de forêt et les ouragans, aident à l’agriculture. Les enjeux sont immenses.

Le constat force l’humanité à se regarder dans le miroir. Après avoir pollué le sol, l’eau et l’air de la Terre, nous n’avons rien appris et avons répété les mêmes erreurs dans le ciel. Comme les océans, l’espace paraissait immense. Au début de la conquête spatiale, à la fin des années 1950, y laisser traîner des satellites ou des étages de fusée semblait sans conséquence.

Le hic est que tout ce qui se trouve en orbite file à une vitesse d’au moins 28 000 km/h, soit environ 10 fois plus vite qu’une balle de fusil. Dans ces conditions, un écrou de 50 g possède autant d’énergie cinétique qu’un VUS de 2 tonnes fonçant à 140 km/h. Un simple éclat de peinture peut endommager un satellite. Ou percer la combinaison d’un astronaute.

Depuis le premier satellite Spoutnik, lancé en 1957, les déchets se sont multipliés. Si bien qu’on trouve aujourd’hui à peu près de tout autour de la Terre. Des outils qui ont glissé des mains des astronautes côtoient des urnes funéraires volantes lancées par l’entreprise Celestis (l’une d’entre elles contient les cendres du créateur de Star Trek, Gene Roddenberry).

PHOTO FOURNIE PAR SPACEX

LaTesla Roadster et son mannequin en guise de conducteur, 
avec la Terre en arrière-plan

Le numéro 43 205 sur la liste des objets suivis par le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) est une Tesla Roadster avec un mannequin installé dans le siège du conducteur, et dont la chaîne stéréo diffuse en continu la chanson Space Oddity de David Bowie (même si le son ne se propage pas dans l’espace !). La voiture a été catapultée dans l’espace par l’excentrique milliardaire Elon Musk, de SpaceX. Elle a maintenant quitté l’orbite de la Terre et tourne autour du Soleil, mais demeure sur le radar des scientifiques.

Le plus grave est que plusieurs de ces objets se fragmentent. La situation rappelle le problème du plastique dans les océans. Si le grand continent de plastique frappe l’imagination, ce sont les microplastiques, pratiquement impossibles à récupérer, qui causent les plus grandes préoccupations.

En orbite, pas moins de 630 « évènements de fragmentation » ont été documentés depuis 1961. À l’origine, il s’agissait surtout de vieux réservoirs de fusée contenant des résidus de carburant qui explosaient. Mais un problème de plus en plus préoccupant se dessine : les collisions.

De grands bangs dans le ciel

Février 2009. Le satellite de télécommunications américain Iridium 33 survole la Sibérie à une altitude de 780 km lorsqu’il percute de plein fouet un vieux satellite russe abandonné, Kosmos 2251.

La collision, qui survient à 42 000 km/h, pulvérise les deux engins. Elle génère plus de 2300 fragments détectables, dont une grande partie encombre encore le ciel.

Au moins, on pouvait plaider qu’il s’agissait d’un accident.

En 2007, la Chine mène des tests militaires impliquant des missiles antisatellites. Elle prend pour cible l’un de ses propres satellites météorologiques vieillissants et le fait exploser en plein ciel, générant au moins 2500 débris. Des années plus tard, la Station spatiale internationale doit parfois effectuer des manœuvres pour éviter ces fragments.

En 2019, l’Inde fait à son tour un test de missile antisatellite, mais de façon plus contrôlée. Environ 270 débris s’ajoutent au dépotoir volant.

Ces évènements provoquent des dénonciations partout sur le globe. Dans la communauté spatiale, on parle de plus en plus d’une sombre possibilité : celle que le « syndrome de Kessler » devienne réalité.

Donald Kessler est un astrophysicien de la NASA aujourd’hui retraité qui s’est longtemps battu pour faire reconnaître le problème des débris spatiaux. En 1978, il est le premier à réaliser une chose : plus il y a d’objets et de débris dans le ciel, plus le risque de collisions augmente. Et plus il y a de collisions, plus cela génère de débris.

Kessler calcule qu’au-delà d’un certain point, le phénomène sera impossible à arrêter. Les objets du ciel se briseront les uns contre les autres dans une cascade destructrice qui ne fera que s’emballer. Un derby de démolition céleste qui ne laissera dans son sillage qu’un nuage uniforme de minuscules débris tournant autour de la Terre.

Il ne s’agit pas d’une lointaine possibilité théorique.

Sur certaines orbites, on peut déjà constater que le nombre d’objets augmente sans que nous en ajoutions. Le syndrome de Kessler, qui est la génération de débris de façon autonome, se produit donc. Mais comme on est au début de l’augmentation exponentielle, ça ne paraît pas encore beaucoup.

Pierre Omaly, expert en débris spatiaux au Centre national d’études spatiales, en France

Un dernier affront ?

Luc Piguet codirige une entreprise qui veut nettoyer l’espace de ses débris (voir quatrième onglet).

Le 15 novembre dernier, il donne une conférence à des investisseurs dans laquelle il affirme que les tests de missiles antisatellites comme ceux effectués par la Chine et l’Inde sont certainement de l’histoire ancienne.

« Le tollé international a été tel qu’aujourd’hui, tout le monde a l’air d’avoir compris », lance-t-il à son auditoire.

Le soir même, il rentre chez lui. Et apprend avec stupeur que la Russie vient de faire délibérément exploser l’un de ses propres satellites à 480 km d’altitude lors d’un test de missile antisatellite. L’évènement a forcé l’équipage de la Station spatiale internationale à se réfugier dans les capsules Soyouz amarrées à la station et qui leur servent de canots de sauvetage.

Ce jour-là, au moins 1500 nouveaux fragments se sont ajoutés à notre grand dépotoir volant.

Quand le ciel nous tombe sur la tête

Statistiquement, vous avez plus de risques de vous faire frapper par la foudre que par un débris spatial. L’expert français Pierre Omaly estime toutefois qu’on aurait tort de ne pas s’en préoccuper. « Plus il y a d’objets là-haut, plus ils vont retomber », dit-il.

Le 22 janvier 1997, l’Américaine Lottie Williams marche dans un parc de Tulsa, en Oklahoma, lorsqu’elle aperçoit un éclair de lumière dans le ciel. Un instant plus tard, une petite pièce de métal lui touche l’épaule. La femme n’est pas blessée, mais on considère qu’elle est la première à avoir été touchée par un débris spatial d’origine humaine.

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

La pièce métallique de 12 m de longueur provient vraisemblablement du corps d’une fusée chinoise.

En mai 2020, une pièce métallique de 12 m de longueur s’écrase dans un village de la Côte d’Ivoire. Elle provient vraisemblablement du corps d’une fusée chinoise ayant raté sa réentrée dans l’atmosphère.

PHOTO TIRÉE DE TWITTER

Des morceaux du satellite russe Kosmos 954

Le Canada n’a pas été épargné par les débris spatiaux. En 1978, le satellite russe Kosmos 954 se brise dans l’atmosphère, répandant des morceaux radioactifs sur une vaste étendue des Territoires du Nord-Ouest canadien. L’opération de nettoyage coûtera six millions au gouvernement.

Vers une meilleure utilisation du ciel

La destruction délibérée d’un satellite par la Russie, le 15 novembre dernier, soulève une question criante : les orbites de la Terre sont-elles un Far West où l’on peut faire ce qu’on veut ?

Malheureusement, ça ressemble beaucoup à ça.

« Il n’existe aucune réglementation sérieuse ou efficace », déplore Ram Jakhu, professeur à l’Institut de droit aérien et spatial de l’Université McGill.

En 2010, l’Organisation des Nations unies (ONU) a bien édicté des lignes directrices destinées à freiner la prolifération des débris spatiaux. On y indique notamment que les missions doivent être conçues pour minimiser les débris et que les actes de destruction intentionnels sont proscrits.

L’organisme plaide aussi pour que les satellites en fin de vie circulant à basse orbite soient envoyés dans l’atmosphère de manière contrôlée afin qu’ils s’y désagrègent. Un comité regroupant la plupart des grandes agences spatiales du monde recommande ainsi qu’un satellite soit détruit au plus tard 25 ans après avoir terminé son travail.

Quant aux satellites désuets qui circulent sur l’orbite géostationnaire, située à 36 000 km d’altitude, ils devraient être placés dans une « orbite cimetière » plus élevée, où ils ne nuisent à personne.

Plusieurs nations, dont le Canada, suivent ces règles. « Mais ces lignes directrices sont très faibles, et elles ne sont pas contraignantes », souligne le professeur Ram Jakhu.

Résultat : quand la Russie commet un acte aussi provocateur que de faire exploser un satellite en plein ciel, il y a beaucoup de hauts cris… mais pas de conséquences.

Le besoin d’un traité international musclé se discute depuis longtemps. Malheureusement, aucun des spécialistes à qui nous avons parlé ne juge la chose probable à court terme.

On sent bien que les États ne sont pas prêts à perdre leur souveraineté dans l’espace. […] Les enjeux stratégiques et militaires prennent le dessus sur la raison.

Pierre Omaly, du Centre national d’études spatiales

Le privé, problème ou solution ?

PHOTO CRAIG BAILEY, ASSOCIATED PRESS

Une fusée Falcon 9 de SpaceX décolle du Centre spatial Kennedy, en Floride, transportant 49 satellites réservés au projet Starlink, le 3 février.

Un autre phénomène marquant retient l’attention : à travers les vieux débris, le nombre d’objets actifs qui sillonnent le ciel est, lui aussi, en pleine explosion.

Il y a actuellement environ 4700 satellites actifs dans l’espace. Du lot, plus du tiers (1778) ont été envoyés l’an dernier. À elle seule, l’entreprise SpaceX d’Elon Musk en a mis 989 en orbite en 2021. Et ce n’est qu’un début : son projet Starlink, qui veut offrir l’internet haute vitesse partout sur le globe, vise à déployer des « méga-constellations » totalisant 42 000 satellites.

SpaceX n’est pas seule dans cette course. OneWeb, Amazon, Viasat et la canadienne Telesat, notamment, veulent aussi lancer des constellations de satellites. Et la compétition vient parfois d’où on ne l’attend pas. En octobre dernier, le Rwanda a demandé la permission à l’Union internationale des télécommunications d’envoyer pas moins de… 330 000 satellites dans l’espace.

Dans ce cas, il faut des autorisations avant d’envoyer ces engins en orbite. Aux États-Unis, par exemple, c’est la Federal Communications Commission qui les accorde. Trop facilement ? L’expert américain John Crassidis le croit. Il estime qu’on ne mesure pas encore les « conséquences imprévisibles » de cette augmentation vertigineuse du nombre d’objets dans le ciel.

Les astronomes ont sursauté en 2019 en voyant les premiers trains de satellites Starlink passer devant leurs télescopes, laissant de longues traînées brillantes sur leurs images. Certains ont même évoqué une « menace existentielle » à l’astronomie. Elon Musk a accepté de peindre en noir les satellites lancés subséquemment. Le problème a été atténué, sans être complètement réglé.

Darren McKnight est membre du Comité sur les débris spatiaux de l’Académie internationale d’aéronautique. Il travaille également pour l’entreprise californienne Leo Labs, dont la mission est de repérer les débris spatiaux et de prévoir leur trajectoire afin d’aider les opérateurs de satellites à les éviter.

Il estime qu’on fait fausse route en visant les satellites actifs, même si ceux-ci se multiplient. « Plus d’objets, ça ne veut pas nécessairement dire plus de risques », dit-il. Il plaide que les nouveaux satellites sont « agiles » et peuvent être contrôlés. Et qu’il est possible de « densifier » le ciel en y gérant la circulation, comme sur les autoroutes.

Le vrai problème, ce sont ces carcasses d’une tonne que personne ne contrôle – des autobus sans freins ni conducteur.

Darren McKnight, membre du Comité sur les débris spatiaux de l’Académie internationale d’aéronautique

L’expert français Pierre Omaly tend à penser comme Darren McKnight. Il croit même que les milliards de dollars d’investissements qui sont placés dans le ciel pourraient ironiquement contribuer à mettre de l’ordre dans l’espace.

« Les gens qui font des constellations de satellites sont conscients du problème, dit-il. Ils sont venus nous voir pour discuter. Il y a bien sûr une tension entre leur désir de faire des affaires rapides et la préoccupation de pérenniser l’espace. Mais vu les investissements en jeu, je pense qu’ils voient plus loin qu’un horizon de cinq ans. Ils ne veulent pas tuer leur propre terrain de jeu, et une solution peut venir de là. »

Les pressions économiques s’avéreront-elles plus efficaces que la diplomatie pour réguler le ciel ?

Nettoyer l’espace

PHOTO FOURNIE PAR CLEARSPACE, PHOTOMONTAGE LA PRESSE

N’importe quel pro du ménage vous le dira : il y a deux règles à suivre pour nettoyer un lieu. Arrêter de salir… et ramasser ce qui traîne. Ça s’applique aussi à l’espace.

En attendant des règles contraignantes capables de juguler la prolifération des déchets en orbite, une poignée de visionnaires se sont mis en tête de ramasser ceux qui s’y trouvent déjà.

C’est loin d’être simple.

Pour comprendre pourquoi, on peut commencer par regarder ce qui se passe sur Terre.

Il y a quelques décennies, laisser les détritus de plastique gagner l’océan ne semblait pas si grave. Au pire, se disait-on, on pourra toujours les ramasser plus tard.

Parlez-en aujourd’hui à Boyan Slat, jeune Néerlandais à la tête de l’entreprise The Ocean Cleanup, qui vise à nettoyer les océans. Il a d’abord fait un constat : utiliser des bateaux avec des filets pour ramasser les déchets océaniques prendrait « des milliers d’années et des dizaines de milliards de dollars ». C’est sans compter la gigantesque quantité de carburant requise pour alimenter tous ces navires. Les émissions de gaz à effet de serre exploseraient.

The Ocean Cleanup a donc testé une barrière passive alimentée par l’énergie du vent et des vagues pour ramasser les déchets – sans succès. Aujourd’hui, l’entreprise tente de limiter l’usage des bateaux en leur faisant tirer, à faible vitesse, une « ligne côtière » artificielle censée recueillir les débris. Des progrès sont certes faits, mais ils sont lents.

Or, rien n’indique que les choses seront plus simples dans l’espace – au contraire. S’y rendre est coûteux et complexe. Et les objets qu’on veut y ramasser filent à une vitesse 10 fois plus grande que celle d’une balle de fusil. Toute manœuvre est délicate et fait courir le risque de générer des collisions, empirant le problème au lieu de le régler.

Autre défi : il est loin d’être simple de récolter plusieurs déchets lors d’une même mission.

« Sur Terre, je peux partir de Buffalo en voiture, me rendre à Montréal, faire le plein, puis aller à Québec. Mais on ne peut pas faire ça dans l’espace », explique l’expert en débris spatiaux John Crassidis, de l’Université d’État de New York à Buffalo.

Si je me trouve sur une orbite particulière et que je veux faire un petit changement de 10 degrés pour me rendre sur une autre orbite rapprochée, ça utilisera environ 40 % de mes réserves de carburant. Il est très difficile d’aller du point A au point B.

John Crassidis, expert en débris spatiaux de l’Université d’État de New York à Buffalo

Ces difficultés soulèvent immédiatement l’enjeu des coûts.

« Quand notre projet a démarré, la plupart des gens nous disaient que ça n’avait aucun sens, que ça coûtait beaucoup trop cher et que personne n’allait jamais payer pour aller désorbiter un déchet », raconte Luc Piguet, chef de la direction et cofondateur de ClearSpace, une entreprise en démarrage suisse qui vise à nettoyer l’espace.

PHOTO FOURNIE PAR CLEARSPACE

Luc Piguet, chef de la direction et cofondateur de ClearSpace

La boîte a un client très sérieux : l’Agence spatiale européenne, qui l’a choisie au terme d’un appel de propositions pour aller retirer un objet du ciel.

La « dépanneuse de l’espace » sur laquelle travaille ClearSpace prend la forme d’un satellite muni de quatre bras destinés à attraper le débris à retirer et à l’amener se désintégrer dans l’atmosphère. « L’idée est de s’attaquer aux gros morceaux, qui sont des sources de débris », explique M. Piguet.

La première cible, un morceau de 112 kg provenant d’une vieille fusée VEGA, est déjà déterminée. ClearSpace prévoit aller le cueillir en 2025.

La dépanneuse ira se désintégrer dans l’atmosphère avec sa proie. Mais l’entreprise travaille déjà à des dépanneuses réutilisables qui, selon M. Piguet, seront en mesure de retirer plusieurs objets du ciel lors d’une même mission.

Le budget de cette première opération s’élève à environ 140 millions de dollars canadiens. Luc Piguet met toutefois en garde ceux qui ont déjà utilisé ce chiffre pour calculer qu’il faut 1 million de dollars pour désorbiter 1 kg de matière.

« On développe de nouvelles technologies et il y a beaucoup de coûts d’ingénierie non récurrents, dit-il. Quand Tesla construit une méga-usine, ils ne passent pas tout le coût de l’usine sur la première voiture qui sort ! »

ClearSpace n’est pas la seule entreprise dans la course au nettoyage des orbites. La plus avancée est sans doute Astroscale, au Japon, qui veut faire ses preuves sur un corps de fusée japonaise abandonné.

En 2018, un satellite baptisé RemoveDEBRIS conçu par l’université anglaise de Surrey a aussi été lancé à partir de la Station spatiale internationale. Il visait à tester plusieurs façons d’attraper des déchets spatiaux, dont un filet, un harpon et une voile destinée à ralentir les débris et les forcer à s’abîmer dans l’atmosphère.

Il reste à voir de quelle façon se déploierait une potentielle industrie du nettoyage spatial. Certains experts estiment que vu le nombre de débris qui flottent en orbite, le coût croissant des assurances pour les opérateurs de satellites les poussera à investir eux-mêmes dans le nettoyage.

Ram Jakhu, de l’Institut de droit aérien et spatial de l’Université McGill, croit quant à lui qu’il faudra obliger les propriétaires des débris spatiaux à les faire ramasser. Il souligne la nécessité de protéger légalement les entreprises de nettoyage d’éventuels dégâts qu’elles pourraient causer accidentellement dans l’espace.

« Plusieurs embûches légales doivent être résolues, dit-il. Et c’est pourquoi il faut un traité international qui mentionne que ces compagnies sont permises, financées et encouragées. »