Après 118 ans d’existence, la marque Harley-Davidson pourrait facilement avoir une image vieillotte. Mais la quantité de logos orange et noir incrustés dans la peau de ses clients démontre plutôt qu’elle demeure iconique. Très peu d’entreprises peuvent se vanter de susciter autant d’amour.

Les clients de Costco ne se font peut-être pas tatouer le nom de leur magasin favori, mais leur niveau d’engagement est loin d’être banal. Surtout, il bénéficie à tous les consommateurs.

Cette passion, ai-je presque envie d’écrire, pour le roi de l’entrepôt est particulièrement manifeste sur la page Facebook Les Accros du Costco. Vous connaissez ? Pas moins de 270 000 Québécois en sont membres. Les échanges y sont fascinants.

Il y a quelques jours, une femme enceinte de 40 semaines y a publié une photo d’elle en pyjama « acheté aujourd’hui au Costco de Saint-Jérôme ». Elle ajoute : « J’adore ! Je suis extrêmement bien dedans, je vous le recommande à 200 % ! Très léger ! J’ai pris large et il est 18,99 $. P.-S. : envoyez-moi des ondes positives pour accoucher très bientôt. »

Les questions fusent : est-ce que le chauffe-terrasse fonctionne bien ? Quel est le prix de la caisse de Gatorade ? Dans quel entrepôt puis-je trouver un cabanon ? Comment apprêtez-vous ce jambon ? Quels sont les meilleurs achats pour rentabiliser la carte de membre ? D’autres partagent leurs trouvailles ou publient des photos de produits en solde.

Cette semaine, un simple « merci Costco » avec une photo de piscine gonflable pour enfants a suscité plus de 600 commentaires. Il était pratiquement possible de suivre le niveau de stock de chaque magasin en temps réel. « Au Costco Boucherville, il en restait 38 à 10 h ce matin. Et quand je suis passé à 12 h, il en restait 14. Ça part comme des petits pains chauds », a écrit un accro.

CAPTURE D’ÉCRAN DE FACEBOOK

Un tel engouement a-t-il un effet sur les ventes ? « L’article s’est vendu en deux jours en moyenne dans les entrepôts de l’Ontario. Par contre, tous nos entrepôts du Québec l’ont vendu en moins d’une journée », m’a révélé le vice-président au marketing de Costco, Martin Groleau, conscient que d’autres facteurs ont pu jouer.

Chose certaine, l’entreprise ne se plaindra pas que l’essentiel de son marketing soit fait gratuitement par ses clients. C’est le rêve !

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On le sait, les réseaux sociaux sont le théâtre du meilleur et du pire. Dans le cas des Accros du Costco, on observe de toute évidence, à travers les nombreuses publications, le désir d’aider de purs inconnus. La volonté de conseiller. Le besoin de récolter des opinions avant de faire un achat.

C’est fou, fou ! Les gens s’entraident. Ils se disent dans quelle région tel article est en stock. On pourrait carrément penser qu’ils travaillent pour nous, mais ce n’est pas le cas. Il y a des gens qui publient des photos de tous les nouveaux produits qui arrivent chaque semaine. Ils se font un devoir de scruter l’entrepôt au complet. C’est assez incroyable !

Martin Groleau, vice-président au marketing de Costco

Puisque les internautes agissent de bon cœur et sans intérêt financier (quelques personnes intéressées ont toutefois été épinglées), les commentaires sur ce genre de page jouissent d’une bonne crédibilité. En cette ère où l’on prend avec un grain de sel les évaluations en ligne et les suggestions des influenceurs, les groupes privés sur Facebook voués à des commerces font œuvre utile. On est près de la rassurante recommandation du beau-frère.

C’est à se demander pourquoi le concept n’est pas plus répandu. De toute évidence, ça répond à un besoin.

Tout est une question de confiance, explique la professeure Elaine Mosconi, de l’Université de Sherbrooke, qui s’intéresse à l’engagement envers les marques. Recommander un produit chez Costco se fait en toute quiétude, l’entreprise jouissant d’une solide réputation. En outre, le « sentiment d’appartenance créé par la carte de membre s’est transposé en ligne », observe-t-elle.

« Une marque, ce n’est rien de plus ou de moins qu’une promesse », poursuit le professeur de marketing à HEC Montréal Jean-François Ouellet. Celle de Costco est d’offrir les meilleurs produits à un prix imbattable. « Elle ne promet pas la lune, c’est quelque chose de simple, mais c’est livré de manière irréprochable. » Résultat, les consommateurs développent un lien émotionnel qui alimente leur intérêt à nourrir un forum en ligne.

Ça semble facile, mais peu de marques y parviennent.

Parmi elles : Dollarama. Mine de rien, sans grand effort marketing et avec des produits qui n’ont rien de révolutionnaire, le détaillant montréalais a réussi lui aussi à se bâtir un fan club de clients motivés.

Vous l’aurez deviné, on retrouve un groupe privé sur Facebook pour ses accros francophones. Il en réunit 192 000. C’est énorme. Les membres signalent les meilleures aubaines, demandent conseil, publient des photos de projets réalisés avec des produits achetés chez Dollarama.

Secrètement, toutes les marques rêvent peut-être que l’on se fasse tatouer leur logo. Mais pour les consommateurs avertis, les forums sur les réseaux sociaux sont bien plus utiles.