(Ottawa) Si elle déplaît à PolySeSouvient, la nouvelle approche du gouvernement Trudeau pour interdire les armes d’assaut est bien accueillie par les chasseurs. Les nouveaux amendements au projet de loi C-21 ont été adoptés en comité cette semaine. Ils visent uniquement les armes qui n’ont pas encore été mises en marché au Canada.

« Je pense qu’on est sur une bonne voie », a réagi le président de la Fédération québécoise des chasseurs et des pêcheurs, Marc Renaud, en entrevue. Il s’est réjoui que le gouvernement n’ait pas ramené la liste de plus de 300 pages qui avait soulevé la controverse l’automne dernier.

« Qu’il n’y ait pas de liste établie, c’est bien tant mieux parce qu’à un moment donné, ça devient subjectif, a-t-il affirmé. Il y avait beaucoup de jugement basé sur l’esthétique. »

Il déplore toutefois que l’utilisation d’armes à feu soit encore associée « au côté violent des gens ». « On le dit depuis le début, l’arme c’est une chose, mais il y a beaucoup d’autres choses qui peuvent causer des dommages. On a rien qu’à penser à Québec, quand il y a eu la personne avec son sabre. »

Même si elle se réjouit du recul du gouvernement, la Coalition canadienne pour le droit des armes à feu (CCDAF) est loin de crier victoire. Elle mène une campagne pour le retrait du projet de loi C-21 qui comprend un gel national des armes de poing.

« Je pense qu’ils devraient élaborer une législation ou une réglementation qui cible l’usage illégal des armes à feu et non les propriétaires d’armes qui détiennent un permis légal », a fait valoir sa porte-parole, Tracey Wilson.

Les tactiques employées par le groupe proarmes avaient fait sourciller l’automne dernier. Il y avait d’abord eu l’utilisation du code promotionnel « Poly » pour acheter des marchandises sur son site web quelques jours avant le 33e anniversaire du féminicide de masse à l’École Polytechnique. Puis, la sortie de Carey Price contre le projet de loi où l’ex-gardien de but du Canadien tenait une arme qui allait demeurer légale. Le groupe a été accusé de disséminer de fausses informations sur les armes que le gouvernement voulait prohiber.

« La désinformation est venue du gouvernement libéral, s’est défendue Mme Wilson, en entrevue. Ils peuvent nous blâmer tant qu’ils le veulent, c’est le gouvernement qui a retiré ses propres amendements pour les remplacer avec cette nouvelle version complètement différente. »

« Un drôle de compromis »

La nouvelle définition d’armes prohibées que le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, veut inclure dans le Code criminel a été intégrée au projet de loi C-21 jeudi grâce à l’appui du Nouveau Parti démocratique et du Bloc québécois.

Elle englobera les armes « qui ne sont pas des armes de poing » et qui à la fois sont semi-automatiques, « tirent des munitions à percussion centrale » et ont été « originalement conçues avec un chargeur détachable d’une capacité de six cartouches ou plus ».

La définition demeure prospective, c’est-à-dire qu’elle s’appliquera seulement aux nouvelles armes qui entreront sur le marché canadien et non à celles qui sont déjà en circulation. Environ 2000 armes d’assaut sont déjà interdites en vertu d’un décret adopté en 2020. PolySeSouvient voulait ajouter 482 modèles, qui étaient inclus dans les amendements précédents retirés par le gouvernement en février.

Le gouvernement libéral minoritaire a fait « un drôle de compromis », selon Francis Langlois, professeur au cégep de Trois-Rivières et membre de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand.

Ça enlève une grosse partie des armes qui aux yeux du gouvernement posent problème, mais ça en laisse beaucoup en circulation encore, notamment des armes qui ont été utilisées pour tuer des policiers ou pour commettre des tueries de masse. Ce n’est pas cohérent.

Francis Langlois, professeur au cégep de Trois-Rivières et membre de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand

Une définition d’armes prohibées et une liste inscrites dans la législation auraient à la fois permis de retirer les armes d’assaut existantes et d’empêcher qu’elles soient mises en marché. L’objectif est d’éviter qu’elles soient utilisées pour commettre des tueries de masse comme celui de l’École Polytechnique en 1989. Il aurait été également plus difficile pour un éventuel gouvernement conservateur d’éliminer la liste alors qu’un décret peut être modifié sur décision du Cabinet.

Cette liste pourrait grossir, ce à quoi s’oppose le lobby proarmes qui a contesté le décret actuel en Cour fédérale. Le ministre Mendicino a annoncé son intention de rétablir le Comité consultatif canadien sur les armes à feu pour revoir leur classification. La Fédération a demandé à en faire partie. Certaines armes considérées comme des armes d’assaut de style militaire sont également utilisées pour la chasse, comme la SKS.

Ce type d’arme a également servi à plusieurs reprises pour tuer des policiers au cours des dernières années. La Fédération des policiers et policières municipaux du Québec en recense cinq dans une lettre envoyée au ministre Mendicino la semaine dernière.

La députée bloquiste Kristina Michaud réclame que le comité consultatif soit formé le plus rapidement possible afin qu’il émette ses recommandations avant le mois d’août. Elle demande également au ministre Mendicino de confirmer son intention d’interdire les armes d’assaut de style militaire toujours en circulation par décret.

Il y a au moins un point sur lequel tous s’entendent, incluant le lobby proarmes, soit l’ajout des armes fantômes à la définition d’arme prohibée dans le Code criminel, qui sont fabriquées illégalement à l’aide d’imprimantes 3D.