En moins d’un an, Denis Legault et Marie Beauchamp, de Sainte-Thérèse, ont vu la facture de leur abonnement à Apple TV+ doubler. Avec deux augmentations corsées, ce service lancé en 2019 par Apple pour concurrencer Netflix leur coûtera dorénavant 129 $ au lieu de 59,99 $.

« Je trouve que c’est vraiment exagéré, laisse tomber M. Beauchamp. Le contenu n’a pas doublé, et les séries ne se renouvellent pas rapidement. Ça devient de moins en moins intéressant. »

M. Legault et Mme Beauchamp sont loin d’être les seuls dans leur situation. Aux dernières nouvelles, selon le Portrait numérique 2022 des foyers québécois, 68 % des Québécois sont abonnés à au moins une plateforme de visionnement en ligne. Beaucoup, comme le couple de Sainte-Thérèse également abonné à Netflix, ont plus d’un service. Presque tous ont subi des hausses salées ces dernières années.

Celles-ci, selon une compilation effectuée par La Presse, dépassent souvent de beaucoup l’inflation. Nous avons exclu de ce calcul les nouvelles formules récentes, moins coûteuses mais qui imposent de la publicité au téléspectateur.

Netflix, par exemple, a été lancé au Canada en 2010 à un tarif mensuel de 7,99 $. Si la facture avait suivi l’inflation, l’abonnement pour le service de base serait aujourd’hui à 10,79 $. Il coûte plutôt 16,49 $, soit 35 % de plus que le tarif collé à l’inflation.

Coûteuse, la production

La palme de cette hausse plus forte que l’inflation revient à Crave. Ouvert en 2016 à tous les Canadiens, plus seulement aux abonnés de Bell, au coût mensuel de 7,99 $, ce service serait aujourd’hui à 9,82 $ s’il avait suivi l’inflation. Or, le forfait « Premium » de Crave, sans publicité, coûte 19,99 $ en 2023, une « surprime » de 51 %.

Cinq des sept services analysés se retrouvent dans cette situation, à des degrés divers. Seul ICI Tou.tv EXTRA a échappé à la tendance en maintenant le même prix de 6,99 $ depuis son lancement en 2014. Prime Video, une plateforme atypique puisqu’elle est offerte dans un bouquet de services, a pratiquement suivi l’inflation, la dépassant d’à peine 2 %.

Lui-même grand consommateur de ces plateformes, conservant en tout temps Netflix et Prime Video et alternant entre Apple TV+ et Disney+, le chroniqueur techno Bruno Guglielminetti a subi ces chocs tarifaires. « Ça vient jouer dans notre portefeuille, chaque hausse fait mal : rares sont les clients qui se contentent d’un seul service », résume l’animateur de la balado d’actualité numérique Mon carnet.

Essentiellement, les plateformes ont justifié les hausses par le coût grandissant de la production de contenu télévisuel, un phénomène bien réel. Ces productions maison sont maintenant incontournables avec l’apparition de nombreux compétiteurs à Netflix.

Avant, les coûts de production étaient faibles, on parlait essentiellement de coûts d’acquisition. Ça a commencé avec House of Cards, c’est là que Netflix y a pris goût et a vu l’impact qu’une production maison pouvait avoir.

Bruno Guglielminetti, chroniqueur techno

De plus, comme pour toute entreprise infonuagique, les plateformes de streaming doivent jongler avec une hausse de la demande en données, notamment avec la généralisation du 4K, combinée à la flambée du coût des serveurs. Une indication fournie le printemps dernier par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) : le ménage canadien consomme en moyenne aujourd’hui 396 gigaoctets de données par mois. C’est le double de la consommation de 2019.

« Les plateformes ont beaucoup de coûts à absorber, et la dernière convention collective des scénaristes et des acteurs à Hollywood va entraîner des coûts encore plus importants, estime M. Guglielminetti. La façon la plus rapide pour elles d’aller chercher du financement, c’est d’augmenter leurs tarifs. »

En ce qui concerne Apple TV+, une autre explication se dégage. On fait depuis 2020 la promotion active du service combiné Apple One, qui propose pour 10 $ de plus un catalogue musical de 70 millions de chansons, 180 jeux et 50 Go de stockage. « Ils veulent favoriser ceux qui prennent le forfait complet, il y a une petite stratégie derrière ça pour forcer les gens à consommer », estime Denis Legault.