Entre la guerre publicitaire avec Québecor, les offres de vitesses astronomiques pour l’internet et la 5G et les sempiternelles plaintes que suscite le numéro un canadien des télécommunications, le PDG de Bell, Mirko Bibic, s’explique en entrevue. La clé, pour lui, ce sont d’abord les 15 milliards investis pour démontrer « la supériorité de la fibre optique ».

À tort ou à raison, Bell a encore mauvaise réputation quant à son service à la clientèle, à ses tarifs que certains jugent trop élevés. Sentez-vous cette grogne ?

Sans aucun doute, on s’est améliorés. Nos plaintes représentaient environ 30 % de ce qui était déposé à la Commission des plaintes relatives aux services de télécom-télévision (CPRST). On est rendus à 16 %, c’est quand même assez formidable et impressionnant.

Mais on a beaucoup de travail à faire pour changer la perception et on va le faire. Aujourd’hui, on est prêts à rebondir, surtout au Québec, pour redevenir la marque de confiance auprès des Québécois. Il faut offrir le meilleur service. La fibre optique, il y a six, sept ou huit ans, on ne l’avait pas autant qu’aujourd’hui. Le premier élément, c’est la qualité du service, c’est le plus important parce que c’est ce pour quoi l’abonné nous paie chaque mois. S’il va nous donner les 60 $, 100 $ ou 250 $ s’il achète tout, il faut que ça soit bon.

Deuxième élément, il faut permettre au client de gérer ses services comme il le veut, et maintenant nous avons l’application Mon Bell qui a été améliorée. Troisièmement, une grosse partie des plaintes contre nous porte sur la facturation. Là, on a un seul système de commande et de facturation, tous les clients vont y migrer au fur et à mesure. Il va y avoir une bonne amélioration à ce chapitre. Pour le service à la clientèle, ce n’était pas évident. On avait deux centres d’appels, un pour Bell mobilité, un pour l’internet. Là, on a jumelé les centres d’appels, une seule personne peut prendre soin du client.

Il y a beaucoup de travail à faire, c’est un trajet à long terme, mais je suis très fier de l’équipe. Je vois les résultats chaque mois. On a 1 million d’abonnés sur la fibre optique : les Québécois n’ont pas tort, ils choisissent le meilleur produit si on offre la bonne valeur.

Vous moussez beaucoup ces vitesses incroyables de 1,5 et 3 gigabits par seconde. Pourquoi cette insistance à présenter des vitesses astronomiques ? À quoi ça sert ? Le commun des mortels veut-il vraiment autant de vitesse ?

Nos ventes pour notre service internet Fibe sont quand même assez impressionnantes ; 70 % de nos ventes se font à des vitesses au-delà de 1 gigabit. Pensez-y : 70 % des consommateurs. Voilà la réponse.

N’est-ce pas tout simplement parce que vous leur proposez des rabais convaincants ?

Ils peuvent choisir 500 mégabits pour moins cher. Ils choisissent le 1 gigabit. L’autre aspect qui est très important, c’est que nous offrons des services symétriques, équivalents en téléchargement et en téléversement. Le « upload », c’est très important, quand on est à la maison, on essaie de travailler, les enfants font leurs devoirs, il y a quelqu’un qui fait du gaming, quelqu’un d’autre qui regarde Crave…

Parlons de 5G. Vous semblez avoir renoncé à facturer un supplément pour y accéder. Pourquoi ? Est-ce que les gens n’étaient pas prêts à payer plus ?

Pas Bell. Pour la 5G+ (lancée en juin 2022 sur les fréquences 3,5 GHz), on facture un peu plus. Il faut rentabiliser les réseaux, les investissements.

On se demande qui a besoin de télécharger à 700 Mb/s sur son téléphone. La 5G est réellement un argument de vente intéressant ?

On me pose la question assez souvent. Est-ce qu’il y a ce qu’on appelle en anglais une « killer app » sur la 5G ? La réponse est non. Est-ce que les gens l’achètent ? Oui. Ils se procurent un téléphone intelligent 5G, ils le sont tous. Pour vraiment profiter de la puissance du téléphone, il faut s’abonner au réseau 5G. Au-delà de 50 % de nos abonnés au service Bell Mobilité sont sur la 5G. La croissance est quand même impressionnante. Au troisième trimestre, sur les 12 mois précédents, on a augmenté nos abonnés sur le réseau 5G de 25 %. C’est demandé. Nous avons fait les investissements, nous avons un réseau de pointe et les Canadiens et les Québécois s’y abonnent.

Vous et Québecor faites actuellement ce qui est rare au Québec : vous êtes dans une guerre publicitaire, souvent humoristique, mais sans relâche. Pourquoi cette stratégie ?

Nos publicités sont différentes au Québec qu’ailleurs au pays. Ce qui est commun, c’est qu’on met en lumière la supériorité des réseaux de fibre optique par rapport au câble. Nous avons investi 15 milliards de dollars du Manitoba à Terre-Neuve, 4 milliards au Québec, pour rebâtir nos réseaux à neuf, on le fait pour une raison : on le fait pour avoir une part de marché appropriée étant donné les investissements. Une façon de le faire, c’est de mettre en lumière la sécurité, la valeur qu’offre la fibre.

Vous avez dénoncé la concurrence que vous avez qualifiée de « déloyale » des grandes plateformes numériques américaines. Pourquoi ne pas faire front commun avec Québecor, par exemple, dont le PDG Pierre Karl Péladeau a fait lui aussi plusieurs sorties en ce sens ?

Le front commun se fait directement, ou indirectement en ce qui nous concerne, dans les soumissions que nous déposons au Conseil canadien de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Ce sont les suggestions que nous faisons pour améliorer le cadre réglementaire. Sur le plan des plateformes et des produits que nous offrons aux consommateurs chez Bell Média, nous avons fait les investissements nécessaires, nous nous faisons le virage très important vers le numérique. Nous avons fait les investissements nécessaires. Il faut maintenant mettre l’accent sur le cadre réglementaire.

Les propos ont été condensés à des fins de clarté et de concision.