(Ottawa) Le président et chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, a dénoncé mercredi les « tactiques toxiques et machiavéliques » employées par Telus pour tenter de saper l’achat par Vidéotron de l’opérateur de téléphonie sans fil Freedom Mobile appartenant à Shaw Communications. Il s’est engagé à réduire les tarifs dans l’Ouest canadien si la transaction est approuvée.

Il s’en est pris au projet Fox, une offensive de lobbyisme mise de l’avant par Telus pour influencer notamment les fonctionnaires du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique. Le haut dirigeant de Québecor était de passage dans la capitale fédérale en après-midi pour défendre cette transaction en comité permanent de l’industrie et de la technologie à la Chambre des communes.

Pierre Karl Péladeau a également dénoncé la multiplication par Telus « des recours aux tribunaux, des campagnes sournoises de désinformation et des démarches intensives de lobbyisme » pour alimenter les partis de l’opposition et a accusé l’entreprise de télécommunications d’« aliéner l’Ouest canadien contre l’Est ».

« Oui, on va réduire les tarifs », a-t-il répondu à une question du député bloquiste Sébastien Lemire. M. Péladeau, qui a déjà dirigé le Parti québécois, a donné en exemple sa division Fizz au Québec, qui offre des prix plus bas pour les forfaits cellulaires et internet. Il a promis de baisser les prix en Colombie-Britannique, en Alberta, au Manitoba et en Ontario.

« On a dit que pendant dix ans, on va maintenir notre licence, et que nous allons réduire les tarifs d’environ 20 %, tel que le ministre [François-Philippe] Champagne l’a demandé », a-t-il précisé en mêlée de presse à sa sortie du comité. Il s’est engagé à le faire « le plus rapidement possible ».

Québecor a conclu une entente avec Rogers et Shaw en août pour l’achat de Freedom Mobile, ce qui lui permettrait de prendre une part de marché dans l’Ouest canadien. Cette acquisition est liée à la fusion de ces derniers.

Rogers veut se porter acquéreur de Shaw pour 26 milliards, en incluant une dette de 6 milliards. Le géant des télécommunications s’est engagé à vendre la filiale Freedom Mobile de Shaw à Québecor par la suite pour 2,85 milliards de dollars. L’accord verrait Québecor acheter les 1,7 million de clients de Freedom Mobile, ainsi que son infrastructure, son spectre et ses points de vente. Les trois parties se sont donné la date limite du 31 janvier pour conclure la transaction.

Ses concurrents Telus et Bell craignent que cette transaction nuise à la concurrence dans le marché des télécommunications. Or, la Cour d’appel fédérale a rejeté mardi la contestation du Bureau de la concurrence qui s’oppose à la fusion entre Rogers et Shaw. Celui-ci n’entend pas porter l’affaire en Cour suprême.

Concurrence

Leurs hauts dirigeants ont également défendu cette transaction en comité parlementaire mercredi.

Le président et chef de la direction de Rogers, Tony Staffieri, a affirmé que l’entente avec Vidéotron est « l’option la plus viable pour accroître la concurrence ». Avec l’acquisition de Freedom Mobile, il deviendrait un fournisseur de téléphonie mobile national offrant ses services « à 90 % de la population » canadienne.

Le président de Shaw, Paul McAleese, a accusé Telus et Bell d’être « les opposants les plus bruyants » à l’entente entre Rogers, Shaw et Vidéotron parce qu’elles seront obligées « de faire face à la concurrence qu’elles craignent le plus ». M. Péladeau les a rebaptisés « Bellus ».

Le dernier mot reviendra toutefois au ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, François-Philippe Champagne, qui prendra sa décision « en temps et lieu » après avoir révisé le jugement de la Cour d’appel fédérale.

J’ai toujours travaillé au nom des Canadiens pour faire en sorte que nous ayons plus de concurrence, plus d’abordabilité et d’innovation dans ce secteur.

François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique

« Et c’est ce qui va guider ma décision »,
a-t-il rappelé en mêlée de presse à Hamilton, où est réuni le Cabinet.

Le ministre Champagne avait rejeté en octobre la transaction initiale pour le transfert de licences de spectre de Shaw à Rogers pour éviter que Freedom Mobile ne tombe entre les mains du géant des télécommunications. L’ajout de Vidéotron en ferait le quatrième acteur dans le secteur de la téléphonie mobile dans l’Ouest canadien.

Le fournisseur indépendant TekSavvy Solutions a demandé la semaine dernière au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) d’enquêter sur les accords « anticoncurrentiels » entre Rogers et Vidéotron pour l’accès au réseau à large bande.

Avec La Presse Canadienne