Le système de santé est en apparence gratuit pour les utilisateurs, alors qu’en réalité, il est fort coûteux, même si les patients ne s’en rendent pas compte. On l’a vu avec la pandémie.

À ce sujet, je ne sais plus combien de lecteurs m’ont écrit pour suggérer que nos établissements transmettent une note aux patients après chaque visite leur indiquant le tarif qu’il faudrait payer pour la consultation. Cette communication, disent-ils, ferait prendre conscience des coûts de notre système et permettrait d’éviter certains abus, autant que faire se peut.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) n’a pas manifesté l’intention de présenter une telle note de frais. Et on peut se demander si les coûts administratifs en vaudraient la chandelle. Tout de même, j’ai mis la main sur une liste de tarifs facturés pour les soins de santé qui permet de mieux saisir l’ampleur des coûts. Et qui porte à réfléchir.

Cette liste est établie dans le contexte où le Québec doit réclamer aux autres provinces – et réciproquement les sommes qui lui sont dues pour des soins prodigués dans nos hôpitaux à des Canadiens ne résidant pas au Québec. Le cas typique est l’Ontarien en vacances au Québec qui a un accident ou encore le résidant de Gatineau qui traverse à Ottawa pour une urgence1.

Premier tarif, probablement le plus courant : les urgences. Pour une consultation standard, les provinces se sont entendues pour facturer 322 $ par visite, tout compris. Si la visite nécessite une radiographie courante, il faut ajouter 143 $.

Dit autrement, une simple entorse à une cheville, qui vous fait attendre parfois des heures aux urgences, et pour laquelle le médecin recommande souvent simplement de la glace et de l’ibuprofène, essentiellement, peut coûter 465 $ de frais.

Toujours selon la liste, un test d’imagerie par résonance magnétique coûte 616 $, une hémodialyse (filtrage du sang à la place du rein), 524 $, et une intervention d’un jour pour un cas léger, 1078 $. Ces tarifs incluent les honoraires du médecin.

Par ailleurs, les établissements facturent 919 $ pour un accouchement sans complication, auquel il faut ajouter les honoraires du médecin, dans ce cas. Au Québec, ces honoraires du médecin varient essentiellement entre 500 $ et 1000 $, selon divers paramètres, comme l’heure de l’accouchement et la région. Au total, donc, un accouchement normal coûterait entre 1500 $ et 2000 $ au Québec, environ.

COVID-19 et hospitalisations

La pandémie nous a fait prendre conscience de la fragilité du réseau, avec les nombreuses hospitalisations et les longs séjours aux soins intensifs provoqués par le virus.

Or, selon la liste officielle, une journée passée à la salle commune de l’hôpital coûte quelque 1370 $ au Québec. Et aux soins intensifs ? 3775 $.

Ce tarif est une moyenne des coûts des 27 centres de santé situés aux quatre coins du Québec, qu’il s’agisse de la COVID-19 ou non. Il englobe les salaires du personnel (infirmières, etc.), ainsi que les frais administratifs et autres frais de fonctionnement (chauffage, fournitures, entretien, etc.).

Attention, ces derniers tarifs excluent les honoraires des médecins, facturés séparément. Il reste qu’un malade de la COVID-19 qui se rend aux soins intensifs durant 14 jours coûtera environ 53 000 $ à l’État, selon le tarif moyen de cette liste, auquel il faut ajouter les honoraires des médecins. Ouch !

En temps normal, les voyageurs étrangers non canadiens qui doivent se faire soigner au Québec paient beaucoup plus que le tarif interprovincial. De fait, parce que notre système de santé est très achalandé, le gouvernement facture 200 % plus cher à ces voyageurs (les tarifs sont donc multipliés par 3).

Un voyageur qui passerait deux semaines aux soins intensifs après un accident devrait donc payer quelque 160 000 $… d’où l’importance qu’il ait souscrit une assurance avant de partir. Notez que le personnel diplomatique et les demandeurs d’asile ne sont pas visés par cette surcharge.

Les coûts des séjours pour chacun des 27 centres de santé du Québec sont établis à partir des rapports financiers des établissements. La liste nous permet de constater les grands écarts de tarifs entre les régions et les types d’établissements, soit les CISSS et les CIUSSS2.

Par exemple, parmi la douzaine d’établissements universitaires – les CIUSSS –, c’est au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) qu’une journée aux soins intensifs coûte le plus cher au Québec, à 6345 $ par jour, en moyenne. Le CUSM suit, à 5435 $. Ces tarifs excèdent largement la moyenne des centres universitaires du Québec, de 3985 $.

Le CHUM est également le plus coûteux pour les séjours en salle commune (2225 $ par jour), suivi du CUSM (1720 $), encore une fois. La moyenne des CIUSSS pour ces séjours est de 1315 $.

Parmi les CISSS, c’est celui de Lanaudière qui est le moins cher pour les soins intensifs (2205 $), loin de la moyenne de 3405 $ pour ce type d’établissement. Au sommet se trouve le CISSS du Bas-Saint-Laurent (4446 $). La moyenne des CISSS est de 3405 $.

Pour les séjours en salle commune, la moyenne des CISSS est pratiquement la même que celle des CIUSSS (1310 $), mais les écarts vont de 835 $ (Montérégie-Ouest) à 2085 $ (Baie-James).

Le ministère de la Santé n’a pas fait d’analyse spécifique pour comprendre ces différences de coûts. Toutefois, des analyses passées ont démontré que les coûts variaient beaucoup en fonction de la lourdeur des cas, qui requièrent plus ou moins d’infirmières par patient.

De plus, des centres en région éloignée, moins achalandés, ont vraisemblablement des coûts fixes plus imposants et une rémunération parfois majorée pour l’éloignement.

Pendant la pandémie, faut-il préciser, les gouvernements provinciaux ont choisi de couvrir tous les résidants et personnes séjournant au Québec, qu’elles soient titulaires ou non d’une carte d’assurance maladie. L’objectif de cette particularité est de ne pas mettre de barrière financière à l’éradication de la maladie contagieuse.

1. Il y a aussi une autre liste de tarifs, celle facturée à la CNESST pour les accidents de travail.

2. Les CISSS sont les centres intégrés de santé et de services sociaux, tandis que les CIUSSS sont les centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux.