Ça chante, ça danse et ça rêve en grand à l’école La Voie, située au cœur du quartier multiculturel Côte-des-Neiges. Ses élèves ne manquent pas de modèles de réussite : le joueur de basket-ball professionnel Chris Boucher et l’humoriste Sugar Sammy ont déjà marché dans ses corridors.

« Entendre qu’un ancien élève de La Voie est allé aussi loin dans sa carrière, ça me rend fière. Maybe we can do that too, you know ! », s’exclame Jasmine-Grace Aspacio, 16 ans, dans le même franglais qui a fait la marque de l’humoriste.

C’est l’heure du dîner à l’école La Voie. Une dizaine de jeunes du club de musique ont accepté de s’entretenir avec La Presse de leur amour de la scène et de l’industrie culturelle au Québec.

Âgés de 13 à 16 ans, ils sont pleins d’ambition et bourrés de talent. Ils sont aussi, pour la plupart, nés de parents immigrants.

C’est la première chose qui frappe lorsqu’on met les pieds dans l’établissement, situé à quelques coins de rue de la Plaza Côte-des-Neiges : à l’école La Voie, 99 % des élèves sont issus de l’immigration. Ils sont originaires de plus de 70 pays, principalement de l’Asie du Sud et des Philippines.

On est une école multiethnique, certes défavorisée, mais nos résultats sont bons : on a des taux de réussite de près de 80 %.

Lucien Fortin, directeur de l’école La Voie

La diversité culturelle, c’est aussi ce qui fait la richesse de l’école. Aux spectacles de fin d’année montés par les élèves, les chorégraphies de Bollywood se mêlent aux numéros de danse africaine, exemplifie Ange Nanan, 19 ans, qui s’engage bénévolement dans la création des spectacles de l’école.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Ange Nanan, à gauche

« Ici, tu ne seras jamais jugé. Il y a des gens de toutes les couleurs, de toutes les ethnies », observe l’ancien élève de La Voie.

Trouver sa place

L’humoriste Sugar Sammy a justement attrapé le virus de la scène en participant aux spectacles de fin d’année à l’école La Voie.

Ses successeurs savent-ils qu’ils marchent dans les pas d’un humoriste au succès international ? « Mon père et moi, on était devant la télé chaque fois que son émission [Ces gars-là] jouait ! Je l’ai déjà vu en spectacle aussi », s’exclame Jessika Pelland, 16 ans. D’autres, toutefois, entendaient son nom pour la première fois…

Mais comme l’humoriste, ils ont trouvé leur place grâce à l’art, qu’il s’agisse de danse, de chant ou d’impro.

« Dès mon enfance, j’étais quelqu’un de timide. Les spectacles m’ont aidé à sortir de ma coquille », confie Luke Tracy Miciano, qui joue de la basse et de la guitare.

« Ce qui nous réunit, c’est l’art. La Voie va peut-être devenir le prochain High School Musical ! », s’exclame Ange, qui est lui-même chanteur.

Se sentir inclus

On le devine, les élèves de l’école La Voie ne sont pas exactement le public cible d’une série télévisée comme Indéfendable ou 5e rang.

Regardent-ils des émissions québécoises ? Des films québécois ? La question suscite des rires nerveux. « On a presque tous des parents immigrants. La plupart de la musique que j’écoute chez moi, c’est de la musique Bollywood. La culture québécoise ne fait pas vraiment partie de ma culture », répond Protiti Tarafder, 16 ans.

Pour s’y intéresser, il faut aussi qu’ils s’y reconnaissent. Le français est souvent la deuxième langue, voire la troisième langue, qu’ils ont appris à parler. Certains d’entre eux se retrouvent davantage dans la culture anglophone, souvent plus diversifiée.

« Est-ce que vous connaissez une personne à la télévision qui parle français à laquelle vous pouvez vous identifier ? », demande Ashley Patricia Mioko Tshishiku à ses camarades. « Non ! », répondent-ils presque à l’unisson.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

De gauche à droite, Ashley Patricia Mioko Tshishiku, Jessika Pelland et Luke Tracy Miciano

Jessika Pelland, la seule d’origine québécoise à la table, est particulièrement critique de la fermeture de l’industrie aux artistes anglophones : « Je pense qu’on décourage les jeunes à aimer le français. On se sent forcés, comme si c’est une obligation, un boulot, de devoir apprendre le français », déplore-t-elle.

Pourtant, l’adolescente aime beaucoup la musique québécoise, comme Les Colocs.

Avec d’autres élèves de l’école, elle a formé un groupe de musique, baptisé The Show Continues In January. La formation a déjà écrit sept chansons et travaille sur un premier album. « Le reste de mon groupe n’est pas francophone, donc on fait beaucoup de musique en anglais. On sait très bien qu’à un moment donné, si on continue, quelqu’un va nous demander : “Pourquoi est-ce que vous ne faites rien en français ?” », lâche-t-elle.

Le mot de Sugar Sammy

C’est vraiment grâce à mon école secondaire que je suis capable de m’adapter à mon public aussi facilement. Une éducation multilingue et multiculturelle m’a permis d’avoir une grande ouverture et un vrai intérêt pour les autres. Ces outils m’ont donné une capacité d’analyse juste et précise dans mon écriture. Merci à mes amis qui ont été mes premiers cobayes et aux profs qui m’ont encouragé, toléré et surtout à ceux qui m’ont puni. Ma vie va bien maintenant.

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