Des orthopédagogues qui travaillent auprès d’élèves handicapés intégrés dans des écoles dites régulières ont été informés cette semaine que leur service sera aboli, après 40 ans d’existence, a appris La Presse. Une décision du centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) qui suscite l’indignation des profs, mais aussi des parents.

Dès la prochaine rentrée, les 22 orthopédagogues du Service de soutien pédagogique à l’intégration des élèves handicapés physiques (SSPI), qui venaient en aide à quelque 250 élèves handicapés, seront réaffectés.

Depuis 40 ans, ces enseignants ont comme rôle de soutenir les élèves handicapés qui fréquentent des écoles dites régulières. Chaque orthopédagogue se déplace dans plusieurs écoles.

« On fait le lien avec les thérapeutes dans les centres de réadaptation, les neuropsychologues et les parents. Tout ça pour réduire l’écart entre ces élèves, qui ont un handicap physique, et les autres », témoigne une enseignante de ce service qui a demandé l’anonymat parce qu’elle n’est pas autorisée à parler aux médias.

Les élèves devront maintenant compter sur les orthopédagogues en poste dans les écoles où ils sont scolarisés.

« [Les orthopédagogues] en ont déjà par-dessus la tête. Ça veut dire que nos élèves, ils n’en auront pas, de service », poursuit la femme, qui dénonce une coupe « sauvage ».

Des parents dont les enfants ont profité de ce service s’inquiètent eux aussi pour la suite des choses.

Geneviève Leblanc a deux garçons qui ont travaillé avec une de ces orthopédagogues. Son plus jeune fils a de la difficulté à se servir de sa main droite.

« Ça lui apporte un soutien individuel important. L’orthopédagogue s’occupe d’adapter son horaire de travail, elle l’aide en mathématiques et en français. Elle apporte les modifications nécessaires en classe, si par exemple il doit être assis plus près du professeur », explique-t-elle.

La décision du CSSDM, c’est « déshabiller Pierre pour habiller Paul », croit Mme Leblanc. « Ça doit être vraiment inquiétant pour des parents qui ont des enfants plus lourdement handicapés », dit-elle.

Un service « décentralisé », dit le CSSDM

Au CSSDM, on se défend bien de réduire les services aux élèves handicapés. « On ne coupe pas [le service], on le décentralise dans les écoles », dit Benoit Thomas, directeur des services éducatifs.

Il assure que tous les élèves qui bénéficiaient d’heures avec des orthopédagogues en auront autant, sinon davantage. « Notre intention est d’offrir un service équitable, en proximité et en continu, cinq jours par semaine », poursuit M. Thomas.

Le syndicat qui représente les enseignants de ce centre de services dénonce une « décision mathématique ».

« Ce qu’on comprend, c’est qu’on va aller récupérer 20 orthopédagogues. On a un problème de pénurie : en voilà 20 de plus qu’on va aller mettre ailleurs », dit Catherine Beauvais-St-Pierre, présidente de l’Alliance des professeurs et professeures de Montréal.

Il est vrai que la pénurie d’enseignants qui affecte le Québec touche particulièrement le secteur de l’orthopédagogie. Le CSSDM cherche à pourvoir de nombreux postes d’enseignant en adaptation scolaire et fait appel aux candidats non légalement qualifiés.

Une source du milieu scolaire qui connaît bien ce service décrit elle aussi son incrédulité face à cette décision et déplore la perte d’une « expertise » chère aux écoles et aux parents.

« C’était un soutien direct pour les élèves avec un handicap », dit-elle.

Des parents déconcertés

La mère d’un enfant dyspraxique a témoigné à La Presse que la fermeture du service l’inquiète. Son fils est en 3année du primaire et voit une orthopédagogue deux ou trois fois par semaine.

« Les progrès commencent à se faire sentir. On se demande ce qu’il aura comme services l’année prochaine, on est un peu découragés », dit Audrey, qui préfère taire son nom de famille pour ne pas identifier son enfant.

Peut-on garantir qu’un enfant qui bénéficie actuellement de ce service en aura l’an prochain, même en contexte de pénurie d’orthopédagogues ?

« Oui, on va l’analyser », répond Benoit Thomas, directeur des services éducatifs du CSSDM.

« On va accompagner l’école pour donner un service à ces enfants-là. Chaque situation va être évaluée pour répondre aux besoins des élèves. Personne ne va perdre de service », assure M. Thomas.