Au lendemain de l’annonce de l’élimination de 240 postes chez Québecor, dont 140 chez Groupe TVA, le grand patron Pierre Karl Péladeau tape du pied en ce qui concerne TVA Sports, qui vit des moments « déterminants ».

« Je pense qu’aujourd’hui, nous sommes “à la lisière” », a-t-il affirmé en entrevue vendredi avec Paul Arcand au 98,5 FM. « Il y a un certain nombre de considérations qui ne militent pas dans la perspective d’une réussite en ce qui concerne TVA Sports. »

Québecor a décliné la demande d’entrevue de La Presse avec M. Péladeau. En entrevue radiophonique, le PDG a d’abord rappelé que son entreprise avait « investi » jusqu’à maintenant quelque 200 millions depuis 2011 dans TVA Sports. Malgré des revenus qui ont atteint 103 millions en 2021, la chaîne n’a jamais été rentable. M. Péladeau a notamment mentionné le dossier du retour jamais obtenu des Nordiques de Québec, la perte du contrat de la Major League Soccer (MLS) aux mains d’Apple ainsi que l’exorbitant contrat de 5,2 milliards signé en 2013 en partenariat avec Rogers pour les droits du Canadien de Montréal, pour expliquer ces difficultés financières.

L’autre cause, pour laquelle les deux grandes entreprises de télécommunications québécoises sont à couteaux tirés depuis 2019, concerne les redevances jugées insuffisantes que Bell verse à Québecor pour TVA Sports.

Tous les autres distributeurs, que ce soit Cogeco, ou il y en a d’autres également aussi au Québec, nous donnent des redevances à la hauteur de ce qu’on considère être la juste valeur marchande. Pourquoi Bell ne le fait pas ?

Pierre Karl Péladeau, PDG de Québecor, en entrevue au 98,5 FM

Ce dossier est actuellement en arbitrage. « Ça va être le dernier arbitrage avant le renouvellement du contrat que nous avons avec la Ligue nationale [de hockey]. Ça va être déterminant. » Le fait que les géants américains de la diffusion vidéo en direct obtiennent maintenant des contrats de télédiffusion sportive constitue un autre revers pour TVA Sports. « Antérieurement, on pouvait penser que la télévision allait garder une espèce de créneau de l’évènement en direct. Ce n’est plus vrai. »

QUB musique « intégrée »

De nouveaux détails sur la description des postes éliminés ont par ailleurs commencé à circuler vendredi.

« Ça va être dans tous les secteurs, que ce soit à Montréal, Québec, dans les régions pour TVA, que ce soit l’information, la production », a précisé à Paul Arcand M. Péladeau, assurant toutefois qu’il n’y aurait « pas de ventes d’actifs ou de fermetures ».

En fin de journée, Québecor a annoncé que son service d’écoute en ligne QUB musique ne serait plus un service autonome mais serait « intégré » à la plateforme française Qobuz. Celle-ci fera son apparition au Canada en mai 2023. « La marque QUB musique poursuivra son évolution au sein même de Qobuz, notamment par une offre de listes de lecture taillées sur mesure pour les mélomanes québécois ainsi que par du contenu éditorial local – chroniques d’albums, articles de fond et interviews – de grande qualité », assure le communiqué de Québecor.

Lancée en 2020, QUB musique, dont l’objectif était de rivaliser avec les Spotify et Apple Music de l’industrie, disposait d’un catalogue de plus de 75 millions de chansons d’ici et d’ailleurs, dont environ 3500 listes de lecture. La plateforme québécoise a un taux d’écoute d’interprètes québécois de 76 %, une des rares solutions de rechange aux plateformes internationales – où le taux d’écoute d’interprètes québécois se situe à environ 8 %.

En juillet 2021, QUB musique disait compter 25 000 abonnés à son service d’écoute – qui coûte 11,99 $ par mois. Des spécialistes ont estimé que ce nombre aurait doublé depuis. Mais même à 50 000 ou 60 000 abonnés, cette croissance demeure modeste par rapport au million de comptes Spotify au Québec.

Selon le communiqué de Québecor, « les abonnés actuels de QUB musique auront accès à un tarif mensuel préférentiel lors du transfert de leur abonnement vers Qobuz ». Depuis 2019, Québecor est actionnaire de Qobuz, qui comptait en mai dernier environ un demi-million d’abonnés, selon le quotidien Le Monde.

Pas l’hécatombe

Ailleurs chez Québecor, la salle de rédaction du 24 heures est touchée ainsi que de nombreux pigistes et employés surnuméraires.

Les représentants syndicaux commençaient par ailleurs à dresser le portrait des postes éliminés. De Québec à Rimouski en passant par Sherbrooke et Chicoutimi, on évaluait l’abolition de un à trois postes par bureau. Au total, environ 25 emplois permanents syndiqués seront touchés. Le syndicat des employés de TVA (SCFP 687) compte entre 800 et 1000 membres dans la province.

« Évidemment, en entendant l’annonce de 240 postes, on pense à une hécatombe, c’est extrêmement paniquant, a précisé en entrevue Steve Bargone, conseiller syndical du SCFP. C’est toujours épouvantable que quelqu’un puisse perdre son emploi, on est toujours en train d’évaluer les dommages. Mais ça semble moins dramatique que ce qui avait été annoncé à l’origine. »

Le conseiller syndical déplore par ailleurs avoir appris la « restructuration » à peine quelques minutes avant l’annonce dans les médias. « On a beau avoir essayé de faire partie de la solution, de toute évidence, ça ne marche pas. On n’est jamais consultés, personne ne nous demande notre avis. Et pourtant, j’ai des salariés au quotidien qui offrent des solutions. Elles ne sont jamais retenues. »

Avec la collaboration de Jean Siag, La Presse

Lisez la chronique d’Alexandre Pratt « Quel avenir pour TVA Sports ? »
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  • 36 $
    Valeur cible de l’action de Québecor dans les 12 prochains mois, selon l’analyse vendredi de TD Securities, qui en recommande l’achat. L’action a clôturé à 32,62 $ en fin de journée.
    TD Securities, flash note