Il était tôt dimanche matin quand des policiers du SPVM sont débarqués sur le site du défilé de Fierté Montréal. Une personne responsable de l’évènement s’est approchée d’eux et leur a dit que tout était annulé.

Bang !

À partir de là, ce fut le festival de la conjecture.

Voici ce qui s’est vraiment passé. Fierté Montréal devait fournir environ 200 personnes pour assurer la sécurité le long du parcours (elles étaient notamment chargées de faire reculer les gens avant le passage des chars allégoriques et des participants).

Une centaine de personnes sont des « agents d’accueil » bénévoles et une centaine d’autres sont rémunérées. Dimanche matin, on a réalisé que les « agents d’accueil rémunérés »… n’avaient pas été embauchés.

C’est Simon Gamache, directeur général de l’évènement, qui m’a confirmé la chose dimanche, en fin de journée.

Comment un évènement qui rassemble des dizaines de milliers de spectateurs et une douzaine de milliers de participants a-t-il pu en arriver là ?

Avant de parler à Simon Gamache, j’avais en tête une chronique très dure sur l’amateurisme de Fierté Montréal. Mais après lui avoir parlé, j’ai relâché le bouton. Est-ce qu’un évènement doit payer pour l’« oubli » d’une personne ou d’un comité qui a mal fait son travail ?

« C’est moi, le directeur général. J’en prends l’entière responsabilité », m’a dit celui qui est arrivé en poste en septembre 2021.

Cela dit, je vous avoue avoir ressenti un énorme malaise comme Montréalais. Fierté Montréal n’est quand même pas le Festival de la mouche à feu de Saint-Glinglin ! Cet évènement compose avec un budget de 5,6 millions de dollars (1 103 000 $ de Québec, 600 000 $ de Montréal, sans compter les participations d’Ottawa, de Tourisme Montréal et de nombreux partenaires).

Je comprends parfaitement la mairesse Valérie Plante d’avoir avalé son café de travers en apprenant la chose dimanche matin. Elle a vertement exprimé son mécontentement lors d’un point de presse où elle devait aborder la question des fusillades des derniers jours.

Contrairement à ce que les donneurs-de-leçons-mal-informés ont publié dimanche sur les réseaux sociaux, la Ville de Montréal et le SPVM avaient fait leur travail. Mais bon, il est plus facile de s’en prendre aux évidences quand on n’a pas encore fini son café.

Dimanche, des milliers de Montréalais et de gens venus d’ailleurs au Québec et au pays ont connu une grande déception. Mettez-vous à la place des groupes communautaires et des commanditaires de l’évènement (qui ont versé des montants substantiels pour avoir une visibilité). Ceux-ci préparaient leur participation depuis des semaines, sinon des mois.

Dimanche matin, ils se sont fait dire que leur char allégorique allait rester au garage.

Cette déconfiture va évidemment porter un dur coup à l’évènement. Ce festival a traversé plusieurs crises (souvenez-vous de la guerre avec Divers/Cité). Après cette journée noire, la côte sera difficile à remonter auprès des bailleurs de fonds et du public.

Toujours au sujet des « donneurs de leçons mal informés des réseaux sociaux », c’était le festival de l’errance dimanche. Heureusement que la mairesse a rapidement remis les pendules à l’heure lors du point de presse de 10 h 45.

Évidemment, on a tout de suite blâmé les policiers du SPVM. C’étaient eux, les fautifs, eux, les gros méchants. Mauvaise cible.

Certains ont fait un curieux amalgame avec la demande des organisateurs du défilé, plus tôt cette semaine, d’annuler la présence de policiers durant l’évènement. Clarifions une chose : il n’était pas question ici des policiers qui doivent assurer la sécurité de l’évènement, mais plutôt des policiers qui font partie de la communauté LGBTQ+.

À ce sujet, exclure des policiers gais qui veulent prendre part au défilé afin de dénoncer les descentes policières qui ont eu lieu dans les années 1970, 1980 ou 1990 est une décision absolument vide de sens.

Des gens ont aussi imaginé qu’on annulait le défilé parce que les organisateurs avaient reçu des menaces terroristes. Pensaient-ils vraiment que si un évènement qui rassemble des dizaines de milliers de citoyens avait reçu de telles menaces, le SPVM et la mairesse n’auraient pas été mis au courant ?

Toute la journée, des gens se sont demandé s’il y avait « anguille sous roche » dans cette décision. Peut-on fermer la machine à complots pour le reste de l’été ?

La direction de Fierté Montréal et les membres de son conseil d’administration auront des comptes à rendre. Précisons que l’équipe en place est constituée en grande partie de nouvelles figures.

Fierté Montréal a connu un changement de garde important il y a deux ans avec une importante vague de départs. L’arrivée des nouvelles recrues semble toutefois provoquer quelques remous. Des sources m’ont confié au cours des derniers mois que les organisateurs qui sont à Fierté Montréal depuis plusieurs années ont de la difficulté à se faire entendre de la nouvelle direction.

« À tout vouloir changer, les nouveaux organisateurs ont jeté le bébé avec l’eau du bain », m’a dit une source.

La nouvelle équipe semble plus encline à travailler sur les aspects idéologiques de la communauté LGBTQ+. Allez faire un tour sur le site de Fierté Montréal et jetez un coup d’œil à la section « Revendications 2022 ». À trop vouloir en faire, je crains que l’on ne rate certaines cibles.

Qu’on allonge l’acronyme LGBTQ+ sur un kilomètre et que l’on crée un drapeau avec l’ensemble des couleurs de Benjamin Moore, je n’ai rien contre. Mais il y a lieu de s’interroger sur ce que sont en train de devenir ces organisations qui endossent maintenant une tonne de causes.

Fierté Montréal a créé une liste de 10 revendications spectaculaires dont elle souhaite être le porte-étendard. C’est beau, c’est noble, c’est grand !

Mais l’organisation a oublié de s’occuper de l’évènement grand public qui en est le moteur. Ça dit beaucoup de choses sur notre époque.