Il était absolument renversant d’entendre, lundi, la nouvelle députée libérale de La Pinière dire avec fougue, comme sa cheffe, que le Parti libéral du Québec (PLQ) était un parti inclusif, le parti de tous les Québécois, etc., etc., etc. C’est un raisonnement complètement déconnecté de la réalité.

Le PLQ est probablement aujourd’hui le parti le moins représentatif du Québec (on dit pudiquement qu’il est quasiment confiné à l’île de Montréal ; c’est faux, il est confiné à la communauté anglophone). Mais la réalité n’a pas d’importance, c’est la partisanerie qui mène le bal. Et le PLQ s’enfonce.

Comme lorsque le Parti québécois se tiraillait sur la date d’un futur référendum ou dénonçait je ne sais quelle action du lieutenant-gouverneur au lieu de parler des défis auxquels les citoyens étaient confrontés tous les jours. Aveuglement idéologique. Et les gens le désertaient.

Comme lorsque le Parti conservateur offre « moins d’autoritarisme, plus de démocratie » ou encore qu’il veut réduire la taille de l’État sans nuire aux services. Slogan creux et pensée magique.

Comme lorsqu’une députée de Québec solidaire (QS) dit que « ça prend une opposition progressiste, écologiste, féministe, antiraciste, etc. », le « vrai monde », comme le nomme QS, n’est pas séduit par les « istes » ni par la démonisation de la droite, ce n’est pas assez ancré dans le réel.

Lundi, la réalité l’a donc emporté sur le discours idéologique. Parenthèse : c’est souhaitable qu’un parti ait une idéologie (système d’idées générales constituant un corps de doctrine philosophique et politique à la base d’un comportement individuel ou collectif), il faut voir grand et rêver, mais il ne faut pas faire l’économie de la réalité.

L’écoute de la CAQ

Si, dans tout le Québec, la Coalition avenir Québec (CAQ) a 41 % d’appuis chez les gens qui votent, en dehors de Montréal son taux passe souvent à 50 % et plus des voix. Il y a, à l’évidence, quelque chose que la CAQ fait bien. Les autres courants politiques auraient intérêt à essayer de comprendre son succès. Début d’explication :

D’abord, le Québec en a assez des discours méprisants à son égard. Le Québec est une société culturellement forte, économiquement riche, elle est la plus égalitaire en Amérique du Nord, etc. Oui, nous avons, comme toutes les nations, des failles importantes à corriger, mais nous pouvons nous y attaquer en restant fiers du reste, ce que fait la CAQ.

De plus, la CAQ n’a pas laissé entendre que les gens qui se posent des questions sur l’immigration avaient un problème, elle a reconnu leur inquiétude et mis le débat sur la table. Oui, il y a des irresponsables comme le ministre Jean Boulet qui véhiculent des préjugés xénophobes, sinon racistes, qui doivent être dénoncés et sanctionnés. Mais les questions sur l’immigration restent légitimes parce que oui, les langues, les cultures, les nations peuvent disparaître.

Si certains Montréalais semblent se résigner à voir le français reculer, les autres Québécois résistent et refusent notamment de voir leur métropole devenir une ville anglophone comme mille autres. Pour eux, cela va de soi que la situation du français mérite qu’on s’y attaque. La CAQ les a écoutés.

La nation québécoise est passée, en quelques années, d’une des nations les plus religieuses à une des moins religieuses au monde. Elle en est encore marquée. Les Québécois, et surtout les Québécoises, connaissent mieux que bien d’autres les bienfaits, mais aussi le tort immense que peuvent faire les institutions religieuses : interdiction d’« empêcher la famille », opposition à l’avortement, opposition au droit de vote des femmes, rejet des minorités sexuelles, censure, obéissance au mari, rejet d’une partie de la science, etc. Les Québécois voient le retour de la religion dans l’espace public et ils s’en inquiètent légitimement. La CAQ a écouté et agit.

La CAQ a aussi ses dérives, je dirais surtout partisanes.

Présenter le troisième lien comme un projet de développement durable, il faut le faire ! Longtemps nier l’existence de la crise du logement, subordonner l’environnement à l’économie (forêt, caribous, etc.), même la volonté de pragmatisme, érigée en idéologie, transforme son action gouvernementale en gestion à la pièce, sans vue d’ensemble. Mais sa marque de commerce reste quand même la connexion avec le réel, à tout le moins dans l’esprit des gens.

Si les maires ont systématiquement, sondage après sondage, un taux d’approbation plus grand que les politiciens des autres ordres de gouvernement, c’est parce qu’ils sont plus loin de la théorie, plus près de la pratique. Qu’ils soient de droite, de gauche ou du centre, ils écoutent les gens et leur donnent des réponses. C’est aussi ce qu’a fait la CAQ. On peut critiquer ses actions, mais elle est clairement en phase avec une grande part de la population. Tous les autres partis devraient s’en inspirer un peu, car à l’évidence, leur idéologie ne leur suffira pas.