(Ottawa) Ottawa a imaginé son plan pour continuer à aider les travailleurs privés de revenus par la pandémie, une fois que les paiements de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) se tariront. Mais l’application de ce plan dépendra de la survie du gouvernement minoritaire en septembre.

La PCU sera disponible pendant quatre semaines supplémentaires, pour un maximum de 28 semaines, le temps d’instaurer une série de mesures, dont un assouplissement de l’assurance-emploi. Ces changements à l’assurance-emploi se feront d’un coup de crayon. Il faudra une loi pour le reste ; les libéraux auront alors besoin de l’appui d’au moins un parti d’opposition.

Dès le 27 septembre, Ottawa s’attend à ce que trois des quatre millions de prestataires de la PCU passent à l’assurance-emploi.

Celle-ci sera accessible après seulement 120 heures travaillées, quel que soit le taux de chômage dans la région habitée. Le chômeur pourra recevoir 400 $ par semaine, au minimum, et ce, pendant 26 semaines.

Ces nouvelles règles seront en place pendant un an et permettront à 400 000 chômeurs de plus qu’en temps normal d’avoir accès à l’assurance-emploi.

On facilite également l’accès au congé parental. Ainsi, on créditera les heures travaillées de manière rétroactive au 15 mars 2020 pour les nouvelles mères.

« Ce changement à lui seul fera une énorme différence », a déclaré la ministre de l’Emploi Carla Qualtrough, au cours d’une conférence de presse, jeudi après-midi, sur la colline parlementaire.

Pour les travailleurs qui ne se qualifient pas à l’assurance-emploi, il y aura une nouvelle Prestation canadienne de la relance économique (PCRE) : 400 $ par semaine disponibles pendant 26 semaines. Il sera possible de travailler tout en recevant la PCRE. Si le revenu annuel dépasse 38 000 $, le travailleur devra alors rembourser 50 cents pour chaque dollar de prestation.

La nouvelle ministre des Finances Chrystia Freeland, une habituée des réactions non verbales loquaces, hochait avec vigueur sa tête pour dire « non » lorsqu’on a demandé à sa collègue Qualtrough si cet encouragement au travail pour les prestataires de la nouvelle PCRE est un aveu que la PCU a fait fausse route.

« On a trouvé une façon de le faire après beaucoup de travail », s’est justifiée Mme Qualtrough. « Ça va être un meilleur système, plus proche de celui de l’assurance-emploi. On ne pouvait pas le faire il y a deux, trois mois, mais on peut le faire maintenant », a-t-elle ajouté.

La ministre Qualtrough estime qu’entre un million et un million et demi de Canadiens obtiendront la PCRE.

La Prestation canadienne de maladie pour la relance économique est le moyen trouvé par Ottawa pour payer 10 jours de congé de maladie aux travailleurs ; 500 $ par semaine, pendant une semaine ou deux.

On estime qu’environ 700 000 Canadiens bénéficieront de cette mesure.

La Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants servira à ceux qui se retrouvent obligés de s’occuper d’un enfant dont l’école ou la garderie ferme. Les parents qui garderont leurs enfants à la maison par choix n’auront pas droit aux 500 $ par semaine.

On croit qu’il pourrait y avoir jusqu’à 4 millions de Canadiens qui demanderont cette aide à un moment ou à un autre.

Ces trois nouvelles prestations seront toutes disponibles pendant un an, à condition que le gouvernement libéral minoritaire survive aux votes de septembre.

Encore une fois, le gouvernement fédéral se fie sur l’honnêteté du citoyen. Une déclaration en ligne suffira pour recevoir les différentes prestations. Pas besoin d’un certificat médical, par exemple, pour avoir les 10 jours de maladie payés.

« Bien sûr, nous croyons que les Canadiens sont honnêtes, mais aussi on va absolument poursuivre ceux qui fraudent », a dit la ministre de l’Emploi, en soulignant qu’il faudra faire rapport aux deux semaines au lieu de quatre pour continuer à recevoir l’argent d’Ottawa.

La facture

Les trois nouvelles prestations coûteraient 22 milliards. L’assouplissement des règles de l’assurance-emploi coûtera 7 milliards. La prolongation de la PCU pendant quatre semaines supplémentaires coûtera 8 milliards.

À ça, il faut ajouter 2 milliards desquels le gouvernement fédéral se prive en gelant pendant deux ans les taux de cotisations à l’assurance-emploi. « Nous sommes très heureux de faire ça », a offert la ministre Freeland en encourageant les entreprises à utiliser l’argent épargné pour rappeler leurs employés au travail.

Les réactions

Le syndicat UNIFOR et le Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC) se sont empressés d’applaudir aux changements à l’assurance-emploi.

« On comprend les réalités auxquelles les gens ont été confrontés avec la crise, et on ne les laisse pas tomber », a écrit Pierre Céré, porte-parole du CNC, dans un communiqué.

La Chambre de commerce du Canada s’est montrée plus tiède, mettant en garde contre la prolongation de ces mesures au-delà de l’année prévue.

Au Parti conservateur, on s’est concentré sur la manœuvre politique.

« Il est inacceptable que le gouvernement Trudeau ait annoncé ces changements quelques jours après avoir bloqué les députés et fermé le Parlement », s’est offusqué, via communiqué, le député Dan Albas.

Le chef du Bloc québécois a lui aussi fixé son attention sur la prorogation.

« Je mets en garde le premier ministre contre la tentation de prendre en otage les travailleurs et les entreprises pour forcer l’adoption du Discours du Trône. Adoptons d’abord les changements à la PCU et à l’assurance-emploi », a déclaré Yves-François Blanchet.

Le Nouveau Parti démocratique s’est pour sa part réjoui de certaines mesures annoncées, tout en déplorant que les changements apportés à l’assurance-emploi ne soient pas permanents.

Dans une déclaration transmise en début de soirée, le député Daniel Blaikie a également dénoncé l’incertitude qui demeure puisque « les gens doivent maintenant attendre un mois de plus pour voir si ce que les libéraux promettent se concrétisera un jour ».

Le jeu politique

Avant que Justin Trudeau ne proroge le Parlement cette semaine, les élus devaient siéger le 26 août. Maintenant, les parlementaires ne reviennent que le 23 septembre pour un discours du Trône auquel le gouvernement minoritaire pourrait ne pas survivre.

Les deux ministres peinaient, jeudi après-midi, à expliquer pourquoi il fallait faire dépendre cette aide annoncée de la survie de leur gouvernement.

« Les changements qu’on a annoncés aujourd’hui sont une partie intégrale de notre stratégie économique et notre stratégie sociale. Et nous pensons que c’est juste d’être clairs avec les Canadiens, avec les députés, et de leur donner une opportunité de voter oui ou non pour un plan qui inclura ces changements », a dit la ministre Freeland.

« Parce que ça fait partie d’une plus grande vision de notre premier ministre, de notre gouvernement, car franchement, le monde n’est pas le même qu’il y a huit mois », a renchéri la ministre Qualtrough.