(Montréal) Une coalition de communautés autochtones d’Abitibi, de Haute-Mauricie et de la Côte-Nord met en demeure Hydro-Québec de suspendre le projet de construction de la ligne d’interconnexion avec le réseau de l’État du Maine.

Dans un communiqué diffusé mardi, les communautés anishnabe de Lac Simon, atikamekw de Wemotaci et innue de Pessamit reprochent à la société d’État d’« ignorer les droits ancestraux et constitutionnels des Premières Nations d’où provient plus de 36 % de l’électricité devant être exportée vers les États-Unis, et ce, sans que celles-ci n’aient jamais été consultées, compensées ni accommodées ».

Rejoint par La Presse Canadienne, le vice-chef du conseil de bande de la communauté innue de Pessamit, Gérald Hervieux, a expliqué que ce n’est pas la ligne elle-même – qui ne passe pas sur les territoires des communautés – qui pose problème, mais bien l’accroissement de la demande d’électricité qui présente une menace pour leurs territoires de chasse et de pêche. Le fait de produire plus d’électricité implique en effet de turbiner davantage d’eau, ce qui fait baisser les niveaux des réservoirs et augmenter le débit des rivières.

Niveaux anormalement bas

« C’est un danger par rapport à la flore, à l’environnement et la faune aquatique et terrestre, a expliqué le vice-chef Hervieux. Le castor est affecté et l’orignal descend moins. Il y a plusieurs éléments qui vont avoir un impact sur notre mode de vie. On s’est aperçu que le lac Pipmuacan baisse et qu’il baisse souvent. »

Rejoint à son tour, le porte-parole du conseil de bande de la communauté atikamekw de Wemotaci, Guy Laloche, abondait dans le même sens. « Avec les changements climatiques, à peu près partout au Québec les niveaux d’eau sur les réservoirs sont extrêmement, dangereusement bas », a-t-il affirmé, disant l’avoir constaté pas plus tard que la semaine dernière en se rendant au réservoir Gouin.

Les communautés autochtones réclament des discussions et négociations avec Hydro-Québec, sans quoi elles menacent d’aller devant les tribunaux, avertit Gérald Hervieux. « Si on est contraint de le faire, on n’aura pas le choix parce que c’est quand même important. Ce n’est pas une question d’argent, c’est une question de respect et de reconnaissance de nos territoires communs par rapport à l’ensemble des communautés qui sont dans la coalition. »

Partage de la richesse des ressources

Mais il y a également des questions de partage de la richesse issue de l’exploitation hydroélectrique, précise Guy Laloche.

« On a besoin d’emplois parce qu’on a une population jeune », explique-t-il, ajoutant que de nombreux projets de développement sont dans les cartons dans la communauté. « Si on n’a pas accès aux ressources naturelles, on ne pourra pas maintenir ce rythme. »

M. Laloche souligne qu’il y a une dizaine de barrages sur la rivière Saint-Maurice, aux abords de laquelle est située sa communauté en Haute-Mauricie, mais que seulement deux d’entre eux ont déjà fait l’objet d’ententes.

« On aimerait qu’Hydro-Québec et, donc, le gouvernement du Québec par défaut aussi, puissent prendre le temps de nous rencontrer par rapport à ces projets, par rapport à ce qu’il veut faire sur le territoire. Pour l’instant, il n’y a pas eu d’ouverture officielle », souligne le vice-chef Hervieux.

Ni lui ni Guy Laloche n’accusent toutefois Hydro-Québec de les ignorer ou de refuser de leur parler. « Ils ont démontré de belles ouvertures chez Hydro-Québec, mais des fois les discours et ce qui se conclut sur papier, ce n’est pas toujours pareil », fait valoir Guy Laloche qui ajoute : « Hydro, ç’a changé un peu quand les madames sont arrivées, Mme Brochu [Sophie Brochu, présidente-directrice générale] et Mme Boucher [Julie Boucher, vice-présidente et responsable des affaires autochtones]. On va attendre la suite. Nous on aimerait que les discussions qu’on a eues avec eux puissent se refléter sur papier. »

Hydro : les niveaux ne seront pas affectés par la demande

Chez Hydro-Québec, la porte-parole Lynn St-Laurent a fait valoir en entrevue avec La Presse Canadienne que « la Régie d’énergie du Canada, qui a évalué le projet durant environ 20 mois, s’est penchée sur l’opposition de la coalition – parce que la coalition lui a également présenté ses doléances – et a indiqué qu’il n’y avait pas d’enjeux très clairement identifiés reliés au projet ».

Quant au contrôle des niveaux d’eau, elle fait valoir que toutes les installations ont des normes qui fixent des limites préétablies. « Nos exportations d’électricité ne changeront en rien ces limites opérationnelles. Les exportations vont se faire selon ce qui est permis pour chacune de nos installations. Ça veut dire que les niveaux minimum et maximum des réservoirs seront inchangés par la construction et l’opération d’une ligne de transport additionnelle. »

De plus, ajoute-t-elle, la Régie de l’énergie du Canada a « clairement conclu que le projet ne va pas mener à de nouveaux impacts sur les installations de production ».

Elle invite d’ailleurs les communautés en question au dialogue : « Nous sommes ouverts à discuter, à travailler en collaboration avec les communautés autochtones. »