Je regarde aller François Legault dans cette campagne électorale et il me fait penser à un homme qui doit se faire arracher une dent…

En plus, le dentiste lui dit : désolé, j’ai pu d’anesthésiant.

Ça met un gars de mauvaise humeur.

Le PM a pourtant de nombreuses raisons d’être de très bonne humeur. Il a commencé la campagne sous un ciel azur (les sondages lui prédisaient 100 sièges !), il a fait le plein de vedettes, les oppositions sont morcelées en quatre parts quasi égales…

Pas grave : François Legault a depuis trois semaines la même tronche que j’avais quand je devais jadis me taper des réunions de condo, une des affaires les plus ennuyantes du monde.

Dans les premiers mois de la pandémie, dans les pires moments de notre vie collective moderne, le PM a été rassembleur et rassurant.

Dans cette campagne où il sollicite un deuxième mandat, il est grognon, négatif et méchamment partisan.

Et même s’il aurait le luxe de s’élever au-dessus de la mêlée, le premier ministre du Québec n’hésite pas à faire de la petite politique sur le dos de groupes de Québécois triés sur le volet. Voyons voir.

M. Legault a dit aux Montréalais de se mêler de leurs affaires sur le troisième lien Québec-Lévis et sur la pollution à la Fonderie Horne de Rouyn-Noranda.

Il a aussi dit aux Montréalais qu’ils regardaient les gens de Québec « de haut », des paroles qu’on imagine très bien dans la bouche d’un agitateur de radio-poubelle, moins bien dans la bouche du premier ministre de tous les Québécois.

Effet net : tous les complexés qui s’imaginent que les Montréalais haïssent tout ce qui n’est pas du 514 ont intérieurement crié « Yes ! »

Quand M. Legault a décrété au débat de TVA que les problèmes de l’hôpital de Joliette étaient « réglés », les leaders atikamekw l’ont contredit. M. Legault s’est ensuite lancé dans une guéguerre avec eux, les accusant de vouloir faire une guerre de mots – les Atikamekw tiennent à la reconnaissance du concept de « racisme systémique » – et de ne pas vouloir régler les problèmes…

Effet net : tous ceux qui trouvent que les Autochtones se plaignent pour rien ont apprécié cette taloche aux gens de Manawan.

Chaque fois qu’il parle d’immigration, M. Legault n’y voit que des problèmes. Il en a remis en faisant un lien très clair entre l’immigration et la violence. Il s’est excusé, bien sûr, mais ses paroles étaient plus senties que ses excuses sur Twitter.

Effet net : ceux qui ont peur de l’immigration ont adoré ce lien entre l’immigration et la violence. Nombre d’entre eux pensent que le PM s’est excusé pour ne pas se mettre les wokes à dos.

Dans l’opposition, François Legault était un apôtre de la réforme électorale. Il avait même signé une déclaration où il s’engageait à réformer le mode de scrutin en y injectant une forme de représentation proportionnelle, s’il était élu le 1er octobre 2018…

En réponse à ceux qui l’accusent d’avoir trahi sa parole, le PM s’est trouvé une cible pratique : la réforme du scrutin, c’est une idée qui n’excite que les intellectuels !

Effet net : tous ceux qui détestent les intellectuels – et ceux qui détestent les intellectuels en ont une définition très large – ont aimé qu’il leur mette le pied au derrière. Le genre de sottise qu’un Éric Duhaime radiophonique aurait prononcée.

M. Legault attaque aussi bruyamment les propositions environnementales de ses adversaires, notamment Québec solidaire. Si, depuis quatre ans, M. Legault avait été convaincant en matière d’écologie, on pourrait hausser les épaules, mais ce n’est pas le cas.

Je cite Paul Journet, lundi : « Il veut transformer l’environnement en sujet émotif. Son but : que les électeurs croient que les écologistes les jugent. Et ça semble marcher. »

Effet net : tous ceux qui trouvent que les « enverdeurs » exagèrent, qu’il s’agisse de pailles en carton ou de dérèglement climatique, applaudissent la réticence écologique de M. Legault. Ils comprennent très bien son message : « Continuons à ne rien faire. »

Il y a une expression pour ce que fait François Legault : « wedge politics ». C’est l’utilisation – à des fins uniquement et bêtement électoralistes – d’enjeux, de mots et de politiques qui ne visent qu’à diviser pour récolter plus de votes.

Ce qui est décourageant, c’est que le PM de tous les Québécois tire le discours politique vers le bas, tel un chef de tiers parti qui doit jouer les agitateurs pour se faire connaître. François Legault aurait les moyens, pourtant, de faire une campagne positive, rassurante et rassembleuse.

Je dis tout ça et, en même temps, M. Legault est le même élu qui s’est demandé à voix haute « Il est pas mort, lui ? » quand un adversaire lui a posé une question en Chambre, qui en a traité une autre de « Mère Teresa » quand elle a posé une question sur les garderies et qui a lui-même convenu qu’il devrait rester « plus zen » en Chambre, en juin 2021…

On cherche encore la version « plus zen » du PM de tous les Québécois. Dans cette campagne où sa réélection n’est pas menacée, il n’arrive pas à élever le discours.

Imaginez si ça allait mal pour la CAQ.