Toute sa vie, il aura été le prince héritier, celui qui allait succéder à sa mère sur le trône britannique. Et finalement, jeudi, à l’âge de 73 ans, le prince Charles accède à la fonction qu’il a attendue toutes ces années : roi du Royaume-Uni et des royaumes du Commonwealth.

Le nouveau souverain britannique prend le nom de Charles III, ont annoncé jeudi ses services, Clarence House.

Le nouveau roi Charles a qualifié dans sa première intervention en tant que souverain, la mort de sa mère Élisabeth II de « moment de très grande tristesse » qui sera ressenti « dans le monde entier ».

« Le décès de ma mère bien-aimée, Sa Majesté la Reine, est un moment de très grande tristesse pour moi et tous les membres de ma famille. Nous pleurons profondément la disparition d’une souveraine chérie et d’une mère bien-aimée. Je sais que sa perte sera profondément ressentie dans tout le pays, les royaumes et le Commonwealth, ainsi que par d’innombrables personnes dans le monde entier », a déclaré le roi dans un communiqué.

La nouvelle première ministre britannique Liz Truss a appelé Charles « Sa Majesté Charles III ».

« Aujourd’hui, la Couronne passe, comme elle l’a fait pendant plus de mille ans, à notre nouveau monarque, notre nouveau chef d’État, Sa Majesté le roi Charles III », a déclaré la première ministre, qui avait été reçue mardi en audience par la reine Élisabeth II.

Comment sera-t-il reçu par ses sujets ? À l’inverse de sa mère, figure hautement consensuelle, Charles Windsor est loin de faire l’unanimité.

Au fil des ans, l’homme a polarisé l’opinion publique, étant tour à tour applaudi, hué ou tourné en ridicule, et a été pendant longtemps un souffre-douleur de la presse à potins. Qu’on pense à ses envolées écologistes (Harmonie, Une nouvelle façon de regarder le monde, sorti en 2010), son lobbyisme controversé auprès de certains ministres (l’affaire des black spider memos, où il donne son avis sur une foule de sujets, de l’agriculture à l’architecture), son apologie de l’homéopathie, ses visions architecturales passéistes et, bien sûr, ses conversations intimes avec Camilla Parker Bowles, qui, exposées au grand jour, révéleront un romantique au langage pour le moins audacieux.

« Son angle va être différent »

Ces épisodes controversés sont aujourd’hui loin derrière. Mais les doutes sur la stature du prince Charles n’ont pas complètement disparu. Cet héritier stigmatisé, qui a souvent semblé manquer de filtre, a-t-il la carrure pour remplacer une souveraine aussi neutre et irréprochable qu’Élisabeth ?

Pour Penny Junor, auteure de deux biographies sur le prince Charles, la question ne se pose simplement pas.

Si la reine était morte au milieu des années 1990, après la mort de Diana, il y aurait eu un plus gros point d’interrogation. Parce qu’à l’époque, Charles était profondément impopulaire. Mais cela fait longtemps. Aujourd’hui, l’opinion publique a changé à son endroit.

Penny Junor, auteure de deux biographies du prince Charles

Selon l’écrivaine britannique, Charles pourrait même surprendre comme souverain. Là où Élisabeth nous avait habitués à la réserve royale, évitant de se prononcer sur des questions d’intérêt public, le règne de Charles pourrait se distinguer par une nouvelle façon de faire, marquée par une plus grande implication dans les enjeux modernes.

« Élisabeth a été une reine conservatrice. Elle était populaire mais n’a pas innové. Charles respecte la monarchie, mais je pense que son angle va être différent. Les gens savent ce qu’il pense de l’urbanité, de la pollution, de l’environnement, de l’agriculture biologique, des énergies renouvelables et de la vie rurale. Ce sont des questions qui l’intéressaient avant qu’elles ne deviennent populaires. Mon impression est qu’il sera plus volontiers à l’écoute des gens ordinaires. »

Confondre les sceptiques ?

Historienne de la monarchie, Carolyn Harris abonde dans le même sens. Charles sera un monarque qui pourrait surprendre, croit-elle, à l’instar de son arrière-grand-oncle Édouard VII, qui avait confondu bien des sceptiques après son accession au trône.

« Quand il a succédé à la reine Victoria, Édouard était surtout connu comme quelqu’un qui aimait s’amuser. Mais il a fini par devenir une figure très populaire et à faire sa place comme diplomate. Quand il est mort, il était si aimé que certains ont même parlé d’une époque édouardienne. »

Élisabeth est restée si longtemps en poste qu’il est difficile pour le public de voir quelqu’un d’autre à sa place. Mais qui sait, Charles va peut-être grandir dans le rôle.

Carolyn Harris, historienne de la monarchie

En vertu du protocole royal, Charles succède automatiquement à sa mère sur le trône. Si, par le passé, certains ont émis la possibilité que le prince de Galles décide de passer directement le flambeau à son fils William, une figure globalement plus populaire, Phillip Murphy, directeur de l’Institut des études sur le Commonwealth, balaie les spéculations.

« Aucune chance, dit-il. C’est le job qu’il a attendu toute sa vie. »

avec l’Agence France-Presse