Le ministère fédéral de l’Environnement et du Changement climatique dit avoir besoin de six mois pour transmettre un document à La Presse, affirmant que le faire dans les délais prescrits par la Loi sur l’accès à l’information perturberait son fonctionnement.

L’Analyse des réseaux sociaux pour le trafic d’espèces sauvages en ligne que La Presse souhaite consulter a été commandée par Ottawa à la firme DB3 Consulting inc., en juillet 2021, au coût de 37 406,25 $.

Le document n’étant pas accessible publiquement, La Presse a demandé à en obtenir une copie par le biais de la Loi sur l’accès à l’information fédérale – la demande a été envoyée le 27 février 2023.

« Une prorogation de 150 jours est requise au-delà des 30 jours prescrits pour traiter votre demande », a répondu Environnement et Changement climatique Canada, le 28 mars, ce qui porte le délai total à 180 jours, soit six mois.

Le respect du délai légal « entraverait de façon sérieuse le fonctionnement de l’institution en raison du grand nombre de documents impliqués pour donner suite à la demande », précise la réponse signée par la directrice de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels du Ministère.

« Des consultations avec d’autres institutions fédérales sont aussi nécessaires pour donner suite à votre demande et rendraient pratiquement impossible l’observation du délai », conclut-elle.

« Un enjeu qui perdure »

Les délais exigés tant par le gouvernement fédéral que par le gouvernement provincial québécois pour répondre aux demandes d’accès à l’information sont « un enjeu de taille qui perdure depuis quelques années et qui ne semble pas s’améliorer », constate l’avocat Marc Bishai, du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE).

« Une des solutions, ça serait d’avoir plus d’information directement disponible en ligne », pour contrer les difficultés qu’éprouvent certains ministères et organismes publics à répondre aux demandes dans les délais, dit-il.

Il n’y a pas de bonnes raisons de continuer à forcer le public à passer par des demandes d’accès à l’information, alors qu’une grande partie des documents visés devraient être disponibles en ligne.

MMarc Bishai, du Centre québécois du droit de l’environnement

Il est normal que des informations de nature délicate ne soient pas divulguées publiquement, reconnaît MBishai, citant par exemple la localisation exacte de spécimens d’espèces menacées qu’il faut protéger.

« Dans les autres cas, ce serait important que le public puisse savoir ce qui se passe », dit-il, estimant que l’État a le devoir de montrer comment il s’acquitte de ses obligations, notamment de protéger la faune et la flore.

Engagement non tenu

Le CQDE soulignait par d’ailleurs la semaine dernière le « cinquième anniversaire d’un engagement non tenu par le gouvernement du Québec » en matière de droit du public à l’information, soit la création d’un registre public donnant accès « en un seul clic à des informations essentielles en environnement ».

Prévu par la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE), dont la réforme est entrée en vigueur en 2018, ce registre devait recenser toutes les autorisations ministérielles demandées ou accordées.

« Cinq ans plus tard, il s’agit du seul volet de la LQE qui n’a toujours pas été mis en application », déplore le CQDE, qui demande au gouvernement Legault de s’engager à le créer d’ici la fin de l’année.

« Nous sommes conscients qu’il reste du travail à faire et c’est pourquoi j’ai demandé aux équipes de mon ministère de me présenter un calendrier de réalisation rapidement pour la mise en ligne de ce registre », a indiqué le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette, dans une déclaration transmise par son cabinet, soulignant que le Registre des évaluations environnementales, le Registre des aires protégées et les données sur la qualité de l’air sont disponibles.

En attendant, les processus de contestation d’un refus de transmettre des documents ou de l’imposition d’un délai supplémentaire pour le faire sont eux-mêmes « imparfaits et mériteraient d’être améliorés », tant au fédéral qu’au provincial, affirme MMarc Bishai.

« C’est très difficile pour nous, les membres du public, de contester ces types de motifs, parce que nous ne savons pas ce qui se passe à l’intérieur d’un ministère ou d’un organisme public », dit-il.

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse

Marché ouvert 24 h/24

L’internet est devenu le « plus grand marché du monde », ouvert 24 heures sur 24, pour le trafic d’espèces sauvages, déploraient notamment l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et des organisations non gouvernementales à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), en novembre dernier, au Panamá. Des voix appelaient notamment à contraindre les plateformes numériques à retirer les contenus liés au trafic d’espèces et à leur imposer des pénalités élevées si elles omettent de le faire.

Avec l’Agence France-Presse

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  • 1983
    Année de l’entrée en vigueur de la Loi sur l’accès à l’information fédérale, adoptée l’année précédente
    source : Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada