« Je ne promettrai pas de réformer le mode de scrutin comme tous ceux qui l’ont fait dans le passé pour se défiler quand ils sont arrivés au pouvoir. »

Cela a été la réponse d’Éric Duhaime à la question de savoir s’il réclamait un changement d’un système électoral dont il a été – et de loin – la plus grande victime lors des dernières élections.

Crève-cœur

En dépit d’une percée historique avec 13 % des voix pour son parti, après avoir réussi à hisser ce dernier au niveau des quatre autres, le chef conservateur s’est vu confronté au résultat crève-cœur de ne réussir à faire élire aucun député, y compris lui-même.

Tout en soulignant le caractère injuste de la situation, Éric Duhaime s’est limité à demander des aménagements comme de pouvoir disposer d’un bureau à l’Assemblée nationale et d’être associé à la Tribune parlementaire.

La réaction révélatrice immédiate de plusieurs commentateurs fut de souligner qu’on ne pouvait aspirer à rien si on n’avait pas fait élire de député, à l’instar d’un François Legault cachant difficilement sa rancune à l’égard de celui qui représentait les critiques les plus dures à l’égard de sa gestion de la crise sanitaire.

Le premier ministre devrait se raviser et autoriser les aménagements réclamés par un chef conservateur qui a joué loyalement le jeu démocratique, fort des 500 000 Québécois qui ont voté pour lui.

Les médias québécois, eux, devraient arrêter de rabaisser systématiquement ce dont est porteur Éric Duhaime, la tentation ces temps-ci étant d’ignorer au maximum le Parti conservateur sous prétexte qu’il n’a fait élire aucun député.

Faut-il rappeler le cul-de-sac extrêmement malsain où a mené en France la totale mise à l’écart du Rassemblement national de Marine Le Pen ?

Dans un discours de haut niveau le soir des élections, Éric Duhaime a bien servi notre démocratie en exhortant ses partisans frustrés, de façon compréhensible, à accepter les résultats du scrutin. Il apparaît disposé à jouer un jeu pour l’heure biaisé contre lui, qui pourrait se retourner en sa faveur dans un avenir auquel Duhaime semble croire.

Gouvernements forts et congédiables

Le chef conservateur a compris que notre système électoral, outre de favoriser une majorité francophone en régression historique, produit régulièrement des gouvernements forts, mais également des gouvernements congédiables.

L’analogie à faire ici est avec les libéraux de Robert Bourassa faisant élire 102 députés sur 110 à l’indignation générale en 1973, alors que la députation du PQ baissait de sept à six malgré une progression du vote populaire de 23 à 30 %. Le même PQ prendra le pouvoir de façon majoritaire juste trois ans plus tard, en mesure de faire adopter entre autres la Charte de la langue française.

Nos compatriotes qui ont voté pour le Parti conservateur peuvent espérer prendre un jour le pouvoir à leur tour, en ayant les moyens de mettre en œuvre le programme pour lequel ils se battent. Mais peuvent-ils, entre-temps, obtenir le respect auquel ils ont droit en démocratie ?

Certains signes le laissent à penser, à partir de la recommandation de début de campagne de l’éditeur adjoint de La Presse, François Cardinal, de ne pas tomber dans le piège de qualifier le Parti conservateur d’extrême droite, avec la diabolisation qui en serait automatiquement résultée.

Emmanuelle Latraverse, quant à elle, n’a pas craint de rappeler que le discours du chef conservateur le soir des élections avait été le plus responsable, avec celui de François Legault, sans parler de cet échange tout en respect et en intelligence entre Patrick Lagacé et Éric Duhaime la semaine dernière à Deux hommes en or.

Médias québécois décrédibilisés

La mise à l’écart de conservateurs qui se situent en partie en dehors du consensus québécois a été beaucoup jusqu’à présent le fait des commentateurs de tout acabit. On a eu parfois l’impression que leur complaisance systématique en faveur de Québec solidaire ne le cédait qu’à leur dévalorisation tout aussi systématique de ce que représente Éric Duhaime.

Il est difficile de ne pas faire le lien avec ces médias québécois qui ont abdiqué leur sens critique beaucoup trop longtemps pendant la crise sanitaire.

Plusieurs Québécois, qui n’avaient rien de complotiste ou d’irresponsable, se sont sentis alors trahis par une profession qui, incapable de se faire le véhicule de leurs préoccupations légitimes relativement aux excès du nouvel ordre sanitaire, comme la multiplication odieuse des boucs émissaires, est apparue en collusion incestueuse avec le gouvernement.

Les médias québécois ont la possibilité de contrebalancer l’injustice des résultats du dernier scrutin à l’égard des conservateurs d’Éric Duhaime.

Saisiront-ils l’occasion qui leur est présentée de se redonner la crédibilité qu’ils ont perdue aux yeux de plusieurs Québécois, en s’astreignant à rendre compte des activités d’un parti sans député, mais plébiscité par un grand nombre de nos compatriotes injustement stigmatisés durant la crise sanitaire ?

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