(Ottawa) Le gouvernement Trudeau a causé la surprise vendredi en retirant les deux amendements pour ajouter l’interdiction des armes d’assaut au projet de loi C-21. Le geste a été bien accueilli par tous les principaux partis d’opposition, mais il s’agit d’un pas de recul pour le groupe PolySeSouvient qui milite pour un meilleur contrôle des armes à feu.

« Ma première réaction, c’est un profond découragement », a confié en entrevue Nathalie Provost, porte-parole de PolySeSouvient et survivante de la tuerie de Polytechnique. Le groupe milite pour l’abolition des armes d’assaut depuis 1990.

« Il est clair que la désinformation propagée par les députés conservateurs et le lobby proarmes a gagné », avait-elle dénoncé un peu plus tôt par communiqué. Le groupe montre du doigt une nouvelle campagne en ligne de la Coalition canadienne pour les droits des armes à feu (CCDA) contre C-21.

Une motion déposée par le député libéral Taleeb Noormohamed vendredi matin pour retirer les deux amendements qui ajoutaient l’interdiction des armes d’assaut au projet de loi C-21. Elle a fait l’unanimité de tous les partis en comité parlementaire.

« Nous avons obtenu une pause temporaire sur l’interdiction des fusils de chasse », s’est réjouie la députée conservatrice, Raquel Dancho.

La Fédération québécoise des chasseurs et des pêcheurs a également souligné « ce nouveau développement » puisque les amendements « avaient le potentiel d’intégrer des armes de chasse dans la liste des armes prohibées ».

Le lobby proarmes y voit une bonne nouvelle, mais pas une victoire. « La bataille n’est pas terminée », a écrit la vice-présidente pour les relations publiques de la CCDA, Tracey Wilson, qui a incité ses membres à continuer de se battre pour le retrait complet du projet de loi C-21.

Les deux amendements, qui élargissaient la portée du projet de loi, ont été déposés en novembre par le gouvernement après les consultations, ce qui avait causé une levée de boucliers. Le gouvernement avait ainsi réussi à braquer à la fois les chasseurs et l’Assemblée des Premières Nations.

Au départ, le projet de loi C-21 interdisait les armes de poing, mais pas les armes d’assaut, qui faisaient déjà l’objet d’une interdiction par décret. Les amendements visaient à enchâsser cette interdiction dans la législation, tout en ajoutant davantage de modèles d’armes qui seraient prohibées. L’un de ces amendements incluait une liste de plus de 300 pages de modèles qui seraient interdits, dont certaines armes utilisées par les chasseurs et les Autochtones.

« Les libéraux ont entendu le message »

« Nous regrettons la confusion que ce processus a provoquée et nous nous engageons à mener une conversation réfléchie et respectueuse, basée sur les faits et non sur la peur », a affirmé le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, dans une déclaration écrite.

« Le projet de loi C-21 ne vise pas les chasseurs, mais certaines armes à feu qui sont trop dangereuses dans d’autres contextes », a-t-il ajouté.

« Je pense que les libéraux ont entendu le message qu’ils devaient entendre », a réagi la députée du Bloc québécois, Kristina Michaud.

« On demeure en faveur d’une interdiction des armes d’assaut, donc c’est certain que la main est toujours tendue au gouvernement s’ils reviennent avec des amendements », a-t-elle ajouté.

Les conservateurs craignent une nouvelle interdiction des armes d’assaut par amendement ou avec un nouveau projet de loi.

Entre-temps, les élus pourront « faire des progrès » sur d’autres aspects de C-21 concernant les armes à air comprimé de « type airsoft », selon le député néo-démocrate, Alistair McGregor.

En entrevue à La Presse la semaine dernière, le ministre Mendicino avait affirmé être prêt à apporter des modifications aux amendements à la lumière des commentaires qui seraient recueillis. « Le SKS a été créé pour la guerre et le passage du temps n’y change rien », avait-il soutenu. Cette arme de style militaire, développée par les Soviétiques durant la Seconde Guerre mondiale, est populaire auprès des chasseurs, incluant les membres des Premières Nations.

Il avait rappelé que cette arme avait été utilisée pour tuer deux policiers en octobre dans le comté de South Simcoe, en Ontario.

Le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes était réuni vendredi matin pour débattre d’une voie de passage. Les députés se sont mis d’accord pour tenir quatre réunions afin d’entendre divers groupes concernés par une éventuelle interdiction des armes d’assaut. Le ministre Mendicino sera aussi invité à témoigner.