Après une décennie de misère, les temps sont nettement plus roses pour l’industrie québécoise des médias.

Le Devoir rapportait il y a quelques jours avoir atteint la profitabilité en 2021 pour la cinquième année consécutive. En janvier, La Presse annonçait avoir enregistré un bénéfice net de 14 millions de dollars, l’année dernière, après avoir atteint l’équilibre budgétaire en 2020. Les médias de Québecor ont innové et lancé des projets majeurs au cours des derniers mois comme le lancement de QUB et la revitalisation du 24 heures. Les coopératives nationales d’information indépendantes semblent en voie de relancer de façon pérenne leurs six quotidiens régionaux, à la suite de la faillite du Groupe Capitales Médias.

Radio-Canada embauche, développe et joue avec brio son rôle de média public d’information. L’arrivée de Noovo Info a créé des dizaines de nouveaux emplois dans la province. Les occasions pour les jeunes journalistes abondent, et à peu près toutes les salles de rédaction sont en mode embauche.

Quand on met bout à bout toutes ces informations, une question s’impose : peut-on encore parler de crise des médias ?

Après avoir subi d’immenses bouleversements depuis le début des années 2000, avec l’arrivée du numérique et l’érosion des revenus publicitaires, qui ont mené à des vagues successives de mises à pied et de fermetures, l’industrie semble finalement avoir tourné la page.

Les grandes salles de rédaction québécoises peuvent finalement regarder vers l’avant et faire des plans sur quelques années sans devoir craindre pour leur survie. Voilà qui représente une avancée majeure quand on repense à la situation précaire qui prévalait durant la décennie 2010.

Optimisme prudent

On ne peut analyser la santé actuelle du monde médiatique québécois sans considérer certains éléments qui ont eu une incidence majeure sur les résultats financiers des dernières années.

Le gouvernement provincial a investi massivement en achat publicitaire dans les médias d’ici depuis le début de la pandémie.

Il est évident que ces millions tombés du ciel ont changé la donne de façon importante, mais toute bonne chose a une fin.

Maintenant que les grandes campagnes de sensibilisation sur les mesures sanitaires et la vaccination sont derrière nous, il sera intéressant de voir si les revenus publicitaires de 2022 seront en baisse par rapport à 2021.

Les gouvernements fédéral et provincial ont également mis sur pied en 2019 des programmes d’aide aux médias qui ont permis de soutenir financièrement l’industrie. Ce sont pas moins de 595 millions sur 5 ans qui ont été annoncés par Ottawa, tandis que Québec a pour sa part promis de débourser 50 millions de dollars par année jusqu’en 2023-2024. Il sera déterminant de voir si ces programmes seront renouvelés, une fois arrivés à terme.

L’autre variable importante est la mise sur pied du projet de loi C-18, qui forcera les géants du numérique à redistribuer aux médias canadiens une part des profits engrangés. Les prévisions actuelles parlent d’une somme allant de 150 à 200 millions de dollars annuellement pour les entreprises d’information au pays.

Alors, est-ce vraiment la fin de la crise des médias telle qu’on l’a connue au cours de la dernière décennie ? Une chose est sûre : depuis que j’ai obtenu mon diplôme au baccalauréat en journalisme en 2010, il s’agit – et de loin ! – de la période la plus excitante pour l’industrie québécoise des médias.

Il faudra attendre encore quelques années avant de pouvoir affirmer hors de tout doute que la crise des médias est terminée. D’ici là, on peut tout de même se réjouir en voyant les bonnes nouvelles se succéder. C’est lorsqu’on traverse une période de crise que l’on réalise à quel point il est primordial de miser sur une industrie médiatique forte, crédible et stable financièrement !