Après avoir révélé plusieurs scandales financiers, le journaliste Hugo Joncas quitte le poste qu’il occupait depuis 2014 au Bureau d’enquête du Journal de Montréal pour participer à la mise en place d’une nouvelle division économique de l’équipe d’enquête de La Presse. Il aura pour mission de mener des recherches de longue haleine, comme les journalistes que dirige Katia Gagnon aux actualités générales.

« Nous allons scruter les actions, les décisions, les dépenses du gouvernement, surveiller tout ce qui touche le portefeuille des Québécois. Nous allons nous intéresser à la Caisse de dépôt et placement du Québec, à Investissement Québec, aux régimes de retraite », cite-t-il en exemple. Les questions de blanchiment d’argent, de fraude, d’évasion fiscale et les relations avec le crime organisé seront dans sa ligne de mire.

Si Hugo Joncas s’exprime à la première personne du pluriel, c’est qu’il ne fera pas cavalier seul; il travaillera en duo avec Maxime Bergeron, qui était depuis 2018 co-directeur de la section Actualités de La Presse. L’heure est donc aux retrouvailles, puisque les deux férus du monde des affaires ont déjà fait équipe au Montréal Campus, le journal étudiant de l’Université du Québec à Montréal, à l’époque où ils complétaient leur baccalauréat.

Par la suite, tous deux ont entamé des carrières respectives de journalistes économiques. Le hasard a fait en sorte qu’ils ont couvert, en synchronie, les actualités immobilières pour des médias concurrents. « Maxime était à l’emploi de La Presse et moi, du magazine Les Affaires. Rapidement, nous sommes devenus des rivaux, des ennemis qui se battaient pour publier en premier la nouvelle de la vente d’un imposant gratte-ciel montréalais », se remémore-t-il en riant.

C’est précisément cette spécialisation immobilière qui a destiné Hugo Joncas au journalisme d’enquête. « Avoir les yeux rivés sur toutes les transactions qui se déroulent quotidiennement, ça m’a amené à porter une attention particulière aux acheteurs, à chercher à en savoir plus sur leurs profils, parfois très louches. J’avais toujours envie de creuser plus loin », raconte-t-il.

Le grand retour

Hugo a travaillé à La Presse en 2002 et en 2003, alors qu’il n’était pas reporter, mais pupitreur. Il revient avec un un riche carnet de contacts et des années d’expérience derrière la cravate, lesquelles lui ont notamment appris une façon de systématiser ses recherches pour en venir à publier plus rapidement. Concrètement, cette routine se traduit par une série de vérifications et de gestes qui doivent être réalisés lorsque l’on entame une investigation de nature économique.

Avec les années, Hugo Joncas a saisi que pour être un bon Columbo, il ne suffit pas d’être curieux. Il faut également être persévérant, à la manière d’Astérix dans la Maison qui rend fou.

« Si au comptoir 1.116 du Palais de Justice, on te dit que le dossier que tu cherches est au comptoir 1.118, et puis qu’au comptoir 1.118, on te dit qu’il est au comptoir 1.116, tu ne dois surtout pas baisser les bras; il faut demander à parler aux patrons, quitte à remonter jusqu’au bureau du juge », explique-t-il avec une pointe d’ironie. La justice, c’est public, après tout.

Hugo Joncas a compris combien il est primordial de ne pas lâcher le morceau, mais aussi de savoir… le lâcher. Celui qui a fait partie d’une équipe de journalistes récipiendaire d’un prix Judith-Jasmin pour avoir levé le voile sur les liens mafieux qui gangrenaient Otéra, une filiale de la Caisse de dépôt, a également connu des semaines d’entrevues et de lectures de rapports volumineux qui n’ont abouti à rien.

Le temps nécessaire

Aux yeux d’Hugo Joncas, le journalisme d’enquête se porte bien au Québec. Il observe une recrudescence des révélations, après quelques années d’accalmie qui ont suivi les scandales de la construction.

« L’enquête, c’est en quelque sorte le service essentiel… au sein du service essentiel qu’est le journalisme », écrivait son vice-président à l’information et éditeur adjoint François Cardinal dans un billet publié le 18 avril sur La Presse+.

Sur quel sujet Hugo Joncas prévoit-il se pencher? « Plusieurs choses doivent demeurer secrètes… Je ne peux rien révéler », confie-t-il. Avec beaucoup d’impatience, il faudra donc attendre un premier texte.