Dans L’argent et le bonheur, notre journaliste Nicolas Bérubé offre chaque dimanche ses réflexions sur l’enrichissement. Ses textes sont envoyés en infolettre le lendemain.
Un chroniqueur d’un quotidien montréalais a posé une question intéressante l’autre jour.
« Nommez-moi UNE CHOSE qui fonctionne au Québec. Une ! » Les majuscules sont de lui.
Son argumentaire : l’actualité est remplie de scandales, d’exemples de corruption, les urgences des hôpitaux débordent, etc. Bref, les nouvelles sont déprimantes.
Je vais mordre à l’hameçon. Voici 10 choses qui fonctionnent au Québec.
1) Les Québécois n’ont jamais autant épargné
Le taux d’épargne des Québécois est en progression constante, et a même atteint un sommet en 2023, comme l’a écrit l’été dernier mon collègue Francis Vailles. Les Québécois mettent de côté 10,1 % de leur revenu disponible en moyenne. C’est presque deux fois la moyenne canadienne, selon les données de Statistique Canada.

2) Les agriculteurs font des revenus records
La production agricole atteint des sommets records au Québec, et les revenus n’ont jamais été aussi élevés pour les agriculteurs. En 2022, les recettes monétaires agricoles tirées du marché atteignaient 12,7 milliards de dollars, en forte hausse de 15 % par rapport à 2021, selon le gouvernement du Québec.
3) La criminalité est en baisse
Tant qu’il y aura des crimes, il y aura des manchettes. Mais est-ce qu’on était plus en sécurité avant ? Les chiffres nous disent que non. Malgré une légère hausse récemment, les crimes graves (crimes haineux, viols, meurtres) ont vécu une baisse spectaculaire dans la province depuis la fin des années 1990. C’est même au Québec que l’Indice de gravité de la criminalité (IGC) est le plus faible au pays : il s’établit à 54,3, alors que la moyenne canadienne est de 73,7.

4) Le taux de suicide est en diminution
Le suicide est un problème complexe qui est trop présent autour de nous. C’est aussi un problème qui est en diminution dans la société québécoise. Il y a 25 ans, le taux de suicide était de 22,1 pour 100 000 personnes, selon l’Institut national de santé publique du Québec. Le taux pour l’année 2021 était de 11,7 pour 100 000 personnes. Une baisse de 47 %.

5) Les adolescentes ne deviennent plus mères
Les jeunes filles du secondaire qui deviennent mères sont un phénomène largement révolu. En l’an 2000, 14 adolescentes sur 1000 âgées de 15 à 19 ans avaient déjà accouché d’un enfant au Québec. En 2023, elles n’étaient plus que 4 sur 1000. Le taux d’interruption volontaire de grossesse (IVG) chez les adolescentes est également en baisse.
6) On n’a jamais vécu aussi longtemps
En 2023, l’espérance de vie à la naissance au Québec était estimée à 82,5 ans, selon I’Institut de la statistique du Québec. Aux États-Unis, elle était de 77,5 ans. C’est donc dire qu’un enfant né au Québec aujourd’hui vivra en moyenne cinq années de plus qu’un enfant né au sud de la frontière. Une réalité en partie due au système de santé universel, à une population plus active physiquement et à un niveau moins élevé d’écarts socioéconomiques.
7) Les Québécois n’ont jamais été aussi instruits
Environ 30 % des personnes âgées de 25 à 64 ans détiennent un diplôme universitaire au Québec, un pourcentage en hausse depuis des générations. En 1960, à peine un jeune adulte québécois sur dix fréquentait l’université. Les Québécois n’ont jamais été aussi instruits qu’aujourd’hui. Parmi les titulaires de doctorat au Québec, la moitié (50 %) sont des immigrants ou des résidents non permanents.
8) Manger coûte moins cher qu’avant
On a tous remarqué les hausses de prix à l’épicerie ces dernières années. Ce qui frappe moins, c’est que le poids de l’achat des aliments dans le budget familial diminue depuis des générations. Selon l’Université Dalhousie, le pourcentage du revenu consacré à l’alimentation a baissé d’environ la moitié au Canada en un demi-siècle. Les Canadiens consacraient 19,6 % de leurs revenus à l’alimentation en moyenne en 1969, comparativement à 11 % aujourd’hui. Ça laisse de l’argent pour acheter des iPhone, s’abonner à Netflix, etc.
9) On respire de l’air plus pur
La qualité de l’air est bonne la plupart du temps dans les grandes villes du Québec. Il y a quelques générations, lorsque les gens chauffaient au bois et au charbon, l’air était atroce. Savez-vous pourquoi l’Université de Montréal a été construite sur les flancs du mont Royal, au début des années 1930 ? C’est en partie pour être loin du centre-ville et de son air irrespirable. « Au-dessus, un ciel immense ; autour de vous, l’air pur », s’enthousiasmait le recteur de l’Université de Montréal, Olivier Maurault, en parlant du nouveau campus.
10) Les heures travaillées diminuent
On en fait plus avec moins. Comme partout dans les pays riches, les heures passées au travail sont en diminution au Québec. En 1976, les Québécois passaient 35,5 heures par semaine à travailler, contre 31,8 en 2019, une diminution de 10 %. Si on remonte plus loin encore, le changement est plus frappant : vers 1900, les gens travaillaient en moyenne 60 heures par semaine, réparties sur six jours. Et leur niveau de vie n’était qu’une fraction de ce qu’on tient pour acquis aujourd’hui.
Je pourrais continuer longtemps comme ça.
La leçon ici est que les problèmes seront toujours plus spectaculaires que les solutions.
Des générations de Québécois ingénieux ont travaillé fort pour nous permettre d’avoir une meilleure vie qu’eux. Le moins qu’on puisse faire, c’est de le reconnaître.
Je ne prétends pas que tout va bien – ce serait réducteur et naïf de ma part.
Mais se fier à l’air du temps et aux manchettes pour se faire une opinion de la santé de la province, c’est la recette parfaite pour passer son temps à s’indigner sur le sort de la société. Je ne souhaite ça à personne.
Comme l’a écrit l’auteur Morgan Housel : « Le passé n’était pas aussi bon que vous vous en souvenez, le présent n’est pas aussi mauvais qu’il le paraît, et l’avenir sera meilleur que vous ne l’anticipez. »