Les récentes décisions d’Ottawa et de Québec de supprimer et d’interdire l’application TikTok sur les téléphones de leurs fonctionnaires ont engendré plusieurs interrogations dans la population. Que faire de la plateforme du géant chinois ByteDance si elle se trouve sur notre appareil mobile ? La Presse tente d’y voir clair avec la doctorante et chargée de cours à l’École des médias de l’UQAM Nadia Seraiocco.

Est-ce que je devrais supprimer TikTok de mon téléphone portable professionnel ?

Essentiellement, la réponse, c’est oui. Comme l’a indiqué le gouvernement du Québec, dans ce cas-ci, le principe de précaution s’impose, estime Nadia Seraiocco. « Je conseillerais toujours de ne pas mettre d’applications sur lesquelles on connaît moins de choses et qui sont un peu controversées sur des appareils de travail, c’est-à-dire l’appareil qui vous est fourni par votre employeur », explique la chercheuse. Elle recommande d’ailleurs la même chose pour toute application du genre, même les plus connues, comme Facebook. « S’il devait y avoir des problèmes ou un dévoilement soudain d’informations privées, vous allez peut-être vous sentir mal pour votre employeur », dit-elle.

Mais si je n’occupe pas un emploi « si important » ?

Même si cela n’a pas été admis publiquement par Ottawa ni Québec, il est possible que leur décision découle des tensions actuelles sur le plan des relations internationales, en particulier entre le Canada et la Chine. Après tout, plusieurs autres applications « nord-américaines » comme Facebook récoltent autant de données que TikTok, sinon plus. Or, en principe, les gouvernements en Amérique du Nord ne peuvent accéder à ces données, ce qui n’est peut-être pas le cas des données emmagasinées par TikTok sur lesquelles Pékin pourrait, en théorie, mettre la main. D’où l’inquiétude au sujet des appareils des fonctionnaires de l’État. Or, la saga de TikTok est un bon rappel pour la population en général du danger que peuvent représenter ces applications, estime Nadia Seraiocco. « L’appareil qui vous est prêté par l’employeur doit être utilisé pour des fonctions liées à votre travail », dit-elle. La chercheuse rappelle qu’une fois votre emploi terminé, vous devez remettre votre cellulaire à votre employeur et que des traces de votre utilisation peuvent persister sur celui-ci.

Et sur mon téléphone personnel ?

Là, c’est autre chose. Nadia Seraiocco suggère d’ailleurs à ceux qui voudraient continuer de surfer sur TikTok, Instagram et compagnie de se procurer un second téléphone, qui peut être un modèle plus ancien, qui sera uniquement dédié à ce loisir. Ensuite, l’important est d’être conscient des données collectées par TikTok, et elles sont nombreuses : adresse IP, le contenu de votre presse-papiers, ce que vous écrivez sur le clavier en vous servant de l’application, et plus. À ce sujet, Nadia Seraiocco note d’ailleurs qu’on en sait toujours peu sur ce que TikTok collecte réellement. « Donc, dans le doute, je pense que la directive [d’Ottawa et de Québec] est, pour l’instant, tout à fait appropriée », décrète l’experte. Rappelons toutefois que TikTok affirme être complètement indépendante de la Chine.