(Ottawa) Le gouvernement fédéral abandonnera la liste d’armes d’assaut interdites dans ses nouveaux amendements au projet de loi C-21. Il compte ajouter un processus d’autorisation des armes à feu avant leur arrivée sur le marché canadien, qui serait géré par la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Ce nouvel outil avait été demandé par le Bloc québécois.

« Nous ne ramènerons pas la liste », a affirmé le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, en mêlée de presse après son passage en comité parlementaire mardi. Le gouvernement compte toutefois déposer une nouvelle définition d’armes d’assaut qui tiendrait compte d’une des recommandations de la Commission sur la tuerie de Portapique, en Nouvelle-Écosse, qui avait fait 22 victimes.

« Nous pensons que la meilleure façon d’avancer est de se concentrer sur une définition objective qui inclura les caractéristiques physiques [des armes à feu] afin que nous puissions être clairs, cohérents, francs avec les propriétaires d’armes à feu », a-t-il indiqué.

La Commission des pertes massives avait recommandé au gouvernement en mars d’inclure dans le Code criminel une interdiction de toutes les armes semi-automatiques et des fusils qui tirent des munitions à percussion centrale et qui sont conçus pour accepter des chargeurs amovibles d’une capacité de plus de cinq cartouches.

« Cette façon de faire là n’était pas la bonne, clairement. Est-ce que la définition en soi va être satisfaisante sans liste ? Ça, c’est une autre question », a réagi la députée bloquiste Kristina Michaud.

« La liste a provoqué beaucoup de confusion », a rappelé le député néo-démocrate Peter Julian.

Le gouvernement avait causé la surprise en février en retirant deux amendements controversés qui ajoutaient une interdiction des armes d’assaut au projet de loi C-21 sur le contrôle des armes à feu. Le geste avait été bien accueilli par tous les principaux partis de l’opposition.

Les deux amendements incluaient une définition évolutive pour englober à la fois les armes à feu déjà sur le marché et celles à venir, et une longue liste de modèles interdits qui faisait plus de 300 pages. Cette liste avait semé la colère et la confusion. Outre les modèles déjà prohibés par décret, elle incluait la SKS, une arme de style militaire fréquemment utilisée par les chasseurs et par les Autochtones. L’Assemblée des Premières Nations s’était opposée fermement au projet de loi C-21 en décembre, quelques mois avant que le gouvernement retire ses amendements.

L’avenir de la SKS ne fait toujours pas l’objet d’un consensus.

L’objectif est d’interdire les armes d’assaut qui peuvent servir pour les tueries de masse comme celle de Polytechnique, où 14 femmes avaient été tuées et 13 autres personnes blessées, ou comme celle survenue dans le quartier Danforth à Toronto, en 2018, qui avait fait 2 morts et 13 blessés.

Solution législative

Le groupe PolySeSouvient, qui milite pour une telle interdiction, s’est dit encouragé. « Il est clair qu’il y a maintenant une intention ferme et partagée de trouver une solution législative visant à inclure une interdiction des armes d’assaut dans le projet de loi C-21, conformément aux recommandations de la Commission des pertes massives », a réagi sa porte-parole, Nathalie Provost, par communiqué.

Le groupe préconisait une approche à deux volets avec une définition et une liste d’armes prohibées parce qu’elle est plus complète. Il estime toutefois que d’autres moyens pourraient avoir le même effet comme l’ajout d’un garde-fou dans la loi pour éviter qu’un gouvernement puisse changer la classification d’une arme interdite par décret.

Déjà, environ 1900 modèles sont prohibés par décret. Le ministre Mendicino a confirmé que cette liste demeurera, mais elle ne sera pas enchâssée dans la législation pour la rendre plus pérenne.

« Ce qu’on voit avec le décret, ce sont des échappatoires que les fabricants ont utilisées de façon délibérée ou par inadvertance », a constaté M. Julian. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) voudrait cibler les fabricants.

Le gouvernement compte y remédier en proposant un mécanisme d’autorisation des armes à feu par la GRC. « Les fabricants ont une responsabilité en ce qui a trait à la classification de leurs modèles d’armes à feu et ça ne se passe pas correctement », a reconnu le ministre Mendicino. Il voudrait que les manufacturiers travaillent en étroite collaboration avec les forces de l’ordre pour que les nouveaux modèles soient classés comme étant interdits ou non avant leur arrivée sur le marché.

Les conservateurs demandent le retrait complet du projet de loi C-21 sur le contrôle des armes à feu. « Les autres éléments qu’il contient ne sont pas appuyés par les groupes visés, comme la disposition “drapeau rouge”. Nous pensions qu’elle serait bonne, mais elle ne l’est pas », a affirmé la députée conservatrice Raquel Dancho.

Cet article du projet de loi permettrait à n’importe qui de demander à la cour une interdiction d’urgence pour les armes à feu pendant un maximum de 30 jours lorsque le détenteur est un danger pour lui-même ou pour les autres.

Singh clarifie sa position

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique

Le chef néo-démocrate avait tenté de dissiper les doutes en point de presse mardi. Jagmeet Singh s’est dit pour une interdiction des armes d’assaut et des armes de poing et a indiqué que son parti déposerait des amendements au projet de loi C-21 pour cibler les fabricants d’armes à feu.

« Je veux dire clairement que moi, personnellement comme chef, et nous comme parti, nous sommes pour une interdiction des armes d’assaut, a-t-il affirmé. Nous sommes pour une interdiction des armes de poing. »

Les groupes PolySeSouvient à Montréal et Danforth Families for Safe Communities à Toronto avaient appelé M. Singh la veille à clarifier la position de son parti. Ils accusent certains députés néo-démocrates d’avoir relayé la désinformation véhiculée par le lobby proarmes. Le NPD, selon eux, nuit aux efforts pour le contrôle des armes à feu lors de l’étude du projet de loi C-21 en comité parlementaire.

Une coalition de 32 organisations féministes, dont la Fédération des femmes du Québec, a également écrit au chef néo-démocrate pour lui demander de soutenir « fermement » de nouveaux amendements afin d’interdire les armes d’assaut et d’imposer un gel de la vente de nouvelles armes de poing. La coalition réclame que le NPD « travaille dans l’urgence » afin de s’assurer que le texte législatif passe en troisième lecture avant l’ajournement des travaux parlementaires pour l’été.