(Montréal) La facture d’épicerie continuera d’augmenter au cours des prochains mois. Après avoir reçu 27 000 demandes de hausses de prix en 2022 de la part des fournisseurs qui approvisionnent les magasins en fromage, biscuits et autres produits surgelés, Metro prévient qu’il y en aura également plusieurs milliers d’autres en 2023. Résultat : les prix au détail gonfleront aussi.

« Malheureusement, l’inflation se poursuit. Dans les prochaines semaines, les prochains mois, il va y avoir des augmentations de prix », a prévenu le président et chef de la direction de Metro, Éric La Flèche, au cours d’un point de presse tenu en marge de l’assemblée annuelle des actionnaires, mardi.

« À partir du 1er février, il va y avoir certaines augmentations de prix en fonction des augmentations de coûtants qu’on va accepter, a-t-il ajouté. Les discussions se poursuivent. On négocie ferme. Mais [il y a] des fournisseurs qui insistent et qui vont obtenir des augmentations de prix si on veut continuer d’avoir accès à la marchandise. »

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Éric La Flèche, président et chef de la direction de Metro

Une fois par année, les grandes enseignes envoient une lettre à leurs fournisseurs les informant de la période pendant laquelle aucun changement du prix de gros ne sera accepté. Généralement, cette période de gel (blackout) commence au début de novembre et se termine à la fin de janvier. Selon les fournisseurs consultés, cette façon de faire est imposée par les enseignes. Ils n’ont pas le choix de s’y plier. Le montant affiché sur le produit une fois placé sur les tablettes peut varier tout au long de l’année, même pendant la période où le prix de gros demeure fixe.

Dès le début du mois de février, alors que les demandes des fournisseurs sont à nouveau évaluées, les consommateurs qui déambulent dans les allées d’épicerie risquent de voir que les prix ont changé, prévient M. La Flèche. « On va faire de notre mieux pour qu’elle soit graduelle et progressive. »

Selon lui, l’an dernier avec 27 000 demandes d’augmentation de 10 % et plus, le volume a été « anormalement élevé ». « [Les fournisseurs] nous ont demandé des augmentations plus souvent et pour plus d’argent que d’habitude. » Ces hausses touchaient plusieurs produits d’épicerie excluant les fruits et légumes, le poisson, la viande et la boulangerie.

Peut-on s’attendre à ce qu’il y en ait autant au cours de l’année à venir ? « J’espère que non », a répondu spontanément M. La Flèche, au cours d’une entrevue accordée à La Presse plus tard en fin de journée. « Il y a quelques milliers de demandes qui sont en train d’être traitées. Il y en a beaucoup. À combien on va être à la fin septembre ? Comment l’inflation mondiale va évoluer ? Je n’ai pas cette boule de cristal malheureusement. »

Les principales enseignes du pays font par ailleurs l’objet d’une enquête menée par le Bureau de la concurrence qui scrutera les hausses de prix. Les conclusions devraient être rendues en juin.

Relations avec les fournisseurs

Bien que, dans ce contexte, les relations soient parfois tendues entre les fournisseurs et les différentes enseignes, le grand patron de Metro a pour sa part répété à quelques reprises que les relations étaient « bonnes ». Or, sous le couvert de l’anonymat, plusieurs d’entre eux ont déjà confié à La Presse que leurs rapports avec l’épicier étaient particulièrement difficiles. À ce chapitre, un code de conduite pour tenter d’assainir les relations entre les détaillants et les fournisseurs a récemment été dévoilé.

« Ce qu’on lit, c’est que [ce sont] les gros méchants détaillants qui abusent des fournisseurs, on n’est pas du tout là, réplique M. La Flèche. Tout le monde a droit à son opinion. De façon générale, on a de bonnes relations avec nos fournisseurs. On a un climat de collaboration cordiale. »

« Il y a des tensions des fois, admet-il. Il peut arriver des situations où c’est moins drôle. Mais ce n’est pas un problème. En ce moment, ce sont les fournisseurs qui [font des demandes] avec des augmentations comme on n’a jamais vues », a-t-il tenu à rappeler.

Les primes des dirigeants de Metro

À la suite de l’annonce des primes totalisant 3,7 millions de dollars obtenues par les dirigeants de Metro, alors que le contexte inflationniste fait grimper le prix des aliments, Éric La Flèche reconnaît que cette décision puisse « soulever des questions ». Il croit néanmoins que ces primes ne sont pas « exagérées ». « C’est sûr que c’est beaucoup d’argent. Dans un contexte inflationniste, ça peut soulever des commentaires. » « Mais il faut distinguer cette réalité-là qui est mondiale et la performance de la compagnie et l’atteinte des objectifs par la compagnie et ses dirigeants, ajoute-t-il. Les bonis chez Metro sont pas mal constants au fil des ans. Ils ne sont pas exagérés. On est une compagnie publique d’une taille significative, il faut qu’elle soit compétitive. »

Super C gagne en popularité

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Super C, l’enseigne à bas prix de Metro, fait le plein de nouveaux clients. Avec l’ouverture de quatre magasins entre l’automne 2022 et l’été 2023, l’entreprise assure que ses deux enseignes peuvent cohabiter à proximité, sans nuire aux ventes de l’une et de l’autre.

« On continue de voir le transfert des ventes entre les bannières conventionnelles et les bannières à escomptes, a indiqué Eric La Flèche, président et chef de la direction de Metro, au cours d’un point de presse, en marge de l’assemblée annuelle des actionnaires, mardi. On est bien positionné avec Super C et Food Basics [en Ontario]. »

« Les magasins de rabais en moyenne [enregistrent] des ventes hebdomadaires supérieures aux magasins conventionnels, a-t-il ajouté. Il y a un plus grand nombre de magasins à escomptes qu’il y a un an, deux ans ou cinq ans. »

Devant cette popularité, Metro ouvrira donc de nouveaux magasins à l’enseigne rouge et jaune, ce qui portera à 103 le nombre de Super C au Québec. Fait à souligner, il arrive qu’une enseigne à bas prix – gérée par l’entreprise – s’installe à proximité d’un marchand Metro, causant parfois des frictions. « Ça peut entraîner certaines discussions, a reconnu M. La Flèche, en entrevue. On ne fait pas ça de façon secrète. Quand on va dans un marché où il y a un Metro, ça se fait dans le respect et on travaille avec nos marchands. On met des programmes en place pour qu’ils soient protégés le plus possible, mais comme [entreprise], on fait mieux quand il y a les deux. »

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Éric La Flèche, président et chef de la direction de Metro

« Il y a des magasins Metro qui vont très bien dans plusieurs marchés, mais ils n’ont pas 100 % des parts de marché, ajoute-t-il. Il y a une portion de la clientèle qui cherche des magasins avec des prix un peu plus bas, moins de service. Les clients se promènent entre les deux, mais il y a un client qui à la base est plus conventionnel et il y a un client qui est plus porté vers l’escompte. »

Selon lui, l’ouverture d’un Super C près d’une épicerie Metro ne cannibalisera pas les ventes à long terme. « Si on pense qu’il y a de la place pour un magasin d’escompte, si ce n’est pas nous, ça va peut-être être un autre. Alors, peut-être que c’est mieux de garder ça dans la famille. »

Des résultats supérieurs aux attentes

Par ailleurs, l’augmentation des prix a tout de même permis à Metro de dévoiler des revenus et des bénéfices supérieurs aux attentes au premier trimestre, selon les résultats publiés mardi.

Le propriétaire des enseignes Metro, Super C et Jean Coutu a dévoilé un bénéfice net de 231,1 millions, ce qui représente une progression de 11,3 % par rapport à la même période l’an dernier. Le bénéfice ajusté dilué par action, pour sa part, s’établit à 1 $. Avant la publication des résultats, les analystes anticipaient un bénéfice par action de 98 cents, selon la firme Refinitiv. Les ventes de Metro ont augmenté de 8,2 %, à 4,671 milliards, par rapport à la même période l’an dernier. Les ventes comparables dans le secteur de l’alimentation, une donnée qui exclut les fermetures et les ouvertures de magasins, ont augmenté de 7,5 %.

Dans le secteur de la pharmacie, les ventes comparables ont progressé de 7,7 %, grâce à une saison grippale plus intense que la moyenne, alors que la grippe, le rhume, la COVID-19 et le virus syncytial ont largement circulé.

Dans l’ensemble, Metro a légèrement dépassé les attentes des analystes grâce à des ventes vigoureuses et à un bon contrôle de ses coûts tandis que les marges étaient sous pression, résume l’analyste de CIBC Marchés mondiaux Mark Petrie. « Ce sont de très bons résultats compte tenu de l’inflation et du fait que Metro a déjà une structure opérationnelle légère », commente-t-il. Chris Li, de Desjardins Marché des capitaux, croit que l’entreprise sera en mesure d’augmenter son bénéfice par action de 8 % cette année, « malgré une modération de l’inflation ». « Son évaluation à prime à 17,5 fois le ratio cours-bénéfice, par rapport à une moyenne de 16 fois, nous incite toutefois à rester sur les lignes de côté. » Le conseil d’administration de Metro a adopté une hausse de 10 % du dividende trimestriel de la société.

L’action de Metro a terminé la séance de mardi avec un gain de 1,20 $, ou 1,6 %, à 75,58 $, à la Bourse de Toronto.

Avec La Presse Canadienne