Bonne nouvelle : Montréal a réussi à stopper son hémorragie démographique.

La métropole a gagné 14 000 habitants l’an dernier, a-t-on appris cette semaine, après en avoir perdu 48 000 pendant la première année de pandémie. Ce gain est essentiellement attribuable à l’immigration, puisque des milliers de Montréalais ont continué à s’exiler vers d’autres régions du Québec.

Il n’y a pas de quoi sabler le champagne, mais c’est déjà mieux qu’une perte nette.

Autre nouvelle encourageante : le centre-ville a retrouvé en décembre les trois quarts de son trafic piétonnier prépandémique. C’est beaucoup plus qu’à Toronto (44 %) et à Vancouver (58 %), selon un « indice de la vitalité » calculé par la firme Avison Young grâce aux données cellulaires de milliers d’utilisateurs.

Le patient montréalais est stabilisé, donc.

Mais son état risque de se détériorer, et pas qu’un peu.

Le télétravail, qui n’est pas une mode, continuera de vider des étages entiers dans les tours de bureaux. Le taux d’inoccupation a doublé dans le quartier des affaires depuis le début de la pandémie, à 18 %.

On retrouve aujourd’hui plus de neuf millions de pieds carrés de bureaux vacants ou offerts en sous-location. C’est l’équivalent… de six fois la Place Ville Marie !

Comme si on empilait 282 étages de bureaux, complètement vidés de leurs travailleurs, qui n’iront plus manger au restaurant, magasiner et voir des spectacles.

Et la situation va continuer de se dégrader. Selon le groupe Altus, le taux d’inoccupation pourrait grimper jusqu’à 29 % dans les bureaux du centre-ville d’ici quatre ans.

Ça augure très mal.

Montréal devra encore une fois se réinventer. L’administration Plante ne pourra pas tergiverser si elle veut éviter que le centre-ville se retrouve aux soins palliatifs.

Les petits gestes à faire rapidement pour rendre le quartier des affaires plus attirant sont nombreux.

Parmi ceux-ci : vider les poubelles et ramasser les déchets qui jonchent de nombreux bouts de rue. Remiser les cônes orange et les panneaux de signalisation orphelins qui pullulent pendant la pause hivernale des chantiers. Appliquer de l’abrasif – ou utiliser les fameux « croque-glace » – sur les trottoirs souvent aussi glissants qu’une patinoire, ce qui n’a visiblement pas été fait partout ces derniers jours.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Des petits gestes pourraient aider à revitaliser le centre-ville, comme ramasser les poubelles ou remiser les cônes orange et autres panneaux de signalisation qui ne sont pas utilisés dans l’immédiat.

Bref, garder la maison en ordre si on veut accueillir de la visite.

Plusieurs voyants sont au rouge, mais Montréal est en bien meilleure posture que plusieurs autres grandes villes nord-américaines pour affronter les défis des prochaines années.

L’une de ses grandes forces, c’est que son centre-ville est habité. Plus de 20 000 nouveaux résidants ont emménagé dans l’arrondissement de Ville-Marie depuis une décennie. Ils sont environ 105 000 aujourd’hui, et des milliers d’autres s’y ajouteront sous peu, car plusieurs grandes tours résidentielles sont en voie d’être achevées.

Ces habitants continueront à faire vivre au moins une partie des commerces du centre-ville.

Un autre élément me rassure quelque peu : la Ville a créé l’automne dernier un nouveau poste de responsable du développement économique et de la stratégie immobilière. Celui qui en a hérité, Philippe Krivicky, a une longue expérience du milieu des affaires, comme en retrouvait trop peu dans l’administration Plante.

Avec son équipe, il est en train de mettre de l’ordre dans les dizaines de priorités qui avaient été établies depuis deux ans pour la future « Stratégie centre-ville ». L’objectif : recentrer l’exercice sur une poignée de priorités, concrètes, qui viendront donner une direction claire à la relance du quartier des affaires.

Cet élagage pourrait éviter de se retrouver avec une stratégie aux allures de pizza toute garnie, mais bourrée de calories vides.

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Plusieurs commerces du centre-ville ont fermé leurs portes durant la pandémie.

La Ville déposera ce plan stratégique en mars ou en avril prochain, m’a confirmé jeudi Luc Rabouin, membre du comité exécutif responsable de développement économique et commercial. Le plan a été élaboré en collaboration avec plusieurs acteurs de haut niveau du monde culturel ou des affaires, dont Phyllis Lambert, Michel Leblanc et Monique Simard. C’est prometteur.

La Ville n’est pas du tout en mode « panique » par rapport à la désertion des tours de bureaux, m’affirme Luc Rabouin.

L’administration Plante est persuadée que le centre-ville demeurera le « cœur économique » du Québec et que de nouvelles entreprises en démarrage et organisations internationales viendront occuper une partie des locaux vacants.

Au-delà de la pensée positive, Montréal entend réduire la bureaucratie pour simplifier la réalisation de projets immobiliers, entre autres la conversion de bureaux en logements. Une annonce en ce sens sera faite d’ici un mois environ, comme je l’écrivais samedi dernier. Le diable se nichera dans les détails.

Parmi les autres moyens pour (re)donner du lustre au quartier des affaires, la Ville veut investir 1 milliard d’ici 10 ans pour embellir et verdir des espaces publics comme l’avenue McGill College. Elle essaiera aussi de renforcer encore davantage le caractère culturel du centre-ville.

Les prochains mois nous diront si l’administration Plante sera capable de livrer un plan concret et réalisable. La survie du centre-ville en dépend.