La Cour suprême du Canada entendra aujourd’hui une demande d’autorisation d’en appeler qui pourrait avoir des conséquences majeures sur le réseau de transport d’électricité d’Hydro-Québec, voire de tous ses semblables au pays.

La société d’État québécoise en appelle d’une décision rendue par la Cour d’appel le 25 mai 2018, dans une affaire l’opposant à sept citoyens qui souhaitent être dédommagés pour la construction, sur leurs terrains, d’une ligne de transport reliant les postes de la Chamouchouane (Lac-Saint-Jean) et du Bout-de-l’Île (Montréal).

Cette ligne est construite et est en service depuis l’été.

Les terrains de ces citoyens, situés dans les municipalités de Saint-Calixte et de Sainte-Julienne, dans Lanaudière, font déjà l’objet de servitudes depuis 1972. Les textes créant ces servitudes faisaient alors précisément référence à une ligne reliant les postes Jacques-Cartier, près de Québec, et Duvernay, à Laval.

Or, cette ligne a changé de vocation en 1982. Les installations sur les terrains visés n’ont pas changé, mais le point d’origine de l’électricité qu’elles transportent, oui. Selon les prétentions des citoyens, reconnues par la Cour d’appel, les servitudes sont ainsi utilisées illégalement depuis 1982. Elles ne pourraient pas non plus être utilisées telles quelles pour la ligne Chamouchouane–Bout-de-l’Île.

Hydro inquiète

La décision inquiète vivement Hydro-Québec, comme en témoignent de nombreux passages du mémoire qu’elle a déposé devant la Cour suprême. Elle calcule que pas moins de 33 430 servitudes seraient potentiellement touchées.

« Les servitudes en litige sont similaires à un très grand nombre d’autres servitudes acquises par Hydro-Québec, par expropriation ou de gré à gré, pour la construction et l’exploitation de son Réseau de transport d’électricité, […] d’où les conséquences majeures de la décision dont nous faisons appel », peut-on lire dans le mémoire.

Un mémoire en appui

La procureure générale du Québec, Sonia LeBel, a elle aussi déposé un mémoire appuyant Hydro-Québec.

« On doit éviter qu’une interprétation restrictive des servitudes oblige Hydro-Québec à “régulariser la situation” chaque fois qu’elle apporte un quelconque changement à son réseau, soit en amont du point A ou en aval du point B, comme le laisse entendre la Cour d’appel, plaide-t-elle. On ne doit pas l’obliger à acquérir de nouvelles servitudes chaque fois qu’elle entreprend des travaux. On ne doit pas, chaque fois, l’obliger à offrir aux propriétaires de nouvelles “compensations monétaires” ».

Pour l’un des citoyens impliqués, André Tremblay, le jugement de la Cour suprême dans ce dossier pourrait être « historique ». Pour lui, il ne fait aucun doute qu’Hydro-Québec a depuis de nombreuses années outrepassé ses droits auprès des citoyens dont elle réclame l’usage des terrains.

« La plupart des gens se disent : “Ils doivent savoir ce qu’ils font”, dit-il. Et je dois dire qu’ils sont assez convaincants. »