(Washington) L’un des neuf juges conservateurs de la Cour suprême des États-Unis a affirmé dans un rare entretien publié vendredi qu’avec certains de ses collègues, il est devenu une potentielle « cible d’assassinat » après la fuite qui a révélé l’an dernier que le temple du droit s’apprêtait à annuler le droit constitutionnel à l’avortement.
Auteur de la décision qui a effectivement enterré la garantie fédérale à l’IVG en renvoyant la question aux États, Samuel Alito a dit au Wall Street Journal avoir « une idée assez précise » sur l’auteur de cette fuite, qui avait fait l’effet d’une bombe dans le pays en mai 2022. Mais il n’en a pas dit davantage sur l’identité présumée de cette personne.
La Cour suprême a été profondément remaniée par l’ex-président républicain Donald Trump qui y a fait entrer trois magistrats, solidifiant sa majorité conservatrice (six juges sur neuf).
« Ceux parmi nous qui étaient considérés comme étant dans la majorité, comme ayant approuvé mon projet de décision, ont vraiment été la cible (potentielle) d’assassinat », a-t-il déclaré. « Il était rationnel pour des gens de croire qu’ils pourraient stopper la décision en tuant l’un de nous », a-t-il ajouté.
M. Alito a dit ne pas se sentir « physiquement en danger, parce que nous avons beaucoup de protection ».
Il a dit qu’il se déplaçait « dans ce qui est en gros un tank », « et je ne suis pas vraiment censé aller où que ce soit sans le tank et sans mes agents de police ».
Quant à la fuite, « j’ai personnellement une idée assez précise sur qui est responsable, mais pour désigner quelqu’un, il est nécessaire d’avoir un niveau de preuves différent », a-t-il dit.
La publication du projet de décision, a-t-il affirmé, « a créé une atmosphère de suspicion et de méfiance » à la Cour.
« Cette année, je crois, nous essayons de revenir à la normale autant que possible… Mais ça a fait des dégâts », a-t-il dit.
Cette fuite inédite, révélée par le site Politico, avait provoqué un séisme. Le média avait dit s’être procuré l’avant-projet d’une décision majoritaire rédigée par Samuel Alito.
Dans ce texte, le magistrat disait que l’arrêt Roe v. Wade qui, il y a près d’un demi-siècle, a estimé que la Constitution américaine protégeait le droit des femmes à avorter, était « totalement infondé dès le début ».
« Nous estimons que Roe v. Wade doit être annulé », ajoutait Samuel Alito, pour qui le droit à l’avortement « n’est protégé par aucune disposition de la Constitution ».
La décision est finalement tombée près de deux mois après la fuite, le 24 juin 2022.
Aujourd’hui, « nous sommes vivement critiqués tous les jours, et je pense que c’est souvent injuste », a-t-il dit au Wall Street Journal. « Et personne, presque personne ne nous défend ».
Questionné sur les révélations d’un média américain sur les largesses d’un milliardaire à l’un de ses collègues à la Cour, le conservateur Clarence Thomas, et les questions éthiques soulevées, M. Alito a dit préférer ne pas aborder le sujet.