Ne me dites pas que vous êtes surpris. Si vous avez lu La Presse du 1er octobre ou écouté les stations de radio et de télé qui ont repris la nouvelle, vous ne pouvez pas être surpris par cette annonce de la Caisse de dépôt.

Le 1er octobre, après enquête, nous écrivions que des enjeux de sécurité concernant le tunnel du mont Royal, notamment, entraîneraient des retards importants pour le REM et des dépassements de coûts se calculant en centaines de millions. Nos renseignements étaient tirés d’un rapport du constructeur NouvLR.

Dans les minutes qui ont suivi, la Caisse s’est empressée de nier catégoriquement dans tous les médias. Et même, elle disait être en avance sur l’échéancier !

« Il y a une responsabilité solennelle de s’assurer que le budget est respecté à tout prix, tout comme l’échéancier. Et c’est cela que nous faisons depuis le début. En date d’aujourd’hui, le projet est en avance sur l’échéancier », avait déclaré à Radio-Canada le porte-parole de la Caisse, Harout Chitilian.

Et maintenant, que dit la Caisse ? Que des enjeux entourant le tunnel, notamment, repoussent l’échéancier de trois mois et font partie des éléments qui entraînent une facture additionnelle de 230 millions. Le coût global du projet passe ainsi à 6,5 milliards.

C’est ce qu’on appelle un déficit de transparence. Un déficit qui s’ajoute aux ententes de confidentialité en béton armé imposées aux municipalités qui accueilleront le REM.

Dans notre reportage du 1er octobre, nous écrivions que NouvLR évoquait la possibilité de 20 mois de retard pour le segment du REM allant du centre-ville de Montréal jusqu’à la station Du Ruisseau, dans l’arrondissement de Saint-Laurent.

La nouvelle a soulevé l’ire des usagers de ce tronçon, qui se rend jusqu’à Deux-Montagnes, car il implique de difficiles changements de modes de transport.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Le tunnel du mont Royal, vu de la gare Canora, en octobre dernier

La Caisse dit maintenant qu’elle s’est entendue avec NouvLR pour ramener ce retard à trois mois. De plus, le tunnel ne fermera pas le 6 janvier, comme prévu, mais le 30 mars 2020, ce qui donnera trois mois de plus aux usagers pour respirer. Après le 30 mars, le tunnel restera fermé durant deux ans, tel que prévu au départ, dit la Caisse.

Bref, le tronçon centre-ville–Saint-Laurent serait rouvert en avril 2022 plutôt qu’en janvier 2022. Et pour le tronçon Rive-Sud, tout serait livré dans les délais, dit la Caisse, soit en janvier 2022.

Mon avis ? Je n’y crois pas. On ne se rendra probablement pas à 20 mois de retards, comme l’écrivait NouvLR dans le rapport, mais devant l’ampleur du défi, il faut ajouter quelques mois de plus que les trois annoncés par la Caisse.

Pourquoi ? Parce que les défis sont colossaux. Question de sécurité, NouvLR doit insérer un mur de plusieurs kilomètres qui sépare le tunnel sur la longueur. De plus, deux stations seront comprises dans le tunnel, soit McGill et Édouard-Montpetit.

Pont Samuel-De Champlain : cinq mois plus tard

Ensuite, parce que l’accès au tablier du pont Samuel-De Champlain est retardé de cinq mois, m’a confirmé Harout Chitilian, de la Caisse. Essentiellement, a-t-il admis, « le gros des travaux sur le pont Champlain débutera en avril 2020 », alors qu’on planifiait le faire dès le 1er novembre. Ce retard s’explique par celui qu’a pris SSL, le consortium qui termine le pont Samuel-De Champlain.

Malgré tout, Harout Chitilian assure que le segment Rive-Sud–centre-ville sera ouvert aux usagers dès janvier 2022, comme prévu, et donc sans retard.

Les 230 millions additionnels servent justement à accélérer les travaux pour respecter les échéanciers, entre autres, dit-il. Une partie servira à ajouter des équipements et de la main-d’œuvre. La Caisse doit aussi tenir compte de la pénurie de main-d’œuvre dans l’industrie de la construction provoquée par les nombreux chantiers, ce qui hausse les coûts.

Enfin, une autre partie des 230 millions sert à assumer les coûts de la solution retenue pour le tunnel (le mur), et moins de 5 millions seront consacrés aux rabais offerts aux usagers de la ligne Deux-Montagnes entre janvier et avril.

Pour s’assurer que NouvLR livre dans les délais, une partie des fonds sera versée en tranches selon l’atteinte des jalons d’exécution.

La totalité de la facture sera assumée par la Caisse, et non par l’autre partenaire au capital, le gouvernement du Québec. Malgré cette facture, la Caisse s’attend tout de même à un rendement oscillant entre 8 et 9 %. On verra.

50 % approuvé au lieu de 100 %

Hier, devant mes demandes de transparence, Harout Chitilian a consenti à me dévoiler un élément important : seulement 50 % des travaux de conception du REM (plans et devis) ont été approuvés à ce jour par la Caisse. Cette proportion était de 41 % à la mi-août.

Or, cette proportion devrait être de 100 % aujourd’hui, selon l’entente avec NouvLR. Harout Chitilian reconnaît cet écart, mais soutient que NouvLR va accroître son rythme et la Caisse, son approbation finale des plans et devis. On verra.

Pour l’instant, l’impression qui se dégage, c’est que le projet pose d’importants problèmes d’exécution à la Caisse. En soi, ce n’est pas si étonnant, quand on connaît l’immensité du projet de 67 km. Ce qui l’est davantage, c’est le manque de transparence de la Caisse. Elle promet maintenant d’y remédier. On verra.