Les journalistes ne pourront assister à la cérémonie d’hommage national à Karl Tremblay, à la demande de la famille, qui souhaite que l’évènement se tienne « en toute simplicité et [à son] image ». Une décision « malheureuse », juge la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, étant donné que la mort du chanteur a « ému beaucoup de gens ».

Selon un avis transmis aux médias vendredi, les journalistes ne pourront accéder à l’intérieur du Centre Bell lors de la cérémonie d’hommage national qui aura lieu mardi, à Montréal. On précise qu’il s’agit du souhait de la famille.

« La volonté de la famille et du groupe lorsqu’ils ont accepté l’hommage national proposé par le premier ministre Legault a été de faire le tout en simplicité et à l’image de Karl Tremblay en préservant un esprit de recueillement », a précisé par courriel Marie-Christine Champagne, responsable des relations médias de l’agence La Tribu.

Les médias pourront seulement assister à l’allocution du premier ministre du Québec, François Legault, à l’extérieur de la salle. Quant à la cérémonie, elle sera diffusée sur les réseaux sociaux.

Le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, Éric-Pierre Champagne, juge « malheureuse » cette décision compte tenu de l’ampleur de l’évènement. Les 14 000 billets disponibles pour y assister se sont envolés en l’espace de 15 à 20 minutes.

« Je comprendrais si c’était une cérémonie très intime avec la famille, puis quelques amis. Pour ça, il faut respecter le souhait de la famille. Mais on parle ici du Centre Bell, un lieu très public, pour souligner le décès de quelqu’un qui a ému beaucoup, beaucoup de gens. »

Qui plus est, dans le contexte où l’évènement est organisé conjointement avec le gouvernement du Québec, il lui apparaît « mal avisé » d’en interdire l’accès aux médias, une décision qui « envoie un très mauvais message ».

« C’est aussi de lui rendre hommage, de permettre aux médias d’assister à la cérémonie et de lui rendre hommage », ajoute Éric-Pierre Champagne.

La tenue d’une cérémonie en hommage au chanteur des Cowboys Fringants, mort d’un cancer à l’âge de 47 ans, avait été annoncée mercredi dernier par François Legault.

Pour Alain Saulnier, expert du monde médiatique et professeur honoraire à l’Université de Montréal, cette demande de la famille est en un sens « légitime ». « Je peux comprendre qu’on veuille absolument avoir un environnement de recueillement, et c’est sûr que quand quelqu’un meurt, on ne veut pas que ça vire en foire », observe-t-il en entrevue.

« C’est à l’image de ce que Karl Tremblay et les Cowboys ont pu être, ajoute-t-il. Mais en même temps, à partir du moment où ils ont accepté le Centre Bell, nécessairement, je trouve qu’il y aurait eu lieu, peut-être, de prendre une entente avec les médias. Pour que ceux-ci fassent attention, pour que l’espace de recueillement et d’intimité de la famille et des proches ne soit pas perturbé par des gens qui débarqueraient là avec leurs gros sabots. »

Un « moment important pour la société »

Comme le fait valoir l’éditeur adjoint et vice-président à l’information de La Presse, François Cardinal, « une cérémonie nationale, c’est un moment important pour une société, c’est un moment de deuil et de partage collectif ». « C’est pour ça que le gouvernement se charge de l’organisation de la cérémonie, et ce, pour le plus grand nombre », souligne-t-il. Dans ce contexte, il s’explique mal « qu’on en refuse l’accès aux journalistes, qui ont comme rôle de témoigner de l’histoire pendant qu’elle s’écrit ».

Un sentiment partagé par le directeur général et éditeur du service français de La Presse Canadienne, Frédéric Vanasse. Bien qu’il comprenne que la décision découle d’une négociation entre la famille et le gouvernement, il juge « dommage » d’interdire l’entrée de la cérémonie aux médias « dans un pays où la liberté de la presse est une valeur fondamentale ».

« Les journalistes sont habitués à couvrir ce genre d’évènement puis le font de manière très respectueuse », ajoute-t-il. « Je ne me souviens pas qu’il y a eu d’incidents dans les 30 et quelques années de ma carrière. »