Sugar Sammy n’est pas le seul à présenter des numéros conjuguant la langue d’Yvon Deschamps à celle de George Carlin. L’humoriste d’origine acadienne JC Surette, qui assure ses premières parties, pratique lui aussi la blague bilingue.

Tout le monde sur Terre est relié par un maximum de six degrés de séparation ? Entre Antonine Maillet et Sugar Sammy, il n’y en a qu’un : JC Surette. Le premier contact de l’humoriste acadien avec le public québécois ? « C’est quand je travaillais au Pays de la Sagouine et que j’animais des activités pour les touristes », lance, à moitié sérieusement, le natif de Dieppe, au Nouveau-Brunswick, qui a bel et bien travaillé au populaire village théâtral, mais qui n’apprendra à réellement connaître le public québécois qu’en se mêlant au circuit des soirées d’humour, à son arrivée à Montréal.

« Ça a nourri ma réflexion sur ma langue de m’exporter dans un endroit où c’était tout le temps moi qui avais un accent », se souvient celui qui a reçu son diplôme de l’École nationale de l’humour en 2011 et qui compte parmi les rares humoristes québécois à œuvrer dans les cabarets comiques des deux côtés de la Main. « C’est le risque du voyageur, de devoir faire un effort pour aller vers l’autre, mais c’est aussi sa richesse, c’est ce qui me permet de m’adapter à différents publics. »

S’il parle aujourd’hui assez peu, voire pas du tout, de ses origines sur scène, JC Surette – prénom complet Jean-Christophe – se souvient des nombreux compliments à la fois gentils, mais aussi toujours un peu involontairement condescendants qu’il recevait au sujet de son accent, « charmant ».

Drôle de constat : à l’époque où il mettait d’emblée son identité acadienne sur la table dans ses numéros parce qu’il avait peur que les gens pensent qu’il était anglophone et sympathisent moins avec lui, des spectateurs lui confiaient souvent ne pas avoir saisi toutes ses blagues, ce qui n’arrive désormais plus jamais. L’accent se trouverait-il davantage dans l’oreille de celui qui l’entend que dans la bouche de celui qui parle ?

La richesse de la langue

C’est en assistant à un spectacle de Louis-José Houde au Moncton High en 2004 (soirée immortalisée sur un disque compact paru en 2006) que JC Surette est détourné de sa route – celle de l’enseignement – par le populaire humoriste, dont il a depuis assuré les premières parties.

Ce soir-là, j’ai ri ma vie, mais j’ai aussi eu le déclic que c’était vraiment un métier, humoriste. J’ai vu l’artiste sur scène qui faisait plus que juste faire rire les gens. J’ai vu le musicien qui épousait le rythme de son métronome du début à la fin.

JC Surette

Bien qu’il présente chaque soir en lever de rideau de You’re gonna rire 2 un numéro zigzaguant entre l’anglais et le français, JC Surette, 39 ans, offre généralement ses performances dans une langue ou dans l’autre, autant d’occasions d’affiner une blague sous plusieurs angles.

Ça aide à la créativité de travailler dans les deux langues parce que je ne peux pas traduire directement mot pour mot. En anglais, tu peux aller plus rapidement au punch, c’est une langue plus brutale, alors que la langue française est plus étoffée, plus imagée. C’est une langue poétique.

JC Surette

Mais ne craint-il pas que le français s’efface sous le poids de l’anglais ? « Quand j’ai vu la publicité du gouvernement, je me sentais mal qu’on banalise les faucons », blague-t-il, avant de répondre plus sérieusement : « Je pense qu’il y a une beauté dans les régionalismes. Il y a un français qui est parlé à Montréal qu’on peut comparer au créole ou au chiac et il y a une richesse là-dedans. L’essentiel, c’est d’apprendre qu’il existe différentes langues pour différents contextes et de continuer à parler un français plus normatif quand c’est approprié. Mais toutes ces langues peuvent coexister. »

Le tempo, c’est de l’humour

En tant que responsable des premières parties de Simon Gouache, Louis-José Houde et maintenant Sugar Sammy, JC Surette aura été aux premières loges du processus créatif de l’élite de sa profession.

« Et en jouant avec Louis-José et Sam, j’ai vraiment vu le yin et le yang de l’humour québécois. » C’est-à-dire ? « Avec Louis-José, même dans les premières versions, on est dans un travail à la virgule près, tandis que chez Sam, il y a beaucoup plus d’écriture qui se passe directement sur scène, des bits qui naissent parce qu’il se permet de digresser avec le public. »

Et le boulot de première partie, contrat ingrat ? « Non, c’est une grande et belle responsabilité. C’est toi qui pars le métronome, qui donne la cadence pour le reste de la soirée. On habitue le public à un certain rythme, on donne le tempo de l’humour. Tu mitrailles, tu mitrailles, puis tu laisses à l’autre un public bien chaud. »

Le mot de Sugar Sammy

JC, c’est quelqu’un que j’adore ! C’est un vent de fraîcheur sur la scène anglophone et aussi sur la scène francophone. Il a ouvert mes spectacles lors de ma tournée canadienne et il sera là aussi pour la tournée québécoise ! Son numéro, tout comme le mien, est dans les deux langues et il est excellent. Je suis chanceux de pouvoir être témoin de sa carrière grandissante !