Un ami qui connaît bien la comédienne Marie-Josée Longchamps m’avait prévenu : « Si tu lui parles, assure-toi de ne rien avoir sur la cuisinière. »

En effet, celle qui s’est fait connaître du public grâce à son rôle de Janine Jarry dans Rue des pignons a du bagout. Et de l’énergie à revendre.

C’est sans doute pour cela qu’elle endosse aujourd’hui le rôle de porte-parole de la Journée internationale des aînés. C’est la Conférence des Tables de concertation des aînés du Québec, qui regroupe près de 400 associations et organismes, qui a fait cet heureux choix.

« J’avoue que j’ai été flattée, m’a-t-elle dit lors d’un entretien téléphonique. Ça m’a fait du bien. Comme artiste, je suis malheureusement oubliée par les jeunes réalisateurs qui ne me connaissent pas. Mais heureusement que le temps n’a pas d’importance pour certaines personnes de 50 ans et plus. »

PHOTO DANIEL MILLER, FOURNIE PAR MARIE-JOSÉE LONGCHAMPS

Marie-Josée Longchamps

Marie-Josée Longchamps a 73 ans. Celle qui a pendant de nombreuses années pratiqué la boxe n’attend plus que le téléphone sonne. « Depuis une dizaine d’années, je me produis seule sur scène. J’ai écrit deux ouvrages. J’ai toujours des projets. »

Cette vivacité, cette envie de vivre, c’est ce qu’elle souhaite que l’on voie d’abord chez les personnes âgées. En tant que porte-parole de cette journée, elle martèle ce message. « De plus en plus de gens ont une jeunesse qui s’étire. Ils sont actifs, ils bougent. Je ressemble à ces gens. Il faut nous voir ainsi. »

Depuis le début de la pandémie, la société québécoise subit un certain électrochoc sur les conditions réservées aux personnes âgées. Mais aussi sur le regard que l’on porte sur elles. Marie-Josée Longchamps enfile aujourd’hui ses gants de boxe pour combattre des préjugés tenaces.

On n’est pas un ensemble de personnes, dit-elle. On ne forme pas un seul bloc. On a tous nos personnalités. Comme tous les autres groupes d’âge. Pourquoi nous mettre dans le même panier ?

Marie-Josée Longchamps

Marie-Josée Longchamps rappelle qu’une infime minorité des personnes de 65 ans et plus ont besoin de soins soutenus. « Moi, si j’avais 20 ans aujourd’hui, j’imaginerais sans doute tous les aînés en marchette. Il faut briser cette image qu’une personne qui vieillit est malade et dépendante des autres. »

Mère de trois enfants (dont un avec son mari Jean-Marc Brunet) et grand-mère de cinq petits-enfants (auxquels il faut ajouter les deux enfants de la conjointe de son fils Alexandre), Marie-Josée Longchamps aime vivre entourée des siens. « Je me suis rendu compte avec le temps que ce qui fait vieillir, c’est le manque d’amour. Quelqu’un qui ne reçoit plus de compliments, qui n’a plus d’affection, a tendance à s’éteindre. »

La pandémie que nous vivons a braqué la loupe sur l’isolement et la solitude des personnes âgées. « Il y a les gens qui vivent à Montréal, mais il y a ceux qui vivent dans les régions éloignées. C’est très dur pour eux en ce moment », dit la comédienne.

La septuagénaire a conservé la beauté pétillante de ses 20 ans. Des admirateurs, comme ce journaliste venu l’interviewer, sont frappés par ce charme éternel. « Il y a des jours où je me sens atrocement vieille, mais il y en a d’autres où je me sens très jeune. Tenez, hier soir, je me suis couchée vers 2 h 45 et je me sens dans une forme incroyable. »

Pourtant, selon elle, tout est en place dans notre société pour rappeler sans cesse aux personnes âgées qu’elles sont… âgées.

On nous le rappelle tout le temps. Dans tous les papiers qu’on doit remplir, il est question de notre âge. Mon nouveau médecin, qui est dans la trentaine, dit à chaque phrase : « À votre âge… » Au fond, quand on y pense, on est toujours la vieille personne de quelqu’un.

Marie-Josée Longchamps

Curieusement, c’est à 30 ans que Marie-Josée Longchamps a vécu le fameux choc du vieillissement. Elle a pris conscience qu’elle n’avait pas réalisé tout ce qu’elle voulait atteindre. Les caps des 40, 50 et 60 ans n’ont pas été douloureux. « Mais à 70 ans, j’ai décidé de faire un travail sur moi-même. C’est comme si je lâchais prise sur plein de choses. J’ai l’impression d’être davantage moi-même. Quand je fais un compliment à un camarade, il est vrai. »

Contrairement à d’autres comédiennes, vieillir dans le regard du public et des réalisateurs ne fut absolument pas difficile pour elle. « Quand on monte l’échelle du succès, il faut savoir qu’on va redescendre. Et quand on redescend, on réalise qu’on rencontre les mêmes personnes. J’ai appris à reconnaître les gens qui ont été bons pour moi. »

Marie-Josée Longchamps aime rire et faire rire. Ce sens de l’humour lui vient de sa mère qui est « partie avant d’avoir vieilli ». Elle aimerait jouer dans une série avec d’autres femmes de son âge à la manière d’une sitcom comme les Golden Girls. « Beaucoup de comédiennes comme moi se retrouvent sur des tablettes, dit-elle. Elles attendent leur chance. »

En attendant cette proposition, Marie-Josée Longchamps souhaite passer un message. « Il y a beaucoup de victimes d’âgisme aujourd’hui. C’est devenu un grave problème de société. Ce que l’on vit en ce moment met en lumière plusieurs choses. Il faut profiter de cela pour évoluer. »

Les aînés s’excusent d’exister

Le Réseau FADOQ profite de la Journée internationale des aînés pour promouvoir un message d’inclusion. Veut-on vieillir comme ça ? demande l’organisme qui rassemble 550 000 membres. Le réseau, qui fait partie depuis plusieurs années d’un groupe de travail sur le vieillissement à l’ONU, constate que le fossé entre les générations s’est creusé plutôt qu’atténué au cours de la dernière année.

L’organisme a reçu beaucoup de témoignages de membres se disant victimes d’infantilisation lors du confinement du printemps dernier. Les séquelles de ces humiliations (insultes, refus d’accès à des commerces, etc.) se font bien sentir. « Notre organisation s’affaire depuis 50 ans à modifier les perceptions négatives à l’endroit des aînés, a déclaré Gisèle Tassé-Goodman, présidente du réseau, dans un communiqué. […] Des avancées considérables ont été faites, mais il reste tant à faire. Notre proposition aux plus jeunes générations : bâtissons ce projet de société ensemble. »

Le Réseau FADOQ a lancé le 28 septembre dernier une campagne audacieuse. Réalisé par Louise Archambault (Il pleuvait des oiseaux) et mettant en scène les comédiens Sylvie Dubé et Jean Maheux, le message publicitaire « On s’excuse » adopte un ton ironique et humoristique pour rappeler que le chemin qui s’offre à la jeune génération a été ouvert par… les plus vieux.

> Consultez le site du Réseau FADOQ